samedi 28 juin 2008

LE SCENARIO BRUT QUI FAIT PEUR.


Conjoncture. Alors que le prix du baril a crevé un nouveau plafond hier.
CHRISTIAN LOSSON.
LIBERATION QUOTIDIEN : samedi 28 juin 2008.


Le pire de la crise du crédit américaine est peut-être passé, mais le pire de la crise économique globale reste à venir. «Pendant une longue période, le monde a profité d’une combinaison de croissance robuste et de faible inflation, mais il affronte maintenant des vents contraires» , euphémisait, mi-juin, le G8 Finances. «Il y a de quoi être inquiet et bâtir des scénarios noirs» , résume l’économiste Anton Brender, qui se refuse pourtant à y croire.

Ces derniers temps, on voit bien que la crise s’aggrave, attisée par un pétrole qui, hier encore, s’est offert un nouveau record, à près de 143 dollars (90 euros) le baril. Un prix vertigineux, résultat, comme le croit Michael Master, un manager de hedge fund, de spéculateurs achetant à tour de bras, «autant que de la demande de la Chine». Mais cette exubérance, même irrationnelle, n’explique pas tout. La fin structurelle du pétrole bon marché est-elle liée au boom de la demande ou au peak oil, le déclin inexorable de la production, voire aux limites de production actuelles (lire ci-contre) ?
Le «pétropessimisme» - ou le réalisme - se retrouve alimenté quotidiennement. Jeudi, le président de l’Opep, Chakib Khelil, évoquait un baril qui pourrait atteindre «170 dollars cet été». Vendredi, le patron du géant de l’énergie russe Gazprom, Alexeï Miller, prédisait un or noir bientôt «à 250 dollars»… En attendant, les places boursières, dans la tourmente, se raccrochent au moindre semblant de bonne nouvelle pour ne pas trop dévisser (vendredi, la consommation américaine, meilleure que prévue)… Mais la contagion de la finance à l’économie réelle gagne du terrain. La croissance flageole et la hausse des prix (pétroliers, bien sûr, mais aussi alimentaires) s’emballe : + 3,3 % de hausse des prix en Allemagne en juin, du jamais vu depuis 1993. Le moral des ménages est dans les chaussettes (Libération de vendredi) avec, dit un économiste, «la peur de voir les entreprises défaillir, et le spectre d’un chômage de masse revenir.»
De nouveaux cadavres vont-ils sortir du placard de la finance véreuse d’où sont sorties les subprimes il y a dix mois ? «Pas forcément, note l’économiste Anton Brender, mais de nouveaux vont y rentrer avec le ralentissement de l’économie.» En économie, le cinéma zombiesque de George A. Romero s’appelle la stagflation. Un cocktail de mort-vivant fait de croissance molle et d’une inflation dure. Et que redoutent évidemment les banques centrales car très délicat à guérir. Comme le dit Nouriel Roubini, l’un des premiers économistes américains à avoir prédit le choc des subprimes : «Le scénario cauchemardesque n’est pas loin.»

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