mercredi 19 mars 2008

FRANCOIS BERANGER. (1937-2003).

Je publie ci-dessous les paroles intégrales de deux de ses chansons.
Une Internationale, version actualisée, pour exprimer le désarroi contemporain de tous les vaincus-trahis.
Une autre “Dure-mère” (1) qui témoigne de la rapidité de l'évolution des mécanismes économiques que nous subissons.
Béranger - qui s'indigne de la destruction de réserves alimentaires invendues alors que le monde crève de faim - ne pouvait prévoir que la suite logique du système serait la production de carburant d'origine végétale (et le plus souvent alimentaire), la raréfaction des terres consacrées à la production alimentaire, le renchérissement de ces produits et une extension nouvelle de la faim.
(1) Dure-mère : la plus externe des trois méninges, fibreuse et très résistante.



L'INTERNATIONALE (air connu).

Pendant l'été soixante-et-onze
Après une boucherie sans nom
Un vieux militant communard
Ecrivit cette chanson
Ca nous semble aujourd'hui bien ringard
De chanter ainsi ses idées
C'est dans le sang qu'ils traçaient leurs mots
Et de leur mort naissait l'espoir


C'EST LA LUTTE FINALE
GROUPONS-NOUS ET DEMAIN
L'INTERNATIONALE SERA LE GENRE HUMAIN
(bis)

Pauvre Pottier pauvre fédérés
L'authentique Internationale
C'est celle du fric et des cons
Privilège indifférence égoïsme
Faim dans le monde idées bafouées
Allons ! Courage tout reste à faire
Nous sommes toujours des assiégés


C'EST LA LUTTE FINALE
GROUPONS-NOUS ET DEMAIN
L'INTERNATIONALE SERA LE GENRE HUMAIN




DURE-MERE.

Je vois une bouche qui s'ouvre comme un trou noir
et qui n'a pas la force d'exhaler un cri
je crois voir un vieillard au visage ridé
on me dit c'est un enfant je n'en crois rien

Bras et jambes squelettiques ventre gonflé
qu'y a-t-il vraiment dans cette outre affamée
des yeux immenses de pure souffrance
accusation au-delà ,de tout pardon

Demain quatre milliards de crève-la-faim
auront-ils seulement la force de rêver ?
De rêver qu'ils mangent un riche bien gras
un riche bien gras bien rose jusqu'à en crever

Lui casser le crâne percer la dure-mère
boire jusqu'à la lie la bonne matière grise
intelligence d'où n'est pas sorti
le désir la simple idée de partager

Terre terre ma terre
ma dure-mère
qu'avons-nous fait de toi ?
qu'avons-nous fait de nous ?
Qu'avons-nous fait ?

Sur nos belles routes les paysans
arrosent de pétrole leurs excédents
par millions de tonnes la bouffe invendue
dort à jamais dans nos entrepots géants

Terre terre terre ma terre
ma dure-mère
qu'avons-nous fait de toi ?
Qu'avons-nous fait de nous ?
Qu'avons-nous fait ?

mardi 18 mars 2008

DANIEL GUERIN (1904-1988).

Bien sûr, tout cela est très compliqué.
Je reparlerai forcément de Daniel Guérin qui eut une influence majeure sur mes idées et ma pratique politiques.

À partir de 1959 et de la publication de Jeunesse du socialisme libertaire, il cherche une voie nouvelle dans une synthèse de l'anarchisme et du marxisme. Il plaide pour concilier le meilleur de ces deux systèmes de pensée.
Le marxisme libertaire reste l'apport majeur de ce militant : pour un socialisme contemporain authentique, tourné vers l'avenir, encore nécessaire et désirable malgré toutes les falsifications.

L'extrait d'interview suivant réussit à condenser sa pensée.
Le remède au schématisme, c'est la lecture de son oeuvre...

Quelle signification a pour vous le mot socialisme sur le plan intellectuel et sur le plan affectif ?
Le mot socialisme a été vidé de son contenu tant sur le plan des idées que sur le plan affectif. Les livres se comptent aujourd’hui sur les doigts qui expriment un socialisme authentique. On cherche en vain sur la planète un seul pays qui soit authentiquement socialiste. En gros, le socialisme a été l’objet de deux falsifications principales, sous son étiquette, on écoule deux marchandises également frelatée : un vague réformisme parlementaire, un jacobinisme brutal et omniétatique.
Or, le socialisme a pour moi une signification très précise: la cessation de l’exploitation de l’homme par l’homme, la disparition de l’État politique, la gestion de la société de bas en haut par les producteurs librement associés et fédérés.
Estimez-vous que le socialisme est un fait du passé ou un fait du présent et de l’avenir? En d’autres termes, pensez-vous que le socialisme est un mouvement historique qui a fait son temps et qui, dans les conditions actuelles, doit être remplacé ou, du moins déconsidéré et réformé ?
Le socialisme falsifié qui a cours aujourd’hui est un fait du passé, le socialisme libertaire un fait de l’avenir. Le socialisme est un mouvement historique qui n’a nullement fait son temps. C’est le capitalisme qui a fait son temps et qui doit d’urgence être remplacé, afin que l’humanité survive. Toute sa force, le socialisme la tire de la carence et de la banqueroute du capitalisme. Le socialisme bafouille et n’existe nulle part, mais jamais sa nécessité historique n’a été aussi impérieuse. Sous sa forme actuelle dénaturée, il n’est pas adapté aux nécessités présentes. Mais il ne s’agit pas de le "reconsidérer"ou de le "réformer", il faut le rendre à lui-même, lui restituer son vrai visage révolutionnaire, antiétatique et libertaire.
Daniel GUERIN. Sur le socialisme.
Extrait d'une enquête de la "Chronique sociale de France". 1960.

dimanche 16 mars 2008

MAI 68 + 40.

Entamant la rédaction de ces blogs, j'avais décidé de me libérer de la politisation qui a caractérisé ma vie et de vous l'épargner ...
Il m'a semblé que la meilleure méthode - plutôt que de me taire - était de cantonner certains textes trop marqués sur un site particulier .
On ne fait pas une croix comme ça sur les préoccupations de 35 ans de vie.
De là : « Jusqu'à ce temple en ruines » que vous avez sous les yeux.



Nous sommes en mars 2008 : dans deux mois, quarante ans après mai 68.
Je prévois donc que l'on va nous échauffer les oreilles.
Au mieux, faire un bilan de l'évolution culturelle qui en a découlé. Au pire, attribuer tous les maux de la société contemporaine à ce mouvement, pour justifier le redressement autoritaire dans tous les domaines que l'on nous prépare ...
Et les anciens leaders, parfaitement récupérés et terminant une carrière fructueuse fondée sur leur médiatisation de l'époque, ne seront pas les derniers à hurler avec les loups.

Deux brefs messages suivront donc.
In memoriam : Daniel GUERIN.
In memoriam : François BERANGER.