mercredi 29 octobre 2008

LA TRAHISON DES FINANCIERS.

Nº2295. SEMAINE DU JEUDI 30 Octobre 2008.
Les débats de l'ObsLa trahison des financiers.Quelles leçons tirer de la crise ? Quelles solutions pour reconstruire un nouvel ordre économique ? L'auteur du «Capitalisme malade de sa finance» répond par Jean-Luc Gréau.

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Le Nouvel Observateur . - Les gouvernements européens viennent d'engager 1700 milliards d'euros pour sauver les banques qui nous ont conduits au bord du précipice. Quelles leçons en tirez-vous ?
Jean-Luc Gréau. - La première leçon a déjà été tirée par tout un chacun. Les gouvernements et leurs conseillers économiques sont restés aveugles à la montée d'une double crise immobilière et financière, principalement centrée, mais pas exclusivement, sur les Etats-Unis. Une deuxième leçon, moins évidente, nous est dispensée par le phénomène économique qui en est la source : le rôle déterminant de l'endettement des ménages, ou plutôt celui de leur surendettement dans la prospérité occidentale, dont nous voyons l'effet collatéral dévastateur dans la faillite du système financier. La troisième leçon, de nature apparemment technique, mais qui renvoie en fait à la responsabilité de ces acteurs centraux que sont les banquiers, vient d'être énoncée en ces termes par le président de la Réserve fédérale de Dallas : «La crise financière est une crise de la titrisation.» Cette personnalité incrimine, comme moi-même, la faculté qui a été donnée aux banquiers, il y a presque trente ans, de revendre les prêts qu'ils accordent aux ménages et aux entreprises. C'est sur la base de cette faculté que se sont multipliés les mauvais prêts et les produits toxiques qui en ont dérivé. Tandis qu'une entreprise industrielle ou de services est responsable commercialement et juridiquement de la qualité de ce qu'elle produit, le prêteur de la finance contemporaine.
Enfin, il convient de tirer une quatrième leçon, d'une cruelle ironie pour le contribuable de nos Etats démocratiques : la tentative de sauvegarde des banques nous impose un lourd fardeau supplémentaire. Nous devrons assumer une obligation financière inopinée pour sauver la face et la mise de ces mêmes personnages qui faisaient le procès de gouvernements laxistes et de populations paresseuses. N'oublions pas le rapport officiel, rédigé en 2006 sous l'autorité du président de BNP Paribas, intitulé «Rompre avec la facilité de la dépense publique». La crise financière, qui a pris son élan à partir de la dette des ménages américains, rend ce texte dérisoire et ses auteurs grotesques, tandis qu'elle frappe au gousset les Etats et les contribuables européens et américains.
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N. O. - La crise est-elle terminée ? Quelle sera l'ampleur réelle de la récession ? Quelles seront ses retombées sur l'économie réelle ?
J.-L. Gréau. - La crise a connu plusieurs accélérations et plusieurs paliers depuis qu'elle a commencé dans les faits par le premier repli de la construction américaine, à la fin de l'été 2005. Nous sommes parvenus au stade de ce qu'on appelle le risque systémique, avec un blocage des marchés du crédit indispensables à la poursuite de l'activité économique. Cela explique la situation inouïe d'aujourd'hui : injections quotidiennes de liquidités par les banques centrales, organismes publics obligés de se substituer aux banques commerciales qui se dérobent devant leur mission de prêteurs. Autant dire que la crise se prolonge. Mais va- t-elle se résorber, se stabiliser ou s'amplifier ? Plaçons-nous dans l'hypothèse favorable qui verrait les marchés du crédit se réanimer peu à peu pour se rapprocher d'une situation normale. Même dans ce cas, nous devons prendre en compte différents facteurs négatifs qui impliquent une extension mondiale de la récession : recul du pouvoir d'achat des ménages occidentaux, frappés par un chômage croissant; repli de l'investissement des entreprises sur tous les continents, du fait qu'elles donneront désormais la priorité à l'amortissement de leurs équipements au détriment de l'achat d'équipements nouveaux; impossibilité pour les Etats, contraints de sauvegarder le système bancaire, d'engager des dépenses de relance pour soutenir la conjoncture. Deux autres périls pointent simultanément à l'horizon : la multiplication des pertes sur d'autres marchés du crédit que ceux des ménages, du fait de la récession en cours; la chute des matières premières, qui risque de déstabiliser de nombreux pays pauvres ou émergents.
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N. O. - Depuis dix ans, dans vos livres, vous analysez avec justesse le capitalisme malade de sa finance et l'irresponsabilité des marchés. Quelles solutions préconisez-vous aujourd'hui pour reconstruire un nouvel ordre mondial éthique et équitable ? S'agit-il de «refonder» le capitalisme ?.
J.-L. Gréau. - Irresponsabilité, vous avez prononcé le terme crucial. Si nos dirigeants l'ont enfin compris, ils devront s'atteler à mettre les grands acteurs économiques et financiers en face de leurs responsabilités : responsabilité des prêteurs, en limitant et en encadrant la titrisation; responsabilité des actionnaires, en réservant le droit de vote aux détenteurs du capital qui s'engagent dans la durée avec les entreprises pour leur permettre de conduire une véritable stratégie; responsabilité des Etats, qui devront s'entendre sur un nouveau système de parités stables, empêchant ainsi les oscillations violentes des devises, déconcertantes pour les agents économiques; responsabilité des producteurs et consommateurs de matières premières, qui devront s'engager contractuellement à moyen et long terme sur des quantités et des prix définis, éventuellement révisables à échéances déterminées; responsabilité, enfin, des banques centrales, qui devront accepter de soumettre leur gestion à l'approbation des Etats démocratiques, avec le souci de prendre en compte tous les grands paramètres décisifs de la marche des économies : production, emploi, prix, niveau des dettes de différentes sortes, solde budgétaire et solde extérieur.Il faut par ailleurs agir pour un monde multipolaire, où les grands Etats et les grandes régions du monde donneront la priorité à leur demande intérieure plutôt qu'aux échanges tous azimuts impliqués par la mondialisation : compartimentons le monde pour le stabiliser. A ce prix, le capitalisme sera reconfiguré, et non pas refondé. Le terme de refondation, de nature idéologique, s'avère incongru s'agissant d'un système, l'économie concurrentielle, qui résulte d'une transformation de la société et non d'une fondation volontaire.
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N. O. - Va-t-on adorer à nouveau ce qu'on avait brûlé pendant trente ans de libéralisme, à savoir l'intervention économique de l'Etat ? Assiste-t-on au retour de l'Etat-providence ?
J.-L. Gréau. - Il convient d'insister sur ce qui se joue en ce moment : les naufrageurs naufragés de la sphère financière font pression sur les gouvernements, non seulement pour être sauvegardés, mais pour protéger un monde multilatéral de libre-échange encore accru des marchandises et des capitaux, dans le cadre d'une fuite en avant qui désarmera encore plus les Etats démocratiques. Quand on parle, comme le fait Gordon Brown, avocat déclaré de la City, de nommer des superviseurs internationaux des plus grandes banques du monde, que fait-on d'autre que prôner un élargissement des pouvoirs qui échappent au contrôle des Etats ? Le resurgissement de l'Etat, dans un rôle de secouriste, n'implique en rien son retour en gloire dans le rôle de producteur de la norme juridique, de gardien de l'éthique des affaires, ou de protecteur des populations au travail.
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N. O. - Que peut-on attendre d'un nouveau Bretton Woods ? Quels rôles peuvent jouer les pays émergents ?
J.-L. Gréau. - De deux choses l'une. Ou bien le nouveau Bretton Woods s'inscrit dans la lignée du précédent, qui tendait à stabiliser le monde du point de vue économique, monétaire et financier pour favoriser la prospérité, l'emploi et le progrès matériel, intellectuel et moral des populations. Ou bien il procède d'une tentative de soumettre, plus encore que ce n'était le cas au moment où la crise a surgi, les entreprises et les populations aux exigences maintenues des opérateurs financiers préalablement sauvés par les Etats. Les pays émergents ont un rôle à jouer dans la mesure où ils favoriseront la naissance de ce monde multipolaire, plus équilibré et plus stable, dont nous avons besoin.
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N. O. - Y a-t-il une reconstruction possible du système financier international sans s'attaquer au problème des paradis fiscaux ?
J.-L. Gréau. - Probablement pas. La mise hors la loi des paradis fiscaux est justement l'une des pierres de touche qui permettra de juger le «nouveau Bretton Woods».

L'économiste Jean-Luc Gréau est l'auteur du «Capitalisme malade de sa finance» et de «l'Avenir du capitalisme» chez Gallimard. Il vient de publier, chez le même éditeur, «la Trahison des économistes». Signalons aussi son article dans le der nier numéro de la revue «le Débat» : «L'irresponsabilité des marchés».

François Armanet. Le Nouvel Observateur.

vendredi 24 octobre 2008

EST-CE AINSI QUE LES HOMMES VIVENT ?

Eloi Valat : http://dessin.blogs.liberation.fr/eloi_valat/2008/06/des-oiseaux-bie.html

* Des centaines d'oisillons nés en captivité apprennent à gazouiller correctement en écoutant des CD de chants d'oiseaux pour faciliter leur intégration lorsqu'ils sont libérés dans la nature, a annoncé la société britannique de protection des animaux (RSPCA).
Une récente étude aurait mis en évidence que diffuser des chants d'oiseaux aux oisillons de la même espèce élevés en captivité faciliterait ainsi leur intégration dans la nature.
«L'aptitude à chanter est extrêmement importante pour les mâles de la plupart des espèces car le chant est vital pour qu'ils se constituent, et ensuite défendent, leur propre territoire et trouvent une partenaire», explique un responsable de l'association.
«Chez de nombreuses espèces, les femelles choisissent leur partenaire en fonction de son ramage», a-t-il ajouté.
Du coup, les centres de la RSPCA ont installé des lecteurs de CD dans les cages qui diffusent deux fois par jour des enregistrements de chants en fonction des espèces.
L'association a souligné que différentes études avaient démontré que le chant n'était pas inné et que les oiseaux apprenait à pépier en imitant leurs congénères.
Londres, le 16 juin 2008 (d’après AFP)Rédigé le 19/06/2008 à 13:10 Lien permanent
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* Cette technique est connue, mais il faut faire attention à ne pas passer des enregistrements compressés en MP3. Il semble que les oiseaux aient un ouïe beaucoup plus fine que celle des humains et que la distorsion introduite par le passage en MP3 leur soit très bien audible et pas très agréable entendre. Il vaut mieux utiliser le format non compressé WAv ou peut-être le format compresé OGG qui a une bien meilleure qualité que le MP3.Rédigé par: Gaétan le 19/06/2008 à 14:44
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* Rien de nouveau à l'horizon. Pour avoir fait partie d'un club ornithologique et éleveur de canaris, le procédé est vieux comme le monde. Un éleveur qui veut faire du chant, a chez lui un "placard" où les jeunes sont placés pour "prendre" le chant, soit d'un champion de chant, soit d'une cassette. Ces apprentis chanteurs sont d'ailleurs placés dans le placard dans un quasi-obscurité à l'aide de rideaux. C'est peut-être un peu barbare, mais le résultat se fait sentir lors des concours de chants. Il existe même un marché d'oiseaux "profs" de chant où les prix montent avec le pétrole...
Rédigé par: Pipercub le 19/06/2008 à 17:27
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* Pop-folk. Sophie Broyer, directrice de l’Epicerie moderne à Feyzin, nous avait prévenu : les French Cowboy (ex Little rabbits) avec « Share Horses », ont signé le meilleur disque français de l’année. Après écoute de ce groove folk à la JJ Cale toujours bien balancé, on se dit qu’elle avait bien raison. Ils seront sur la scène de l’Epicerie le 17 octobre prochain avec la douce voix de Lisa Li-lund en contrepoint. Et vu comme ils avaient déchiré aux côtés de Philippe Katerine il y a deux ans au Ninkasi, ça s’annonce comme le concert de cette rentrée. Ça tombe bien, il reste encore des places, pas chères (7 à 13 €) et en prime vous pourrez entendre Coming Soon, collectif folk venu d’Annecy qui vaut largement le détour.
Vendredi 17 octobre à 20h30. www.epiceriemoderne.com

SCANNERS CORPORELS DANS LES AEROPORTS.

Corps humain vu au travers d'un scanner corporel.
Les eurodéputés vent debout contre les scanners corporels dans les aéroports.
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters 23.10.08 21h13 • Mis à jour le 23.10.08 21h22.

Le Parlement européen a voté à une large majorité, jeudi 23 octobre, une résolution demandant à la Commission européenne de surseoir à l'adoption d'un règlement qui autoriserait les scanners corporels pour contrôler les passagers dans les aéroports. Ces machines produisent "des images scannées des personnes comme si elles étaient nues, ce qui équivaut à une fouille virtuelle", soulignent les parlementaires dans cette résolution adoptée par 361 voix contre 16 et 181 abstentions.
En conséquence, poursuit-il, "cette mesure, loin d'être purement technique, a des conséquences graves sur le droit à la vie privée, le droit à la protection des données et le droit à la dignité personnelle". Le Parlement demande à Bruxelles une étude sur l'impact économique, éthique et sur la santé humaine de ces appareils déjà utilisés en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et en Suisse.
"ALTERNATIVE AUX FOUILLES MANUELLES"
La séance qui a précédé le vote a vu de nombreux députés exprimer leur indignation contre ce système. Les scanners "permettent de voir jusqu'aux parties génitales, si une femme a de gros ou de petits seins", s'est insurgé le social-démocrate bavarois Wolfgang Kreissl-Dörfler, qui voit là l'illustration de la "paranoïa des ministres de l'intérieur" des Vingt-Sept en matière de terrorisme.
Sommé de s'expliquer, le commissaire aux transports, l'Italien Antonio Tajani, avait affirmé dans la nuit de mardi à mercredi n'avoir encore "pris aucune décision". "Le scanner corporel ne sera jamais rendu obligatoire, c'est une alternative aux fouilles manuelles", a-t-il assuré, expliquant que les images "ne seront pas enregistrées et ne seront jamais conservées". Il a justifié l'idée en expliquant que les passagers aériens verraient les files d'attente se réduire aux contrôles de sécurité. "Dans les aéroports où ils existent, beaucoup de passagers choisissent de passer par les scanners corporels", a encore affirmé M. Tajani, précisant que personnellement, il considérait qu'"une fouille manuelle était plus désagréable que le passage dans un scanner. Mais chacun est libre de choisir".
http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/10/23/les-eurodeputes-vent-debout-contre-les-scanners-corporels-dans-les-aeroports_1110526_3214.html

mercredi 22 octobre 2008

FIN DE PARTIE A LAS VEGAS.



Nº2294 /SEMAINE DU JEUDI 23. Octobre 2008.
À la Une <>
Les classes moyennes rincées - Spécial Amérique. Fin de partie à Las Vegas.
Pour avoir tout misé sur la pierre, l'Amérique des petits propriétaires a tout perdu. Portrait d'un peuple désargenté et déboussolé dans la ville symbole de l'économie casino et capitale des saisies immobilières.
De notre envoyée spéciale dans le Nevada.

Les rues sont silencieuses, presque désertes. La maison proprette, toute en hauteur sur trois étages, ressemble à toutes les autres du quartier Tuscano, une banlieue plantée au milieu du désert, a quelques dizaines de kilomètres au sud de Las Vegas. Arrêt sur image : les deux voitures garées devant la porte, les enfants rivés devant la télévision de la salle de jeu, et Derek, à l'arrière, qui dispose consciencieusement les hamburgers sur le barbecue tandis que Tarda, sa femme, fait la conversation aux invités. Un samedi comme tant d'autres, un instantané d'American Dream.

Mais la photo est truquée. Derrière la vitrine impeccable, tout fout le camp. Depuis quelque temps, le courrier atterrit directement dans un tiroir. Derek et Tarda Eige refusent de l'ouvrir. Ils savent déjà : leur retraite en train de partir en fumée, leur maison qui ne vaut plus un clou, cette ville fournaise qu'ils ne peuvent plus quitter, coincés par leur emprunt logement. Sans oublier les comptes bancaires pour les futures études d'Ally et Zachary, 10 et 12 ans : ils n'ont pas reçu un dollar depuis des mois. Les Eige n'ont même pas les moyens de les inscrire dans une école privée. Il y a quelques mois pourtant, le couple se dorait la pilule sous le soleil des Bahamas, confiant dans l'avenir. Un avenir mode in USA, plein de promesses juteuses et d'air conditionné. Aujourd'hui, tous deux vantent les bienfaits des ventilateurs fixés au plafond : «Notre rempart», expliquent-ils, contre la chaleur écrasante du désert. Une mesure d'économie, surtout, qui empêche la facture d'électricité de disjoncter.

Désormais, la famille regarde à la moindre dépense. Ils ne sont pas les seuls. C'est toute la classe moyenne qui a le blues, cette population immense qui fait les présidents et nourrit le rêve américain. Rejoindre la middle class a toujours été un gage de réussite sociale, au point qu'une majorité d'Américains estime en faire partie, même quand leur revenu mensuel ne dépasse pas 1250 euros. «Tout le monde ici se considère classe moyenne, personne ne veut être lower [au-dessous] ni se sent upper [au-dessus], constate David Damore, professeur de sciences politiques à l'Université du Nevada.

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En théorie, cela signifie être propriétaire d'une maison dans un quartier correct, partir en vacances chaque année, payer des études universitaires à ses enfants et prendre sa retraite avant d'avoir un pied dans la tombe.» En théorie ...

En pratique, «classe moyenne» devient synonyme de chômage, de dettes, de vie au jour le jour.

L'Amérique moyenne se paupérise, elle disparaît même, selon certains, pour aller grossir les armées de cols-bleus du xxi siècle. «Quand j'étais jeune, j'étais persuadé qu'avec mon salaire actuel je serais riche ! Jamais je n'avais imaginé que cela suffirait tout juste à boucler nos fins de mois», grimace Derek.

A 39 ans, il est commercial pour l'équipe de base-bail de Las Vegas, les 51's. Chargé de vendre un maximum de tickets d'entrée pour la saison à venir, il se démène : ses revenus dépendent en partie de ses performances. Et l'année s'annonce difficile : «Le sport est un divertissement, pas un achat de nécessité, explique-t-il.^4fore les clients rechignent.»

Tania, elle, quitte le domicile familial à 5 heures tous les matins : elle dirige le service des crédits chez un distributeur d'équipements pour planchers. En théorie, leurs 6 500 euros mensuels devraient les placer dans la tranche des classes moyennes supérieures. En pratique, leur maison de 185 m2, achetée 250 000 euros il y a deux ans, a perdu 80% de sa valeur, si l'on s'en réfère à la vente d'une maison similaire du quartier par un voisin en difficulté. Vertigineux ! Leur nid douillet faisait leur fierté, aujourd'hui «c'est un boulet, une prison : nous ne pouvons pas vendre, nous avons perdu notre liberté», déplore le mari.

Mais le couple s'estime malgré tout «chanceux». Parmi leurs amis, certains rament plus encore. Michelle, une assistante de direction, a renonce a son projet de retraite anticipée dans l'Idaho et réduit le nombre de ses excursions urbaines à deux par semaine, prix de l'essence oblige. Tiffany, administrative dans une société de génie civil, s'est muée en pro du discount. Elle achète aux enchères, sur eBay, les vêtements de son fils de deux ans et demi et se précipite dans les grandes surfaces du coin à la moindre promotion. Son mari, chef de ligne dans une usine de fabrication de serviettes en papier, vient d'être licencié. Sans indemnités de chômage, of course : «C'est une dégringolade en cascade, confie-t-elle : autour de nous, de plus en plus de gens perdent leur maison et leur emploi.»

Tous paient au prix fort les folies et les excès que le système les a encouragés à commettre. A Vegas, cinquième ville la plus touchée par la crise, ce ne sont pas les bandits manchots qui ont causé la ruine. C'est la roulette ultime, la suprême partie de poker : l'immobilier. Comme Derek et Tania, Angel vit volets fermés et portes closes, les ventilateurs en marche et la télévision en fond sonore. Assise sur un canapé en cuir, sur le qui-vive, elle traque la bonne affaire et monte le volume du petit écran dès qu'un annonceur fait l'article de ses prix imbattables : «Oh, il faut y aller tout de suite, s'exalte-t-elle à la vue d'une publicité d'un grand magasin de vêtements. Aujourd'hui, ils font des soldes à moins 60%.»}
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Angel, 62 ans, n'a pas toujours couru après les rabais. C'est même très récent. Juge du Michigan, elle a débarqué à Vegas il y a quatre ans. Une visite à une amie qui ne devait durer que quelques jours. Mais très vite, elle réalise que le désert flambe : le marché immobilier est en plein essor, la ville connaît un boom sans précédent. Angel saute sur l'occasion, quitte son job, pose ses valises et parie sa chemise. Grisée, elle fait l'acquisition d'une dizaine de maisons en trois ans : elle achète du haut de gamme pour une bouchée de pain et revend vite fait quelques mois plus tard. A chaque opération, elle double sa mise, voire plus : «Tout était tellement facile ici et pas cher, je n'avais même pas besoin de chercher des acquéreurs, ils frappaient à ma porte, les agences immobilières m'inondaient de courrier me demandant si je voulais vendre.» A cette époque, Angel amasse un joli pactole. Aujourd'hui, son pécule fond comme neige au soleil. Elle est contrainte de puiser dans son bas de laine pour régler ses dépenses quotidiennes et se retrouve avec dix propriétés sur les bras, toutes invendables : leur valeur a diminué de presque moitié et les acheteurs ont déserté les lieux. Fauchée par la crise, la ville de l'argent facile est devenue celle de la vie difficile.

Se refaire au casino ? Tentant, bien sûr, mais «nous n'y dépensons pas plus de 20 dollars par jour», raconte Joanne, une septuagénaire retraitée en goguette. Cela fait vingt ans que cette ancienne bibliothécaire du New Jersey vient ici avec son mari. Le couple y a même acheté un appartement. «Mais si cela continue comme ça, nous ne viendrons pas l'an prochain, prévient Ed, qui avoue harceler son conseiller financier presque tous les jours. Notre retraite complémentaire est en train de disparaître.»

Ce ne sont pas les seuls touristes à envisager de sacrifier leur séjour à Vegas ou à revoir leur budget à la baisse. Déjà les Californiens, autrefois les meilleurs clients, se font rares, la plupart refroidis par la flambée des prix de l'essence. Quant aux autres, ils misent petit : le panier moyen du joueur a diminué de presque moitié : «L'an dernier, il était de 700 dollars en un week-end, aujourd'hui il ne dépasse pas 400 dollars», explique Chris, en charge des «gros» clients des machines à sous au Hollywood Planet. Depuis deux mois, il dort un peu mieux : à 36 ans, il a pris un second emploi, histoire d'assurer ses arrières. Car le business du jeu est en berne : les recettes ont chuté de 10%, des milliers de salariés ont été licenciés.

Même le Strip, l'artère principale bordée de casinos géants, porte les cicatrices de la récession. Le long du Las Vegas Boulevard, les grues sont figées. Les chantiers sont paralysés, faute de moyens : la Trump Tower n° 1 trône seule au milieu d'un espace vide, la tour jumelle qui devait s'ériger à ses côtés ne verra peut-être jamais le jour. Le projet pharaonique du City Center avance au ralenti, un autre est reporté. Vegas a longtemps été l'une des plus grandes pourvoyeuses d'emplois peu qualifiés mais bien rémunérés.

«Alors que la concurrence entre les casinos battait son plein, les syndicats - très puissants ici - ont négocié des accords très avantageux pour les salariés, raconte David Damore, le professeur. Les rémunérations horaires des employés de casinos sont bien supérieures à la moyenne nationale, sans compter la couverture santé, les congés payés.»

Serveuses, portiers, femmes de ménage, ouvriers du bâtiment se sont bousculés aux portes de ce paradis sous néons : en six ans, la population a augmenté de 25%, l'une des plus fortes croissances démographiques des Etats-Unis. «Tout le monde avait sa chance, même sans diplôme, on pouvait bien gagner sa vie», raconte Jim, 50 ans, venu s'installer à «Sin City» il y a vingt ans. Dans une autre ville des Etats-Unis, cet ancien serveur devenu surveillant de machines à sous dans un casino du Strip serait resté un col-bleu; à Las Vegas, il a pris ses quartiers au sein de la classe moyenne. Ses voisins sont médecins, avocats ou pharmaciens.

Mais la chance a tourné. Le pas hésitant et le regard fuyant, il marche tête baissée, tripotant nerveusement sa paire de lunettes rondes cerclées d'acier. Il a garé sa voiture à plusieurs dizaines de mètres de sa destination finale, devant une sandwicherie, comme pour brouiller les pistes, masquer son humiliation. Jim a le couteau sous la gorge : pris en étau entre les factures d'eau, d'essence et d'électricité, les dépenses quotidiennes et le loyer de sa maison, il croule sous les dettes. En théorie, ses revenus devraient lui permettre d'appréhender l'avenir avec une certaine sérénité : avec sa femme, qui travaille dans la distribution, le couple gagne plus de 6 000 euros par mois. En théorie. «C'est insuffisant pour faire face aux échéances», lâche-t-il. Acculé, il se tourne vers le crédit facile, ces agences - en plein boom, elles - où l'on ne vous pose pas trop de questions, à partir du moment où vous êtes prêt à payer des taux obscènes. Celle-ci s'appelle Check City. Jim franchit les derniers mètres, la démarche faussement nonchalante : «Vers qui d'autre puis-je me tourner ?» Vingt minutes plus tard, il ressort avec l'équivalent de 1500 euros en poche, qu'il devra rembourser d'ici à deux semaines avec 22% d'intérêt.

Comment ? Il n'en a pas la moindre idée...
Louise Couvelaire. Le Nouvel Observateur.

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2294/articles/a386449-.html

JE VOIS UN TOUT PETIT GARCON (2) : SUBPRIMES.

Arnold De Spiegeleer. Cocons.
Je vois un tout petit garçon, dans la cabine du chauffeur d’un camion de déménagement, recroquevillé autour d’un petit chat noir en boule sur ses genoux.
Rien n’est visible à l’extérieur : purée de pois d’une opacité extrême.
Le camion aussi est en boule sur le gamin.
On roule longtemps - du moins, c’est ce qu’il lui semble - en longeant cette frontière, pour aller où ?
On débarque en pleine campagne : une maison délabrée sans eau courante (un puits), sans gaz, sans électricité.

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Je vois un vieillard - en boule dans un cocon - qui s'arrache pour un nouveau départ.
Le fait qu'il ait vieilli a très peu d'importance : il n'a rien appris et s'est juste rapproché de la mort.
La femme, sans âge, en boule sur lui : la génitrice, la soeur, la fille, l'amante, la compagne ?
La femme : la mère des métamorphoses. Elle n'a rien appris non plus puisqu'elle s'avance, inconsciente de ce que l'on a misé et que l'on mise encore sur elle.

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Poker menteur.
Les jeux sont presque faits.
Il va donc falloir s'installer, stopper les errances...

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La route est longue - du moins, c'est ce qu'il lui semble par moments - en longeant cette frontière, pour aller où ?
Il débarque dans la campagne urbanisée. Se fiant au plan, il découvre sa maison : du moins celle qu'il a achetée...
Il y a de l'eau courante, du gaz, de l'électricité : certains ont voué leur vie à ce que cela soit...
Des voisins - du moins il le présume - achèvent de s'installer et jettent un regard méfiant aux arrivants du jour : c'est donc à côté d'eux qu'il faudra tenter de vivre...
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Je vois un tout petit garçon en boule dans un cocon.
Le fait qu'il ait vieilli a très peu d'importance : il n'a rien appris. Contre toute attente - en fonction de la précarité de sa situation - on lui a consenti un prêt.
Tentant l'aventure exaltante du remboursement, il croyait n'engager que lui...
Tout était donc si fragile...

mardi 21 octobre 2008

LES IMBECILES SONT TÔT OU TARD SEPARES DE LEUR ARGENT.



Economiste iconoclaste, John Kenneth Galbraith a consacré en 1990 un livre aux bulles spéculatives qui scandent l'histoire du capitalisme. Nous reproduisons ici l'intégralité du dernier chapitre de cet ouvrage, qui reste ô combien d'actualité.
"Les imbéciles sont tôt ou tard séparés de leur argent", par John Kenneth Galbraith
LE MONDE 18.10.08 13h58 • Mis à jour le 18.10.08 13h58.


Il est peu de points de repère plus couramment invoqués dans la vie que les "leçons de l'Histoire". Ceux qui ne la connaissent pas sont condamnés à la répéter. Mais les leçons de l'Histoire sont parfois d'une ambiguïté troublante, et tout spécialement peut-être en économie. C'est que la vie économique est engagée dans un processus continu de mutation ; ce qu'ont observé les savants du passé - Adam Smith, John Stuart Mill, Karl Marx, Alfred Marshall - est donc un guide incertain pour le présent ou l'avenir.
Si les facteurs déterminants sont les mêmes, cependant, les leçons de l'Histoire ont force de loi - elles sont même inéluctables. C'est le cas ici.
Prenons le risque de la répétition - la réénonciation de ce qu'on espère désormais évident -, et résumons ces leçons. Les facteurs qui induisent les égarements répétés dans la démence financière n'ont pas changé, pour l'essentiel, depuis la tulipomanie de 1636-1637 (la première bulle spéculative de l'histoire, fondée sur le commerce de la tulipe). Individus et institutions sont piégés par la merveilleuse satisfaction qu'on trouve à voir grandir sa fortune. Elle leur donne en même temps l'illusion de la puissance intellectuelle, elle-même protégée par le préjugé collectif notoire qui veut que l'intelligence - la sienne et celle des autres - soit proportionnelle à l'argent qu'on possède. La conviction ainsi ancrée produit l'action : on surenchérit, on fait monter les prix - dans le foncier, ou à la Bourse, ou encore comme tout récemment dans l'art. La dynamique de la hausse conforte l'intéressé dans son choix, elle lui prouve sa propre sagesse et celle du groupe. Et ça continue, jusqu'au jour de la désillusion générale et du krach. Celui-ci - ce devrait être à présent assez clair - n'arrive jamais en douceur. Il s'accompagne toujours d'un effort désespéré et généralement vain pour se dégager.
C'est au sein même de cet enchaînement qu'il faut chercher les raisons pour lesquelles, globalement, il est si mal compris. Ceux qui sont impliqués n'avoueront jamais leur stupidité. De plus, théologiquement, les marchés sont sacro-saints. On peut faire quelques reproches aux ex-spéculateurs les plus en vue ou les plus malhonnêtes, mais non aux autres participants, si récemment enchantés et désormais désenchantés. Les questions les moins importantes sont les plus vivement discutées :
Qu'est-ce qui a déclenché le krach ? Des facteurs particuliers ont-ils joué pour qu'il ait été si terrible, si violent ? Qui faut-il punir ? L'un des postulats de l'orthodoxie du marché actuellement à l'honneur est, on l'a dit, la perfection inhérente au dit marché. Il peut refléter des besoins artificiels ou frivoles ; il peut être déformé par le monopole, la concurrence imparfaite ou des erreurs d'information, mais, en dehors de cela, il est intrinsèquement parfait. Et pourtant, de toute évidence, l'épisode spéculatif où la hausse provoque la hausse est interne au marché lui-même. Et le krach, son point culminant, l'est aussi. Cette idée étant théologiquement inacceptable, il est nécessaire de chercher des influences extérieures - citons, pour les cas les plus récents, le retournement de tendance de l'activité économique pendant l'été 1929, le déficit budgétaire des années 1980 et les "mécanismes boursiers" qui ont entraîné le krach de 1987. En l'absence de ces facteurs, on présume que les cours seraient restés hauts et auraient continué à monter, ou alors qu'ils auraient connu un lent déclin indolore. Si l'on voit les choses ainsi, on peut absoudre le marché de toute dynamique interne conduisant obligatoirement à l'erreur. Rien dans la vie économique n'est si délibérément mal compris que le grand épisode spéculatif.
Il reste une dernière question : peut-on faire quelque chose ? et quoi ? La chute périodique dans la démence n'est pas un trait merveilleusement séduisant du capitalisme. Son coût humain n'est pas négligeable, ses effets économiques et sociaux non plus. Aux lendemains du krach de 1929, les dégâts furent considérables, et, on l'a vu, contribuèrent manifestement à la dépression qui suivit. Après 1987 - et c'est encore vrai aujourd'hui -, il y a eu le lourd résidu de la dette due à l'exercice du levier, le choc des exigences de l'intérêt et de celles de l'investissement pour produire et innover, et enfin le traumatisme de la banqueroute. Sans compter l'effet persistant des pertes subies dans les junk bonds par les individus et les fonds de retraite.
Cependant, au-delà d'efforts pour que soient mieux compris la tendance à la spéculation et le processus spéculatif lui-même, il n'y a probablement pas grand-chose à faire. Une réglementation déclarant hors la loi la crédulité financière et l'euphorie collective n'est pas une possibilité pratique. Pour l'appliquer de façon exhaustive à ces comportements humains, il faudrait un corpus de lois impressionnant, probablement oppressif et à coup sûr inefficace.
Le seul remède, en fait, ce serait un scepticisme renforcé, qui associerait résolument l'optimisme trop affiché à l'imbécillité probable, et ne lierait pas l'intelligence à l'acquisition ni à l'emploi - ni non plus à la gestion, d'ailleurs - de grosses sommes d'argent. Voici l'un des principes infaillibles qui devront guider l'investisseur et, cela va sans dire, le gestionnaire de caisse de retraite ou d'autres fonds "institutionnels" : lorsque quelqu'un est en étroite relation avec l'argent, il est possible et même probable qu'il soit imbu de sa personne et qu'il tende à l'erreur jusqu'à l'extravagance. Puisse-t-on voir dans cette règle aussi la leçon durable de cet essai.
Autre règle : quand un climat de surexcitation envahit un marché ou entoure une perspective d'investissement, quand on parle d'occasion unique fondée sur un flair exceptionnel, que tous les gens sensés mettent les chariots en cercle ! L'heure est à la prudence ! Peut-être y en a-t-il vraiment une, d'occasion. Peut-être existe-t-il, ce trésor au fond de la mer Rouge. Mais une longue histoire nous prouve qu'aussi souvent ou plus souvent, il n'y a là que tromperie et autosuggestion.
En concluant un essai comme celui-ci, nul ne peut espérer échapper à deux questions : quand viendra le prochain grand épisode spéculatif ? et sur quoi portera-t-il - l'immobilier, les titres, les objets d'art, les voitures de collection ? Eh bien, il n'y a pas de réponse. Personne n'en sait rien, et celui qui prétend savoir ne sait pas qu'il ne sait pas. Mais une chose est certaine : il y aura un autre épisode, et d'autres encore après lui. Oui, comme on le dit de longue date, les imbéciles sont tôt ou tard séparés de leur argent. Le sont aussi, hélas, ceux qui, répondant à un climat général d'optimisme, se laissent prendre au sentiment de leur propre flair financier. Il en est ainsi depuis des siècles. Et il en sera ainsi pour longtemps.
Brève histoire de l'euphorie financière.
John Kenneth Galbraith
Traduit de l'anglais par Paul Chemla. Seuil, 1992. Aujourd'hui publié dans "Economie hétérodoxe" (© Seuil, 2007).
Article paru dans l'édition du 19.10.08.

samedi 18 octobre 2008

LA COURONNE ISLANDAISE NE VAUT PLUS RIEN, MAIS...

Failles islandaises.

La crise financière : 17 oct15h55 . LIBERATION :«La couronne islandaise ne vaut plus rien, mais on en vu d'autres.
Leila Minano et Ariane Puccini.
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«C’est un véritable big bang». Thornur Offsulsson, président de Nordic Exchange, la bourse islandaise, n’en revient toujours pas. En quelques jours, l'une des économies les plus florissantes du monde a été complètement «ravagée».
«Le système financier ne sera plus jamais le même», souffle-t-il. Deux semaines d’une descente aux enfers qui s’est soldée par la prise de contrôle par l’Etat des trois plus grandes banques du pays et une plongée vertigineuse de la bourse à moins 76%. Au point que le pays pourrait contracter un prêt auprès du FMI pour sortir de la crise.
«La décision devrait être prise la semaine prochaine», précise le Premier ministre, Geir Haarde. La Russie pourrait également voler au secours des Islandais avec un prêt de 4 milliards d’euros, actuellement en discussion à Moscou. En attendant, la crise crée un véritable choc dans les rangs des financiers, mais aussi pour les 300 000 habitants de cette île, considérée comme l’une des plus prospères du monde.
Au 5e étage d’un immeuble discret, dans les petits bureaux de la Nordic Exchange, règne un silence surprenant. Pas de traders déchaînés, de spéculateurs au bord des larmes. Derrière leurs ordinateurs, les 23 employés enregistrent sagement les informations. «Nous avons beaucoup plus de travail, mais nous travaillons dans le calme, comme d’habitude», dit l’un d’eux.
Dans les rues de Reykjavik, la capitale, rien ne semble avoir changé. Pas d’émeutes de la faim ou de bagarre pour des bouteilles d’huile dans les supermarchés, comme l’écrivait un journaliste grec la semaine dernière. Pourtant, la crise est partout. Dans toutes les têtes, toutes les conversations. La majorité des Islandais a conscience que le niveau de vie va changer.
Dans un bar cosy de la rue principale, Eva et Margret, 22 ans, témoignent des difficulté qui guettent désormais les Islandais. Ces deux étudiantes, serveuse et femme de ménage à temps partiel, ont été licenciées cette semaine. «A cause de la crise, beaucoup d’étudiants ont perdu leur job», raconte Margret. Eva ajoute que son père a perdu «beaucoup d’argent placé à la banque».
Il fait partie des 85 000 petits actionnaires qui avaient misé sur des valeurs bancaires et qui n’ont aujourd’hui plus rien. Margret a dû annuler son année d’étude à l’étranger. «La couronne islandaise ne vaut plus rien hors de nos frontières et les banques refusent d’octroyer des prêts», explique cette jolie blonde aux yeux bleus.
D’autres étudiants sont coincés. «Les Islandais qui étudient à l’étranger ne s’en sortent plus avec la dévaluation de la couronne, et leurs parents ne peuvent pas les aider : il est impossible d’acheter des euros et d’envoyer de l’argent hors des frontières (la sortie des devises est bloquée, ndlr)», explique Martin, étudiant en Islandais-norvégien à l’université de Reykjavik.
Dans la rue commerçante de la capitale, Thorunn, la quarantaine, rentre de sa journée de travail : «Tout le monde va être touché, notamment avec les prix de la nourriture qui ont déjà augmenté ses derniers mois, mais qui vont exploser avec la crise». Sa collègue, Katrin, acquiesce avant de se reprendre: «On reste optimiste, les Islandais ont déjà vécu pire et on s’en est toujours sorti. Maintenant c’est juste une question de temps».
Katrin n’est pas la seule à rester positive. Le président de la bourse islandaise est du même avis : «Les Islandais sont des vikings, des survivants, ils n’ont jamais été du genre à se lamenter, nous allons tout recommencer sur de nouvelles bases, c’est la seule chose raisonnable à faire. A mon avis, d’ici un ou deux ans, nous serons de nouveau sur pied.

mardi 14 octobre 2008

LES MACHINES NE PENSENT PAS, MAIS PRESQUE...

internet LIBERATION 14 octobre 2008.
Les machines ne pensent pas, mais presque...
par
Sébastien Delahaye.

Dimanche, le test de Turing a failli être passé. Ce test, imaginé par le mathématicien britannique Alan Turing en 1950, vise à deviner si l’on discute avec un être humain ou avec une machine. Si la machine réussit à berner 30 % de ses interlocuteurs, alors, selon Turing, elle « pense ». A ce jour, aucun ordinateur n’a encore réussi à atteindre ce seuil, mais, on n’est pas passé loin.
Comme chaque année se tenait dimanche le Prix Loebner, qui vise à récompenser (avec tout de même 3000 dollars, soit 2210 euros) l’intelligence artificielle la plus performante au test de Turing. Une récompense de 100 000 dollars attend toujours, depuis 1990, la première machine qui réussirait le test de Turing. L’édition 2008 se déroulait à l’Université de Reading, en Grande-Bretagne.
Cinq intelligences artificielles étaient confrontées à douze juges humains. Le principe : des tchats de cinq minutes chrono avec deux interlocuteurs, où aucun des deux ne sait si l’autre est robot ou humain. A charge pour les humains de deviner qui est quoi.
Le prix est revenu à Elbot, développé par Fred Roberts, et qui a réussi à tromper trois des douze juges... soit une réussite de 25 %, pas si loin du seuil du test de Turing. Et en tout cas mieux que les quatre autres finalistes, dont trois anciens vainqueurs du prix Loebner. Tous ont cependant trompé au moins un juge.
L’expérience a d’ailleurs été vexante pour certains : « J’étais l’un des juges, j’ai été berné, raconte Will Pavia, journaliste
au Times. J’ai cru qu’Eugene [l’une des IA, ndlr] était un être humain. En fait, et c’est là que ça empire, il était si convaincant que j’en ai déduit que l’être humain avec qui je tchattais en même temps était une machine. » Pour d’autres, comme Kevin Warwick, le professeur de cybernétique de l’Université de Reading, qui supervisait dimanche le prix Loebner, c’est simplement un petit pas de plus vers une inéluctable fin : « On s’approche vraiment de plus en plus, a déclaré au Guardian celui qui craint que l’humanité ne soit dépassée et asservie par les ordinateurs. Il nous reste peut-être 40 ans. Ca sera peut-être un peu plus lent, mais voilà. »

J'AURAIS DU VOIR VENIR LA CRISE.

À la Une < Economie < La crise financière : Paul Krugman : "J'aurais dû voir venir la crise".
NOUVELOBS.COM 14.10.2008 11:28.
"Je m'en veux de ne pas avoir compris à quel point nous sommes à la merci des effets domino de la finance", a déclaré le lauréat du Prix Nobel d'économie 2008. "J'ai vu que la bulle allait exploser et qu'il y aurait beaucoup de souffrances mais je ne me suis pas rendu compte".
(Reuters)

Paul Krugman, lauréat du Prix Nobel d'économie 2008, a déclaré lundi 13 octobre au cours d'une interview accordée à la chaîne de radio américaine NPR qu'il aurait dû prévoir la crise financière actuelle.
"J'aurais dû voir venir" a affirmé Paul Krugman."
Je m'en veux de ne pas avoir compris à quel point nous sommes à la merci des effets domino de la finance. J'ai vu que la bulle allait exploser et qu'il y aurait beaucoup de souffrances mais je ne me suis pas rendu compte à quel point ce serait douloureux", a-t-il ajouté.
Paul Krugman, professeur à l'Université de Princeton et éditorialiste au New York Times, s'est vu attribuer lundi le prix Nobel d'économie. Il a beaucoup travaillé sur les impacts du libre échange et de la globalisation ainsi que sur les moteurs de l'urbanisation.
"Profondément terrifié"
Dans son interview à NPR, il s'est dit "profondément terrifié" par la crise financière et s'est étonné du "degré d'aveuglement" des économistes et des politiciens.
"Nous avons créé un système financier qui a fondamentalement débordé les garde-fous que nous avions mis en place dans les années 30 pour nous protéger des crises. Nous aurions dû nous rendre compte qu'en débordant nos dispositifs de protection nous nous exposions à une nouvelle crise", a-t-il souligné.

dimanche 12 octobre 2008

FAUT-IL REPENSER LE SYSTEME ?

Faut-il repenser le système ?
LEMONDE.FR 12.10.08 09h58 • Mis à jour le 12.10.08 10h00
"La survie de l'espèce l'exige", par Paul Jorion.

La situation actuelle est très grave : il n'existe aucune position de repli. Il faut comprendre ce qui s'est passé et produire à partir de là des solutions tout à fait neuves, car les demi-mesures, on l'observe chaque jour, en Europe comme aux Etats-Unis, sont aussitôt emportées par la bourrasque.
Une refonte radicale des accords de Bretton Woods passe par une redéfinition des fonctions exercées par les banques centrales. Dans le cadre du capitalisme, le capitaliste avance un capital à un entrepreneur qui le fera fructifier. Tous deux se partagent ensuite le surplus généré par la combinaison de ces avances et du travail humain.
Or, depuis 1975 environ, les investisseurs - les "capitalistes" - et les dirigeants d'entreprise ont eu la folie de substituer à la part déclinante du surplus revenant aux salariés le crédit à la consommation. La réalité les a rattrapés et nous payons aujourd'hui le prix d'une telle cupidité.
Les banques centrales ont joué ici un rôle particulier, devenant des machines de guerre entre les mains des investisseurs seuls, manipulant les taux d'intérêt pour faire taire les entrepreneurs sous la menace de la fermeture d'entreprise, et les salariés sous celle du chômage.
Les intérêts récompensent le capitaliste des avances consenties à l'entrepreneur. Pour que les intérêts puissent être versés, il faut que ces avances aient créé une authentique richesse. Or le prêt à la consommation ne remplit pas ces conditions : le versement des intérêts est ponctionné sur le salaire de l'emprunteur, produit de son labeur, et nullement sur un surplus généré grâce aux avances. Lorsque les salaires déclinent, les ménages empruntent davantage. Les fonds ne constituent pas une avance productive mais le bouche-trou d'un salaire insuffisant. Du coup, les ménages gèrent leur budget à l'instar d'une "cavalerie". Il vient un moment où la masse salariale décline à ce point que la cavalerie rentre dans le mur. C'est ce qui vient d'arriver.
Une mission délicate avait été confiée aux banques centrales : s'assurer que la monnaie reflète la richesse véritablement créée et non, comme c'est le cas aujourd'hui, le montant des paris faits partout dans le monde. Il faut que cette mission redevienne d'urgence leur tâche essentielle, réduisant la masse monétaire quand la richesse se contracte et l'augmentant quand elle est en expansion.
Ce rôle, elles l'ont assumé par le passé, mais dans un cadre faussé de deux manières. D'abord, parce qu'elles représentent les intérêts des seuls investisseurs, alors qu'elles devraient représenter la nation tout entière dans le cadre d'une redistribution juste de la richesse.
Faussé aussi parce que aveugle à la nature finie du monde que nous habitons : comptabilisant comme bénéfice net le pillage des ressources naturelles non renouvelables, alors que la richesse doit se juger à sa juste mesure, c'est-à-dire à l'aune de la santé de la planète, où son épuisement doit être enregistré au passif.
Un Bretton Woods II ne doit pas viser à modifier la nature humaine : il s'y casserait les dents. Mais le système financier est en morceaux. Le rebâtir ne sera pas un luxe, car ce qui est en cause, c'est la survie de l'espèce. Celle-ci réclame un Bretton Woods dont elle puisse se souvenir, où l'on définisse des principes pour les siècles à venir : les principes d'une constitution pour l'économie qui serait axée sur la reconstruction du système financier et qui lui rende sa fonction première. Etre le système sanguin de l'économie réelle, celle de la production, de la distribution et de la répartition des richesses. Une constitution qui veille à ce que les états de fait ne dictent pas leur loi.
Paul Jorion est professeur invité à l'université de Californie de Los Angeles.
Auteur de "La Crise : des subprimes au séisme financier mondial", Fayard (à paraître en novembre)

samedi 11 octobre 2008

FIN DU POKER MENTEUR.

Arnold De Spiegeleer. Petite suite.
Le Temps (quotidien suisse) : //-->Fin du poker menteur.
Spécialiste en neurofinance à l'EPFL, Peter Bossaerts évoque la théorie des jeux pour expliquer la crise. L'Etat pourra-t-il relancer la partie?
François Pilet.Samedi 11 octobre 2008.
Les bourses européennes ont achevé la semaine sur un nouveau plongeon, vendredi, sur fond de paralysie du marché interbancaire. Londres a connu sa plus forte baisse depuis le krach d'octobre 1987 et Paris a vécu la pire semaine de son histoire. Peter Bossaerts dirige le Laboratoire d'analyse de la décision en situation d'incertitude de l'EPFL. Sommité de la neurofinance, il revient sur les causes profondes de la crise. Et esquisse des solutions.


Le Temps: Quel est votre regard de spécialiste en neurofinance sur la panique boursière de ces derniers jours?
Peter Bossaerts:Face à des situations que nous comprenons mal, il est tentant de voir la marque de comportements irrationnels. Cela parce que, au fond, il est difficile d'accepter qu'une somme de comportements rationnels puisse aboutir à des conséquences désastreuses pour la majorité. Or c'est exactement ce qui est en train de se passer. Prenez l'exemple des clients qui font la queue devant leur banque pour retirer leurs économies. C'est un acte pleinement rationnel, mais qui précipite la chute. Dans ce cas, ce sont les naïfs - ceux qui sont assez stupides pour laisser leur argent dans une banque menacée - qui contribuent à sauver la situation. C'est exactement la même chose pour les marchés financiers, à la différence près qu'il n'y a plus personne d'assez téméraire, ou naïf, pour jouer le jeu en achetant des titres et tout est bloqué. Dans une partie de poker, les joueurs doivent pouvoir espérer que leur adversaire est un naïf et qu'il va prendre des risques inconsidérés. Si deux joueurs sont pleinement rationnels et ne prennent aucun risque, la partie s'arrête.
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- Quelles sont les conséquences de ce blocage?
- Nous assistons à deux crises parallèles. Celle qui fait rage aujourd'hui reste purement financière. La deuxième, la pire, est celle de l'activité économique réelle. Pour l'instant, celle-ci n'est que potentielle, mais les risques d'une contamination augmentent de jour en jour. Tout l'enjeu est de trouver une méthode pour empêcher que cela se produise.
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- Comment en est-on arrivé là?
- Le problème vient de l'opacité des marchés sur lesquels s'échangeaient ces titres aujourd'hui pestiférés, basés sur des hypothèques américaines ou sur des risques de défaut de crédit. Si vous vouliez vendre ces papiers, le seul moyen était d'appeler une de vos connaissances à Tokyo ou à Helsinki et de la convaincre de les acheter en lui promettant la lune. Le jour où un doute est apparu sur la qualité de ces titres, plus personne n'a voulu participer. Sur un marché ouvert et régulé par une bourse, comme celui des actions ou des matières premières, il existe des règles qui peuvent rassurer les intervenants. Même si le doute s'installe, ces protections encouragent les plus téméraires à revenir tenter leur chance. Dans le cas d'un marché de gré à gré, il n'y a aucun filet. Tout s'arrête, et votre papier n'a plus de valeur.
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- Ce qui touchait une partie du système financier s'est étendu à toute l'industrie bancaire. Pourquoi?
-L'opacité des échanges de gré à gré fait que personne ne sait vraiment où sont cachés les risques. On a découvert des quantités hallucinantes de titres toxiques dans bien des banques, et il est légitime de se demander ce qu'elles peuvent encore bien cacher.
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- Quelles sont les options des gouvernements?
- Leur première réaction a été d'avancer des milliards de liquidités aux banques pour qu'elles se remettent à prêter. Mais cela ne marche pas, parce que dans la pratique les banques gardent cet argent pour elles. Et, tôt ou tard, les entreprises commenceront à manquer de liquidités.
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- Faut-il les contraindre?
-C'est impossible. C'est pourquoi les gouvernements ont mis en place d'autres stratégies. Avec le plan Paulson, les Etats-Unis proposent de racheter les titres toxiques dont plus personne ne veut. En Europe, la tendance va plutôt vers des nationalisations. Ces deux solutions ont leurs travers. Dans le cas américain, le gouvernement n'a pas les compétences nécessaires pour trier le bon grain de l'ivraie et risque de se faire rouler en payant trop cher. Cette attitude ne fait que perpétuer le système qui existait avant la crise. En endossant volontairement le rôle du naïf, il permettrait de reprendre la partie de poker. Je ne pense pas que c'est une bonne solution. Une autre possibilité serait de contraindre tout le monde à abattre ses cartes pour écarter définitivement les doutes, chose très difficile à obtenir. A mon sens, l'approche européenne a plus de chances de fonctionner. En entrant dans le capital des banques en détresse, les Etats pourraient faire une plus-value en revendant leurs parts quand les choses iront mieux. Reste qu'il est difficile de recapitaliser une banque en affirmant haut et fort qu'on va punir ses dirigeants, qui feront donc tout pour s'y opposer.
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- La solution miracle à vos yeux?
- Les Etats doivent trouver le moyen de soutenir l'économie réelle en reprenant le rôle des banquiers pour quelque temps. Ils doivent faire la preuve que le monde peut s'en sortir sans eux. Au lieu d'injecter des milliards dans un système bloqué, les banques centrales doivent trouver un moyen de transmettre ce flux aux entreprises. C'était encore possible il y a quelques années, lorsque les Etats possédaient de grandes banques de détail. C'est plus compliqué aujourd'hui, mais pas impossible. Les fondamentaux de l'économie restent excellents, et il y a beaucoup d'entreprises solvables qui peuvent payer des intérêts sur ces crédits. Si les Etats en font la preuve, les banques finiront par y revenir et reprendront leur rôle.

LE PLAN D'ACTION EN 5 POINTS DU G7.

À la Une < Economie < La crise financière
Le plan d'action en cinq points du G7
NOUVELOBS.COM 11.10.2008 08:21
Voici une traduction du plan d'action en cinq points publié vendredi 10 octobre par les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales du Groupe des Sept (G7) pays les plus industrialisés, à l'issue de leur réunion de Washington.


"Le G7 a convenu aujourd'hui que la situation actuelle appelle une action urgente et exceptionnelle.
Nous nous engageons à continuer à travailler ensemble pour stabiliser les marchés financiers et restaurer le flot du crédit pour soutenir la croissance économique mondiale.
Nous avons convenu de:
1 - prendre des mesures décisives et utiliser tous les outils à notre disposition pour soutenir les institutions financières d'importance systémique et empêcher qu'elles fassent faillite.
2 - prendre toutes les mesures nécessaires pour débloquer le crédit et les marchés monétaires et pour assurer que les banques et les institutions financières aient un accès large aux liquidités et aux capitaux.
3 - faire en sorte que nos banques et nos autres intermédiaires financiers majeurs puissent, quand c'est nécessaire, lever des capitaux de sources publiques comme privées, en des montants suffisants pour restaurer la confiance et leur permettre de continuer à prêter aux ménages et aux entreprises.
4 - faire en sorte que nos programmes nationaux respectifs de garantie des dépôts bancaires soient robustes et cohérents, de manière à ce que nos petits déposants puissent continuer à avoir confiance dans la sécurité de leurs dépôts.
5 - prendre des décisions, lorsque c'est approprié, pour relancer le marché secondaire de la dette hypothécaire et d'autres actifs titrisés. Des évaluations précises, une information transparente sur ces actifs et la mise en oeuvre cohérente de normes comptables de haute qualité sont nécessaires.
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Ces actions doivent être prises de manière à protéger le contribuable et à empêcher des effets potentiellement dommageables sur d'autres pays. Nous allons utiliser les outils de politique macroéconomique quand cela est nécessaire et adéquat. Nous soutenons fortement le rôle déterminant joué par le FMI pour aider les pays affectés par ces turbulences. Nous allons accélérer la mise en oeuvre complète des recommandations du Forum de stabilité financière et nous avons pleinement conscience du besoin pressant d'une réforme du système financier. Nous allons continuer à renforcer notre coopération et travailler avec d'autres pour accomplir ce plan".

vendredi 10 octobre 2008

L'ECONOMIE EST-ELLE EN TRAIN DE S'ARRETER ?

Les cordons de la Bourse. Le monde de la finance, par Nicolas Cori, journaliste à Libération. 10/10/2008.
L'économie est-elle en train de s'arrêter?

C'est bien beau de voir les marchés plonger (aujourd'hui encore, c'est impressionnant), mais quel effet cela a-t-il sur l'économie réelle?
C'est-à-dire sur les entreprises, et par ricochet sur les salariés?
Pour l'instant, aucune statistique n'est disponible. Les instituts comme l'Insee ne sont naturellement pas outillés pour mesurer en temps réel l'effet de ce "tsunami" financier. Alors, ils fournissent bien des prévisions (l'Insee parie sur une légère récession pour la fin de l'année), mais celles-ci risquent d'être totalement dépassées par les évènements.
Je voulais fournir un témoignage, celui du patron de Croissance Plus, Frédéric Bedin, rencontré tout à l'heure. Croissance Plus est une association de patrons d'entreprises en forte croissance. A priori donc des PME présentes sur des secteurs dynamiques. Bedin est quelqu'un qui reçoit en direct le témoignage de très nombreux patrons. Et il n'utilise pas la langue de bois.
Que dit-il? Que la crise financière atteint les entreprises avec une brutalité rarement vue. Et de citer le cas d'un patron présent dans un secteur industriel qui, il y a dix jours, accueillait avec flegme les événements sur les marchés. "Tout va bien pour nous. On a des commandes jusqu'à l'année prochaine". Cinq jours après, nouvelle conversation: "Les commandes ont été annulées". Autre histoire, celle d'un patron de PME qui a obtenu un prêt bancaire de 5 millions pour son entreprise. Quelques jours après, le temps pour réunir la documentation demandée, la banque rappelle pour dire que le prêt n'est pas octroyé.
Il semble bien que dans nombreux secteurs d'activité, l'activité est purement et simplement en train de s'arrêter.
Un constat corroboré par les déclarations faites par un autre représentant des petits patrons, à l'AFP. Jean-François Veysset, le vice-président de la CGPME, parle d'une remontée "brutale" du chômage. "Les chiffrages qui remontent des Assedic nous préoccupent, c'est brutal. Nombre de gens viennent indiquer qu'ils ont perdu ou vont perdre leur emploi.
Tout confirme que nous allons faire face à un retournement de l'emploi avec une fin d'année 2008 problématique et une année 2009 où nous allons devoir maîtriser les destructions d'emploi".
Pour tous ceux qui n'en étaient pas encore convaincus, dans une économie capitaliste, les déboires de la finance ne concernent pas que les banquiers et les actionnaires.
Vous aviez dit "bien fait" quand les salariés de Lehman Brothers ont été virés, leur carton sous le bras, après la faillite de leur banque?
Et bien, vous aviez tort.
Votre avenir, maintenant, c'est, comme celui de vos ancêtres en 1929 (photo): la soupe populaire... http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/10/lconomie-est-el.html

LA CRISE DE 1929 N'AURA PAS LIEU. LE Temps. (quotidien suisse). 10 OCTOBRE 2008.


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La crise de 1929 n'aura pas lieu.
Le 24 octobre 1929, surnommé le jeudi noir, 13 millions d'actions ont changé de mains. Les investisseurs inquiets ont afflué autour de la bourse new-yorkaise.
Le krach boursier de 1929 a entraîné une dépression sans fond, dont les effets se sont fait sentir jusqu'à la guerre de 1939. Il ressemble comme un frère à celui de 2008. Mais le contexte a changé.
Sylvie Arsever.Vendredi 10 octobre 2008.
La crise qui a provoqué, entre le 24 et le 29 octobre 1929, 30 milliards de dollars de perte à la bourse de New York n'a pas seulement entraîné plusieurs années de noire récession et la perte de millions d'emplois. Elle a décrédibilisé les gouvernements démocratiques, contribué à porter Adolf Hitler au pouvoir et à rendre une nouvelle guerre inévitable. Les images d'épargnants paniqués, de chômeurs et de familles paysannes qu'elle a jetés sur les routes hantent encore les mémoires et alimentent l'angoisse suscitée par le dévissage des marchés financiers. Angoisse d'autant plus vive que les ressemblances, de krach à krach, sont frappantes. Et les différences? Incomparablement plus nombreuses, relèvent une très grande majorité d'analystes qui écartent une répétition du drame. Retour sur quelques jours qui ont ébranlé le monde.

L'année avait bien commencé. En Europe, les crises de l'immédiat après-guerre ont fait place à la croissance. Aux Etats-Unis, la productivité industrielle a doublé en sept ans sous l'effet du taylorisme. De nouveaux biens se démocratisent: frigidaires, voitures, radios... Un record de prospérité, note Calvin Coolidge, trentième président des Etats-Unis, dans son dernier message sur l'état de l'Union, en décembre 1928. «Aucun congrès [...] n'a jamais eu de perspective plus agréable que celle qui apparaît aujourd'hui», note-t-il avec enthousiasme.


En hausse depuis 1924, le marché des actions connaît depuis 1928 des mouvements plus vifs, plus volatils aussi et une augmentation importante des échanges. L'élection du républicain Herbert Hoover à la présidence en novembre a conforté cet enthousiasme. Les prêts à court terme qui favorisent l'envol de la bourse de New York ont passé de 3,5 à 6 milliards de dollars en un an. La grande partie des opérations, en effet, se fait à crédit. Les prêts qui permettent à tout un chacun d'acquérir des actions peuvent être d'autant plus généreux que les titres, déposés en garantie, sont destinés à prendre de la valeur. Avec une mise qui ne dépasse parfois pas 10%, le boursicoteur peut engranger l'entier des bénéfices découlant d'une revente. L'affaire n'est pas mauvaise non plus pour les courtiers, qui pratiquent un taux d'intérêt qui atteindra 12% à la fin de l'année sur de l'argent qu'ils peuvent emprunter à 5%.


Les capitaux étrangers affluent à New York.


Cela peut-il durer? La question commence à hanter quelques esprits circonspects au début de 1929. La Banque de réserve fédérale - qu'on n'appelle pas encore la Fed - a fait une tentative d'éponger le marché au début de 1928 en vendant des valeurs d'Etat - sans grand effet. Un an plus tard, elle se borne à quelques appels - prudents - à la prudence. L'enthousiasme spéculatif se fait, lui aussi, plus inquiet: et si l'argent cessait d'affluer? En mars, une série de réunions de la Réserve fédérale suffisent, même sans décision subséquente, à provoquer une baisse importante du marché. Les courtiers lancent leurs premiers appels de marge, forçant leurs clients à réduire leurs engagements. Le taux d'intérêt à court terme monte à 20%. Pour la première fois mais pas la dernière, le téléscripteur qui communique les résultats aux spéculateurs aux abois ne parvient pas à suivre. Le 26 mars, la bourse clôture sans que de nombreux porteurs connaissent l'étendue de leurs pertes. C'est la National City Bank qui réamorce la pompe en annonçant qu'elle prêtera l'argent nécessaire. Charles Mitchell, son CEO, n'est pas le seul à penser que casser le jouet serait un crime. De nombreuses sommités expliquent que les craintifs sont des esprits rétrogrades qui n'ont pas saisi tous les avantages - et toute la solidité - des nouvelles techniques financières.


Parmi celles-ci figure un instrument qui a fait son entrée à la bourse: les sociétés d'investissement. Leur chiffre d'affaire a passé de 400 millions à trois milliards de dollars entre 1927 et 1929. Elles n'investissent souvent qu'indirectement dans l'économie à travers d'autres sociétés parfois détenues par le même groupe. Les sociétés d'investissement prospectent surtout les petits porteurs, auxquels elles promettent les avantages de la diversification et offrent à leur tour la possibilité d'acheter sur marge. Aux plus gourmands, elles offrent en outre le bénéfice d'une application particulière du principe du levier: elles concentrent les hausses sur une partie seulement des titres qu'elles émettent, ce qui les rend très profitables - et très volatils.


Tout est possible: cette conviction propre aux périodes haussières enfle en 1929. De nombreux nouveaux venus arrivent sur les marchés boursiers. Pas aussi nombreux qu'on l'a dit: au plus fort de la bulle, seuls un million et demi d'Américains sur 120 millions possèdent un compte dans une firme active à la bourse et seuls un tiers d'entre eux pratiquent des opérations sur marge. Mais cela suffit pour communiquer le climat de fébrilité spéculative à tout le pays. D'autant que les médias rapportent avec enthousiasme les miracles quotidiens des marchés. Seul le New York Times prédit, sans beaucoup de succès au début, un retournement de conjoncture. Les choses changent en automne. Lentement d'abord: les banques centrales britannique et allemande augmentent leurs taux pour freiner l'exode des capitaux outre-Atlantique. La Réserve fédérale de New York suit et monte à 6%. Le 3 septembre, le mouvement de hausse de Wall Street s'inverse.


Les jours qui suivent sont hésitants mais l'argent des spéculateurs continue d'affluer. La baisse se précise à la mi-octobre. Les courtiers multiplient les appels de marge. La bourse ouvre à la baisse et finit à la hausse lundi 20, se stabilise mardi, replonge mercredi.


Jeudi, c'est la panique: près de 13 millions d'actions changent de main à un rythme qui, à nouveau, défie le téléscripteur. La foule s'ameute devant le Stock Exchange, la galerie des visiteurs est fermée au public. La dégringolade est freinée vers midi par l'annonce d'une intervention groupée de plusieurs banques. La reprise très rapide provoquée par ces réassurances n'est pas communiquée au pays: les téléscripteurs transmettent toujours des chiffres en baisse.


Cela n'empêche pas la tendance haussière de se stabiliser vendredi et samedi: à la satisfaction de voir le spectre des pertes s'éloigner s'ajoute celle d'avoir pu juguler la crise.


Pourquoi craindre, d'ailleurs? La situation économique est fondamentalement bonne, répètent les oracles. Lundi, les journaux publient une campagne publicitaire incitant les Américains à profiter des occasions créées la semaine écoulée. Mais la foi a disparu: le volume des pertes dépasse celles accumulées le jeudi noir.


A nouveau réunis, les banquiers annoncent cette fois qu'ils ne feront rien: la loi du marché doit primer - et certains d'entre eux sont déjà à court de liquidités. De façon peu surprenante, la catastrophe s'emballe mardi 29, alimentée par une dégringolade spectaculaire des sociétés d'investissement. Les mécanismes qui avaient permis à la bulle d'éclore précipitent la déroute. Confrontés à des appels de marge toujours plus pressants, les investisseurs doivent vendre à n'importe quel prix, ce qui emballe la chute des cours - et provoque de nouveaux appels de marge. L'effet de levier, après avoir amplifié les gains, démultiplie les pertes. Vers midi, les gouverneurs de la bourse se réunissent pour discuter de l'éventualité d'une fermeture temporaire qui sera finalement remplacée par des congés élargis - tout le monde, entre autres choses, a besoin de récupérer.


Une nouvelle rumeur enfle: loin de soutenir les marchés, les banquiers participent à leur déconfiture en vendant. Fausse: pendant une semaine, ils injectent des liquidités à perte dans un marché en voie d'assèchement express.


Mercredi marque un retour inopiné à l'optimisme: la situation est «fondamentalement solide», vient de noter le secrétaire adjoint au Commerce Julius Klein. John Rockefeller participe au travail de réassurance en annonçant qu'il a acheté des actions. U. S. Steel a annoncé un dividende supplémentaire.


Jeudi, la Réserve fédérale entre en jeu au moment où Wall Street s'apprête à fermer pour un long week-end en baissant le taux d'escompte de 6 à 5%.


Le samedi intervient la première faillite: Foshay, un trust valant 20 millions de dollars.


Lundi, les fondamentaux sont toujours bons, la Commercial National Bank & Trust Company a acheté cinq colonnes du Times pour le faire savoir. Cela n'empêche pas la course à l'abîme de reprendre. Entre le 22 octobre et le 13 novembre, l'indice Dow Jones passe de 326,51 à 198,69 (-39%), ce qui correspond à une perte virtuelle de 30 milliards de dollars. Il continuera à baisser jusqu'en juillet 1932 et ne rejoindra pas le niveau de septembre 1929 avant 1954. Plus de 700 banques américaines font faillite, les usines suivent. Le nombre des chômeurs atteindra un quart de la population en 1933.


La reprise amorcée à partir de cette date par le nouveau président Roosevelt ne se confirmera pas entièrement avant le déclenchement de la guerre en 1939. La contagion internationale n'est pas immédiate. L'assèchement progressif des crédits en provenance d'outre-Atlantique met un certain temps à déployer ses effets en Europe. Mais ceux-ci s'avèrent d'autant plus dévastateurs que les gouvernements, obnubilés par le souci de protéger leur monnaie, y réagissent en général par une politique protectionniste qui contribue, en réduisant les échanges transatlantiques et la masse monétaire en circulation, à transformer l'accident new-yorkais en dépression sans fond.


Le contraire aurait-il suffi à tout résoudre?


De nombreux historiens font valoir que le krach n'est pas arrivé dans un ciel économique entièrement serein: la production industrielle américaine a commencé à fléchir dès les premiers mois de 1929. La croissance était déséquilibrée: l'argent engendré enflait les profits - et donc tant les investissements que la spéculation - mais guère les salaires des acheteurs potentiels des biens produits. La politique d'austérité adoptée par de nombreux Etats après le krach n'a fait qu'aggraver les choses, d'autant plus sûrement que le flot grandissant des chômeurs, à cette époque, n'est couvert par aucune assurance.


Bref: il y a moyen de faire mieux et on a beaucoup appris depuis. Certes, comme le relevait The Economist cette semaine, il suffit de remplacer «actions» par «immeubles» dans la construction de la bulle de 1929 pour retrouver une description très satisfaisante de celle des «subprime», certes la contamination de l'économie réelle semble désormais probable, mais les augures continuent d'écarter l'hypothèse d'une répétition intégrale du scénario catastrophe.


La grande crise, assurent-ils, n'aura pas lieu. Comme leurs prédécesseurs d'octobre 1929.


A lire: John Kenneth Galbraith, «La crise économique de 1929. Anatomie d'une catastrophe financière», Payot 2008.

jeudi 9 octobre 2008

QU'EST-CE QU'UN KRACH ?

A la Bourse de Sao Paulo, au Brésil, le 8 octobre. (REUTERS).
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Le krach boursier est une baisse soudaine et précipitée des actions touchant une ou plusieurs places financières. L'une de ses caractéristiques principales est l'effet panique qui voit les investisseurs tous vendre en même temps, créant ainsi une spirale infernale.
Il n'y a pas de définition économique précise d'un krach mais, dans la pratique, cette expression s'applique à une baisse des cours de plus de 20% en quelques jours sur une place financière.
Les fortes chutes observées sur les marchés ces derniers jours s'approchent de ce niveau, alimentant forcément les comparaisons avec les précédents historiques de 1929 et 1987. Mais ces deux événements étaient très différents. L'activité a ainsi rapidement reprise après le krach d'octobre 1987, alors que la Grande Dépression de 1929 s'est traduite par plusieurs années de récession économique, de chômage et de misère suivies par la Seconde Guerre mondiale.
Octobre 1929
L'effondrement des marchés boursiers en octobre 1929 a fait suite à l'explosion d'une bulle spéculative. Des millions d'Américains avaient acheté des actions par le biais de fonds d'investissement, les «trust funds», qui se sont écroulés les uns après les autres. Le lundi 28 octobre 1929, l'indice Dow Jones de la Bourse de New York s'effondrait de 13%, avec une nouvelle chute de 12% le lendemain (le «mardi noir»).
A la fin novembre, il avait perdu la moitié de sa valeur et continuait à chuter les mois suivants. A son plus bas, au milieu de 1932, il avait perdu près de 90% par rapport à ses niveaux d'avant le krach et ce n'est qu'en 1954 qu'il parviendra à les dépasser à nouveau. Ce n'est qu'après la fin du second conflit mondial, en 1945, que l'économie internationale retrouvera le chemin d'une croissance durable, jusqu'aux hoquets des années 70 et au nouveau krach de 1987.
Octobre 1987
Le lundi 19 octobre 1987, Wall Street s'effondre avec une chute de 23% de son indice Dow Jones sur une seule séance, la plus forte jamais enregistrée sur cette place à ce jour. La plupart des marchés mondiaux suivent le mouvement. Mais ce krach, aggravé par des problèmes de traitements informatiques des ordres, a été sans lendemain. Les indices ont rapidement rebondi. Et deux ans plus tard, le Dow Jones revenait à ses niveaux d'avant krach.
1997, 1998, 2000 et 2001
Plus récemment, les Bourses mondiales ont connu des moments difficiles en 1997 lors de la crise asiatique, en 1998 lors de l'effondrement du fonds spéculatif LTCM dans le sillage de la crise russe, en 2000 lors de l'éclatement de la bulle Internet et en 2001 après les attentats terroristes de septembre aux Etats-Unis mais sans que ces baisses ne se prolongent dans le temps.
(D'après AFP

mercredi 8 octobre 2008

CRISE...

LIBERATION .Économie 8 oct. 6h51.
«Le problème est qu’il manque une théorie révolutionnaire»
Yves Michaud. Philosophe directeur de l’Université de tous les savoirs.

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On n’y comprend pas grand-chose. On comprend qu’il y a eu une bulle spéculative financière sur l’immobilier aux Etats-Unis, que les établissements financiers ont émis des titres de créance garantis sur ces bien immobiliers et que les créances ne pouvant être honorées, tout le système se retrouve en cascade privé de garantie. On comprend aussi que les banques ont seulement une petite partie de fonds propres, le reste correspondant à des actifs plus ou moins liquides et dont la valeur ne cesse de baisser voire de se volatiliser (les fameux actifs toxiques). Elles sont donc fragilisées en cascade, d’autant plus qu’elles ne cessent de se prêter des fonds (le marché interbancaire) ou de prendre des participations croisées. Bref, il y a fragilisation mécanique de tout le système bancaire, y compris quand il est «sain», par effet de contagion en cascade. Il y a aussi une formidable déflation : l’estimation de la richesse est revue à la baisse. C’est ce qu’on appelle destruction de richesse. Vous croyez que la croûte que vous a léguée votre grand-mère est un tableau de maître, mais c’est une vulgaire copie et vous êtes beaucoup moins riche. Pour le reste et surtout dans le détail, on n’y comprend rien.
Psychologie
Tant qu’on croit, tout va bien. Si on n’y croit plus (la perte de confiance»), tout vacille. Des queues se forment devant les banques. D’où les efforts pour rassurer, d’où le plan Paulson, aussi mauvais soit-il pourvu qu’il rassure les marchés, d’où les proclamations des dirigeants européens, les rencontres et sommets, même sans résultats tangibles. Il faut éviter la panique. Ce n’est en revanche plus de la psychologie quand on ne trouve plus d’escompte, quand il n’y a plus d’embauche, quand les chantiers s’arrêtent (même à Dubaï) parce qu’il n’y a ni bailleurs de fonds ni acheteurs.
Le manque de compétence
On n’y comprend rien, ai-je dit. Pas seulement nous, mais probablement tout autant les banquiers, les financiers, les parachutistes dorés. Ils semblent ne même pas savoir quels risques leurs établissements encourent parce qu’ils ne savent pas où ces risques sont logés. L’affaire Kerviel-Sociéte générale aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. On a monté un formidable et intelligent système financier auquel plus personne ne comprend rien. On dit aux Etats-Unis que la difficulté principale du plan Paulson va être de l’appliquer en identifiant quels risques sont ou non toxiques et à quel niveau de prix racheter ces actifs «illiquides» faute de valeur estimable. On va donc «outsourcer», c’est-à-dire confier à des agences extérieures ce soin. On demandera aux experts financiers de faire les évaluations qu’ils n’ont pas été capables de faire au sein de leurs établissements…
On n’y comprend rien (suite)
Il y a une crise de liquidités : les banques ne se prêtent plus entre elles par manque de confiance. La Federal Reserve Bank aux Etats-Unis et la Banque centrale européenne en Europe injectent donc au jour le jour ces précieuses liquidités. Mais d’où viennent-elles ? Pour combien de temps ? En quantité suffisante ? Est-ce que ça ne revient pas à faire marcher la planche à billets ? Aux Etats-Unis, c’est peu douteux : la masse monétaire a augmenté de 1 400 % depuis trente ans et les autorités américaines ont cessé de fournir des informations sur cette masse depuis 2006… Quid en Europe ? Mystère.
La faute à personne ?
A gauche et au Modem, on dit que c’est la faute à Sarkozy. Quand même pas à voix trop forte : notre Président a beau être mégalo, on le voit pas à lui tout seul provoquer une telle crise. Alors, c’est la faute aussi aux financiers, aux parachutistes dorés, aux riches. Comble d’horreur, on va prendre l’épargne des pauvres (le livret A) pour sauver les riches. Visiblement, beaucoup croient que la Caisse d’épargne est une sorte de coffre ou de trou où on enterre son argent. Passons. Aux Etats-Unis, le futur retraité, qui a placé ses économies dans un fonds de pension, se licencie lui-même via le fonds de pension parce que l’entreprise où il travaille ne rapporte pas les fatidiques 15 % de retour sur investissement du marché financier…
Le pouvoir politique
Il est impuissant. Bush dévalué mais toujours aussi sournois («une petite guerre contre l’Iran, ça arrangerait les choses ?») n’est pas écouté. En Europe, chacun proclame le besoin d’union, mais joue perso jusqu’au moment où il faudra bien s’aider pour limiter la casse. On est quand même bien content que l’Etat soit là. On est heureux de sa présence rassurante. C’est l’Etat en tant que le collectif, en tant que l’ensemble des citoyens qui veulent se protéger les uns les autres. La forme la plus simple, mais aussi la plus robuste du politique : la puissance publique comme puissance de tous.
La récession
Certains ont déjà laissé ou laisseront des plumes dans cette crise. Parfois des vraies plumes, parfois des parures gonflées et rapportées (les fortunes mirobolantes des traders, des chevaliers de finance, des oligarques) D’autres pourront faire le gros dos. Le plus dur vient juste après : la récession, la hausse du chômage, la baisse de la consommation, avec leurs conséquences politiques, notamment en France sur le programme des réformes, sur la redistribution des investissements, sur la réforme fiscale.
Les malins
Tout ceci devrait être du pain béni pour l’extrême gauche. Elle a enfin sa vraie crise du capitalisme, pas juste une petite bulle qui éclate. Jean-Marc Rouillan devrait pouvoir reprendre ses activités armées en ressortant de prison. Le problème est qu’il manque une théorie révolutionnaire de la crise de ce capitalisme financier. On aura du mal à proposer juste un retour à un capitalisme de production industrielle (celui dont semblent parfois rêver Sarkozy et Guaino quand ils opposent le travail à la spéculation) car ce capitalisme financier a apporté une partie de la formidable croissance mondialisée des vingt dernières années (y compris celle qui s’est faite aux dépens des pays riches). On a donc une crise, des ferments de mouvement social, mais pas de théorie, sauf quelque chose comme la doctrine castriste, le besancenotisme ou le bovéisme. Que font les économistes ? Depuis un ou deux ans, sont parus à la volée les plus sombres diagnostics des meilleurs économistes («les incendiaires», «le capitalisme s’autodétruit», «nous ruinons nos enfants», «les banques sont folles»…). La plupart de ces économistes occupent des postes de conseillers ou de directeurs des études économiques dans des grandes banques, dont certaines mal en point.


Question : ils étaient là pour les conseils, pour la déco, pour le salaire ?