dimanche 29 mars 2009

SE REFAIRE UNE REPUTATION BLANCHE COMME LE NET.

LIBERATION Société 28/03/2009 à 06h51
Se refaire une réputation blanche comme Net
Des sociétés se chargent d’effacer les traces gênantes sur la Toile moyennant finances.
CHRISTOPHE ALIX.
S’il n’est pas facile de rétablir une réputation entachée après qu’un vilain ragot a circulé sur votre compte, la tâche devient quasiment mission impossible sur la Toile. La photo compromettante sur Facebook, le méchant lien en tête des résultats lorsqu’on «googlise» votre nom sur le moteur de recherche risquent de ruiner longtemps votre «e-reputation» et donc votre réputation tout court. Sur le Net, l’image de l’internaute qui n’a plus rien de virtuel reste sur la Toile, parfois des années.
«Nettoyeurs». Pas étonnant dans ces conditions que l’on assiste à l’éclosion d’une nouvelle contre-activité, celle qui consiste à effacer les innombrables traces, compromettantes ou pas, que les internautes laissent sur le Net. Ces «nettoyeurs» virtuels peuvent être des logiciels et de plus en plus des sites proposent de rétablir le profil d’internautes en délicatesse.
Ces sites tels que ClaimID, TrustPlus ou Reputationhawk prolifèrent. Reputationdefender s’est même rapidement taillé une réputation de start-up prometteuse de la Silicon Valley après avoir été créé à Louisville (Kentucky), en 2006. Surnommé la google insurance, cette société très médiatisée emploie 50 personnes et avait déjà engrangé 3 millions d’euros de bénéfices, selon le magazine Forbes, fin 2007.
Le site qui s’est développé en exploitant un vide juridique en matière de violation et de diffamation de la vie privée sur Internet offre un large choix de solutions, toutes payantes. Pour 8,25 dollars par mois, l’abonnement standard, l’internaute a la possibilité d’effacer lui-même ses traces diffusées par des bases de données ou des réseaux sociaux sur lesquels il s’était inscrit, mais aussi celles liées à ses achats sur des sites. Deux autres formules sont proposées, dont l’énigmatique «Big Kahuna» à 49 dollars par mois. A ce prix-là, ce sont les salariés de Reputationdefender qui se chargent d’identifier et d’éliminer vingt-quatre heures sur vingt-quatre toutes les informations embarrassantes. Reputationdefender propose également aux parents d’effacer les traces laissées par leurs enfants.
Vérification. A l’issue d’une étude détaillée du site qui n’hésite pas à se présenter comme un «véritable logiciel de relations publiques», on n’était pas loin de les croire. En guise d’ultime vérification, on a donc «googlé» le nom de son jeune patron accolé à celui de l’entreprise. Et là, surprise : le tout premier document de résultat est un blog qui explique pourquoi Michael Fertik «craint». «L’approche de Reputationdefender ne marche pas, écrit son auteur. La preuve, ils n’arrivent même pas à protéger leur propre réputation.» CQFD.

http://www.liberation.fr/societe/0101558567-se-refaire-une-reputation-blanche-comme-net

samedi 28 mars 2009

L'EGALITE OU L'ACTUALITE D'UNE PASSION FRANCAISE.

Point de vue
L'égalité ou l'actualité d'une passion française
LE MONDE 28.03.09 14h11 • Mis à jour le 28.03.09 15h23

L'histoire, comme lutte des classes, depuis la formation des premières cités-Etats, au néolithique, aurait pu prendre fin dans les années 1990, avec l'implosion du capitalisme. La mondialisation aurait été assise sur l'appropriation collective des forces productives et la répartition équitable des fruits du travail. C'est le contraire qui s'est passé, le pays qui avait adopté le premier ces deux mesures comme principe d'organisation, qui s'est désintégré, repoussant sine die la réalisation du seul idéal auquel l'humanité puisse tendre, qui est de traiter tout homme avec humanité, en frère.
L'histoire, comme discipline, les sciences sociales, nées des conflits internes aux sociétés développées et de leur expansion coloniale, nous ont appris la relativité des façons d'agir, de penser, de sentir, à commencer par celles que nous tenons pour naturelles et qui relèvent, sans exception, d'un arbitraire culturel.
Le généticien Luca Cavalli-Sforza, parcourant la galerie des ancêtres à la lumière de l'ADN mitochondrial, se laisse aller, un instant, à spéculer sur le bonheur. Il ne le situe pas, comme on le fait depuis le commencement des temps modernes, dans un avenir qui toujours se dérobe mais, comme les Anciens, du côté du passé, dans l'errance enchantée de hordes de chasseurs-cueilleurs au sein de la création. Pendant une durée équivalant à dix fois celle des temps historiques, des hommes, rigoureusement identiques à nous sous le double rapport physique et intellectuel, ont inventé des styles de vie incroyablement divers et chatoyants, mais fondamentalement identiques en ce qu'ils respectaient l'équilibre des deux protagonistes de l'affaire, la nature, d'un côté, la société, de l'autre, et celui propre à chacune d'entre elles.
Pour peu que leurs propres préjugés ne leur aient pas dérobé en totalité la haute perfection sociale et technique des groupes que la conquête du monde leur révélait et qu'ils ont détruits, les Occidentaux ont su reconnaître aux "sauvages" des sept mers et des cinq continents des vertus dont Montaigne exaltera les deux plus éminentes à ses yeux - qui sont aussi les nôtres : un courage à toute épreuve et un égalitarisme achevé.
Et l'on se souvient que le petit hobereau périgourdin attribue sans balancer ces qualités à l'absence de propriété privée, de tout superflu, d'avidité. Il songe peut-être qu'il est un peu tôt, dans l'histoire du monde, même si, à d'autres égards, il est déjà trop tard, et par une concession mordante à l'étroitesse de notre mentalité indigène, il conclut, magnifiquement : "Mais quoi ! Ils ne portent point de hauts-de-chausse."
Il aurait été beau que les populations massées à la pointe occidentale du continent eurasiatique, et qui vont dominer, quatre siècles durant, le terrible cours des choses, partagent sa sagesse provinciale. La face du monde aurait été changée. C'est le plus profond respect d'autrui et celui de la grande Mère Nature qui auraient été importés en Europe, avec le tabac, les pommes de terre, le chocolat. Mais il faudrait, pour ce faire, que le réel se déduise des livres, les êtres de chair et de sang des personnages de papier, les actes des mots, et c'est l'inverse qui se produit. D'ailleurs, les livres le disent : "La vie est un conte débité par un idiot, plein de bruit et de fureur et dépourvu de sens."
On ne revient pas en arrière. Nous ne reprendrons pas notre marche dans la pénombre rêveuse des forêts. L'histoire ne se répète pas. L'occidentalisation du monde est accomplie. Mais l'époque contemporaine reste traversée, à deux siècles de distance, par l'antagonisme partiel des deux contributions dont elle est issue : la liberté, d'inspiration anglo-saxonne, et l'égalité, cette passion française.
La première a connu une fortune prodigieuse. Protestante, matérialiste, profondément égoïste, elle a affranchi le travail de ses vieilles entraves, répandu l'abondance dans des proportions qu'on n'avait pas même rêvées, atteint la Lune. Elle a survécu aux crises inhérentes à sa nature même, à la contradiction qui oppose la richesse morte - le capital - au travail vivant - les bras et les cerveaux des salariés. Elle semble toucher, aujourd'hui, aux limites que lui prescrivent, d'un côté, le cadre naturel qui est le sien, la terre, de l'autre, la tolérance de ses habitants, rassemblés, par la force des choses, dans l'espace unifié, intégré, de la production, de l'échange et de l'information.
Les adeptes du gain pécuniaire, comme axiome fondateur du vouloir pratique, peuvent bien s'ingénier à tirer parti des persistantes disparités de prestations et de droits qu'on observe encore d'un pays à l'autre. Leur fin dernière, qui est le profit, c'est-à-dire le surtravail non rémunéré, l'extorsion sans contrepartie du temps, de la vie d'autrui, est en voie d'extinction, comme le montre la crise financière. Et la planète souffre de plus en plus impatiemment, quant à elle, qu'on la traite comme une putain, pour reprendre une formule de l'écrivain américain William Faulkner.
L'initiative française a obtenu jadis quelques succès avant de tomber aux mains négligentes ou criminelles qui devaient l'étendre au genre humain et l'ont précipitée dans le discrédit où nous la voyons aujourd'hui.
Il se peut que l'individualisme calculateur et son principal mobile, qui est l'esprit de lucre, éclipsent définitivement l'attachement jaloux, irrationnel qui fut le nôtre à l'égalité sans distinction d'aucune sorte ni ménagement ni délai ni cesse. Mais alors, la fin de l'histoire risque fort de ne pas ressembler à l'harmonieux triptyque que Francis Fukuyama brossait, à quinze années d'ici, avec la démocratie libérale, la production sous régime capitaliste et le développement indéfini de la physique moderne comme figures tutélaires de tout avenir.
Si le passé a un sens et que les civilisations qui devancèrent la nôtre n'ont pas péri en vain, alors la querelle franco-anglaise n'est pas éteinte. Il faut la raviver.

Pierre Bergounioux est écrivain, lauréat du prix Roger Caillois 2009, "Une chambre en Hollande" (Verdier, 56 p., 8,80 €)

Pierre Bergounioux

lundi 16 mars 2009

LES TECHNOLOGIES SAVENT-ELLES NOUS PARLER D'AMOUR ?

Les technologies savent-elles nous parler d'amour ?
LEMONDE.FR 13.03.09 20h39 • Mis à jour le 13.03.09 20h39
Internetactu.net
La façon dont nous aimons, rencontrons l’autre et échangeons avec lui a été profondément transformé par les technologies, comme le montre le succès des sites de rencontre. Les technologies savent-elles nous parler d’amour et comment ? C’est la question que posait la conférence Lift au sociologue Baba Wamé et à Frank Beau.
Baba Wamé est sociologue, enseignant à l’Ecole supérieure des sciences et techniques de l’information et de la communication à l’université de Yaoundé et a soutenu une thèse à Paris II sur les usages de l’internet au Cameroun. Le Cameroun est un pays de 18 millions d’habitants, rappelle-t-il, qui compte 500 000 utilisateurs d’internet dont 350 000 qui se connectent depuis les 2500 points d’accès publics. Baba Wamé a étudié les usages des sites de rencontre auprès des Camerounaises. Ces femmes, ces” tchatcheuses” comme il les appelle, ont entre 18 et 34 ans en majorité, un niveau scolaire peu élevé, et ne sont pas toutes célibataires loin s’en faut (certaines sont même mariées et font des rencontres parfois avec l’assentiment de leurs maris). Elles viennent surtout du Sud du Cameroun chrétien (par rapport au Nord, musulman, où l’internet est moins présent). En se connectant aux sites de rencontres, ces femmes cherchent à changer leur vie et celle de leur famille par le mariage, ainsi qu’à avoir des enfants métis (ce qui semble être particulièrement valorisant dans la société camerounaise contemporaine, à l’image de Yannick Noah, l’un des emblèmes du pays). “Partir, c’est trouver une alternative à la misère”, rappelle Baba Wamé.
STRATÉGIES AMOUREUSES À L’HEURE DES SITES DE RENCONTRES
Outre le fait que sur les sites de rencontre, les femmes peuvent s’inscrire gratuitement, la facilité d’utilisation de l’internet et l’amélioration des lieux de connexion (débits élevés, salles climatisées, box assurant la discrétion nécessaire pour se déshabiller devant l’oeil de la webcam…) ont été des facteurs qui ont facilité l’appropriation d’internet par les Camerounaises. “Les femmes camerounaises ont des techniques pour accrocher les hommes sur le net”, notamment en établissant des stratégies pour sélectionner les fiches personnelles des partenaires potentiels (elles ne veulent pas des jeunes de moins de 30 ans, ni des noirs américains, et la Suisse est l’un de leur premier pays cible). Ces femmes doivent entretenir de bons rapports avec les moniteurs de cybercafés, car beaucoup surfent sans jamais être allés à l’école, sans même parler le français ou l’anglais, d’où la nécessité d’entretenir parfois de très bonnes relations avec les responsables des cybercafés. Enfin, il faut se souvenir que pour dénicher l’âme soeur, il faut être présent très régulièrement sur ces sites de rencontre : entre 4 et 5 fois par semaine. Chaque mois, il leur faut trouver quelque 150 euros pour supporter leurs frais d’accès, dans un pays où l’on vit avec moins de 2 euros par jour. Toute la famille participe pour financer la connexion, dans l’espoir que les relations internautiques finiront par un mariage, qui aura des retombées financières positives pour toute la famille.
A Yaoundé, seulement 10 à 15 % des Camerounaises qui utilisent un site de rencontre finissent par se marier. Mais 60 % de celles qui trouvent un mari en Europe finissent dans un réseau de prostitution. C’est peut-être cela la réalité des sites de rencontres vue d’Afrique.
METROMANTICS : LE MÉTRO ROMANTIQUE À L’HEURE DES TIC
Frank Beau est un chercheur indépendant (qui a souvent contribué à InternetActu.net), auteur d’un excellent livre sur les transformations de notre culture à l’heure des jeux vidéos (Culture d’univers). Il s’est intéressé pour la Régie autonome des transports parisiens (Ratp), aux transformations de nos relations dans les transports. A quoi ressemblera le métro de demain ? Il sera à la fois un moyen de transport et d’échanges, assure Frank Beau. “Mais comment une machine à flux peut-elle organiser un tissage entre les particules ?” Internet permet-il d’éclairer l’avenir de nos échanges dans le métro ? Ce sont quelques-unes des questions que pose “l’amour mobile” (alias “metromantics”), l’étude que Frank a réalisée pour la Ratp et qu’il nous présente.
Assurément, le métro est un endroit propice à la rencontre, comme le montrent les sites de “retrouvailles” tels que DisLeLui ou ParisBulle, qui servent aux usagers à lancer des bouteilles à la mer pour retrouver les personnes qu’elles y ont rencontrées. Frank est parti des récits postés sur ces sites pour les analyser et découvrir la forme commune à ces messages, qui tous se structurent de la même façon : un lieu, une histoire (avec un début et une fin), un désir, un espoir. Le langage qui se met en place entre deux personnes qui se croisent dans le métro est le contraire d’internet : c’est un langage non verbal, qui s’appuie sur le regard. Le regard est un choc électrique. Il est la “connexion”. Mais comment passer de la connexion à l’échange ? Du regard au sourire ? C’est souvent ce que racontent les histoires que les gens postent sur ces sites. Pour cela, il y a des objets transitionnels : les corps bien sûr (le contact de la main, de l’épaule, des cheveux, voire de la nourriture…) composent des manières de se rapprocher selon un complexe “Tétris des corps”. L’espace et le temps également : se rendre compte qu’on est dans le même espace, qu’on partage le même temps, qu’on participe de mêmes communautés de déplacements est important. Enfin, il y a de vrais objets transitionnels comme la musique, la lecture (le livre est en cause dans la moitié des annonces et donne prétexte à communication, car c’est à la fois ce qu’on lit et ce que les autres lisent qu’on lit) ou les téléphones mobiles. Dans le romantisme urbain de la rencontre, on projette assurément l’imaginaire amoureux d’une époque.Qu’est-ce qui explique qu’il y ait des coups de foudre dans le métro ? C’est d’abord la coprésence ainsi que la diversité du public (qui démultiplie les possibles), mais également la force d’un lieu qui privilégie la communication non verbale (en cela, le métro est l’anti-internet, qui “verbalise d’abord”). Le métro est une zone autonome temporaire, comme la définissait Hakim Bay, qui favorise l’intensité, qui focalise toute action ou tout regard en acte pour ceux qui participent du même espace. C’est ce qui explique que le métro, ce théâtre de l’éphémère, favorise des émotions particulières.
Dans ce contexte, les technologies de rencontre permettent de resynchroniser nos émotions, comme LoveGetty, le service original de BlueDating (de rencontre par mobile via la technologie sans fil Bluetooth, permettant de détecter à proximité des profils complémentaires au sien) né au Japon en 1998. “Ne sommes-nous pas en train d’inventer des techno-phéromones ?”, s’amuse Frank Beau. Les technologies nous permettent d’augmenter le territoire de négociation de nos rencontres (à l’image des papillons capables de ressentir leurs partenaires jusqu’à 10 kilomètres). Les profils des sites sociaux deviennent les signaux de ces phéromones. Reste à comprendre les codes sociaux de la négociation dans la relation qui s’instaure. Est-ce que la technologie peut les faire évoluer ? C’est ce à quoi s’amuse Frank Beau en imaginant un scénario délirant sur l’amour au 21e siècle. Que donnerait le développement du mobile dating, la “technopheromonisation” des espaces publics urbains, les oppositions et frictions entre les biolovers (ceux qui privilégient le processus biochimique dans la rencontre) et les technolovers (qui privilégient les outils de rencontre électroniques)… s’emballe Frank Beau, jusqu’à imaginer extraire une énergie de ces coups de foudre (le libidon) et développer un jour une phéromonnaie, nous permettant d’échanger l’énergie de nos sentiments…
Fou ? Forcément, mais ne faut-il pas un peu de folie pour oser parler d’amour sur l’internet à l’heure où la comparaison des profils tient lieu de sentiments ?
Article publié originellement sur Internetactu.
http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/03/13/les-technologies-savent-elles-nous-parler-d-amour_1167853_651865.html#ens_id=1150782

DIEU SE TROUVE DANS NOS CERVEAUX.

Dieu se trouve dans nos cerveaux.
BELGA
dimanche 15 mars 2009, 15:44

La question de savoir pourquoi certaines personnes croient en un être suprême est étudiée depuis longtemps par les scientifiques. Selon le journal The Independent on Sunday, la raison d’une telle croyance réside dans nos cerveaux, de nouvelles recherches laissant penser que notre cerveau est « programmé » pour éprouver des expériences religieuses.
Les scientifiques américains du National Institute of Neurological Disorders and Stroke qui sont à la recherche du « point Dieu », un point du cerveau censé contrôler la croyance religieuse, pensent qu’il n’y pas qu’un seul point mais bien plusieurs zones du cerveau qui forment les fondations biologiques de la croyance religieuse.
Les chercheurs estiment également que leurs découvertes accréditent l’idée selon laquelle le cerveau humain a évolué pour devenir sensible à toutes les formes de croyance susceptibles d’améliorer les chances de survie, ce qui pourrait expliquer que la croyance en un Dieu et dans le surnaturel soit si répandue dans l’histoire de l’évolution humaine.
L’étude menée par les scientifiques américains a consisté en l’analyse du cerveau de volontaires, auxquels il a été demandé de penser à des questions et problèmes moraux et religieux. Les chercheurs ont utilisé un appareil d’imagerie par résonance magnétique pour localiser les régions les plus actives du cerveau.
L’étude a ainsi mis en évidence le fait que plusieurs zones du cerveau sont sollicitées par la croyance religieuse, l’une dans les lobes frontaux du cortex -propres aux humains- l’autre dans des régions plus profondes du cerveau, que les humains partagent avec les singes et les primates.
(d’après Belga)

vendredi 13 mars 2009

DANS LE METRO PARISIEN, DES PANNEAUX PUBLICITAIRES QUI DERANGENT.

Dans le métro parisien, des panneaux publicitaires high-tech qui dérangent
LEMONDE.FR 11.03.09 18h27 • Mis à jour le 11.03.09 19h53

Danielle Fournier, conseillère municipale Verte, découvre les panneaux publicitaires LCD contre lesquels elle a pris position.
Quatre écrans publicitaires équipés de capteurs faciaux qui, selon la RATP, "mesurent le nombre de passages devant l'écran et le temps d'exposition au message" ont été installés depuis décembre à la station de métro parisienne Charles-De-Gaulle-Etoile. Ces panneaux "intelligents" sont également équipés d'un émetteur bluetooth pour envoyer des publicités sur les téléphones portables.
Une innovation technologique qui a de quoi inquiéter associations et élus du
Conseil de Paris, qui ont aussitôt demandé à la RATP d'apporter des garanties avant d'étendre le système à l'ensemble du réseau. Danielle Fournier, coprésidente du groupe des Verts au Conseil de Paris, a pris position fermement contre ces écrans, mais ne les avait jamais vu de ses propres yeux avant mardi 10 mars.
L'adjointe à la culture du 18e arrondissement milite pour une "décroissance raisonnée". La publicité l'énerve, et de son point de vue, l'écran qu'elle découvre est avant tout une source de gaspillage. Mais malgré le très bruyant système de refroidissement ("une pollution supplémentaire"), il est difficile de ne pas admirer la technologie déployée. D'une forme qui rappelle un téléphone portable, le panneau est un écran haute définition de 70 pouces (178 centimètres de diagonale), sur lequel alternent publicités statiques et vidéos.
L'objet a tout de même de quoi inquiéter. Pour déterminer où se dirige le regard des passants, les panneaux sont équipés de capteurs qui détectent la présence des visages et analysent leurs positions. Certaines associations craignent ainsi la transmission d'informations privées aux annonceurs. L'envoi, par bluetooth, de publicités sur les téléphones crée également un risque d'intrusion dans l'espace personnel des Parisiens. La RATP a voulu faire cesser la polémique en détaillant les capacités techniques du système, affirmant notamment que le capteur ne peut distinguer que des formes, et est donc incapable d'identifier quelqu'un. La régie ajoute que pour recevoir des publicités sur son portable, il faudra les demander en collant le téléphone au panneau.
Pour Danielle Fournier, le principal risque est le croisement des données avec celles d'autres fichiers, comme celui de la carte Navigo. Si un écran de ce type devient capable de reconnaître le pass utilisé par tous les usagers de la RATP et d'en extraire des données, les annonceurs pourraient connaître l'adresse, l'âge ou les trajets de leurs clients potentiels.
Pour obtenir le retrait de ces panneaux, cinq associations –Résistance à l'agression publicitaire, Souriez vous êtes filmés, Big brother awards, Robin des toits et Le Publiphobe – ont déposé un référé devant le tribunal de grande instance de Paris, pour "violation de la législation sur la vidéosurveillance". La première audience doit se tenir le 1er avril.
Rémy Maucourt

http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/03/11/dans-le-metro-parisien-des-panneaux-publicitaires-high-tech-qui-derangent_1166380_3224.html

jeudi 12 mars 2009

RACHAT DE FORTIS : BNP-PARIBAS PEUT REMERCIER LES CONTRIBUABLES BELGES.

Rachat de Fortis : BNP-Paribas peut remercier les contribuables belges
LE MONDE 10.03.09 14h05 • Mis à jour le 10.03.09 14h05
Seule la chaussure sait si la chaussette a des trous.
Proverbe créole

La troisième fois sera peut-être enfin la bonne. Le gouvernement belge est parvenu à un nouvel accord pour vendre les actifs de Fortis, sa banque-assurance à problèmes, à BNP-Paribas. Les actionnaires de Fortis, qui avaient rejeté la version précédente le 11 février, obtiennent quelques améliorations mineures, et BNP-Paribas parvient à ses fins. Mais cet accord "gagnant-gagnant" est moins miraculeux qu'il n'y paraît : il est pour l'essentiel financé par une contribution accrue du gouvernement belge.
Comme prévu à l'origine, BNP-Paribas va prendre le contrôle de 75 % des activités bancaires de Fortis en Belgique et au Luxembourg. L'acquisition est payée en actions, pour un montant d'environ 2,8 milliards d'euros. En retour, la Belgique, qui avait pris le contrôle de Fortis à l'automne 2008, se retrouvera donc avec environ 11 % du capital de la banque française. C'est bien moins que les niveaux de valorisation retenus en octobre, dans la première mouture de l'accord. Mais beaucoup d'eau a coulé sous les ponts de la finance internationale depuis l'automne : le cours de BNP a chuté de près de 70 %, et Fortis a révélé avoir perdu 6 milliards d'euros au dernier trimestre 2008.
BNP va aussi acquérir 25 % des activités assurance de Fortis. La banque française visait à l'origine 100 %, pour lesquels elle avait proposé 5,5 milliards d'euros en cash. Elle avait indiqué ensuite pouvoir se contenter de 10 %, pour apaiser les actionnaires minoritaires mécontents de Fortis, qui craignaient que leur groupe ne se transforme en coquille vide. La valorisation reste la même au troisième tour, mais BNP n'aura à débourser qu'environ 1 milliard, puisque l'acquisition va se faire à travers Fortis banque - et sera donc financée pour un quart par le gouvernement belge.
Celui-ci a aussi accepté de prendre à sa charge une large partie des risques futurs de l'opération. Environ 11,4 milliards d'actifs toxiques de Fortis seront cantonnés dans une structure dont BNP ne possédera que 12 %, contre 43 % pour l'Etat belge et 45 % pour ce qui restera de Fortis, sous forme de holding. Le contribuable belge prendra aussi à sa charge 1,5 milliard de pertes éventuelles sur un autre portefeuille de crédits structurés qui restera au sein de Fortis banque.
Enfin, la Belgique aidera la BNP à maintenir ses ratios de fonds propres. Elle s'est engagée à injecter jusqu'à 2 milliards de fonds publics dans Fortis banque si son ratio "tier one" (fonds propres) baissait en dessous de 9,2 % dans les trois ans à venir.
Si cette nouvelle version est approuvée par les actionnaires de Fortis, la BNP aura atteint son but de devenir la première banque de dépôts de la zone euro. Elle peut en remercier les contribuables belges. Que ceux-ci soient enthousiastes, ou pas, est une autre question.

mercredi 11 mars 2009

"SANS CA !"

Arnold De Spiegeleer. "Sans ça !"

L’association Droits Devant et le Théâtre du Copion,
en collaboration avec l'ASBL CEPRE et la FGTB Centre
ont le plaisir de vous inviter à la première de :

SANS CA.

Le jeudi 2 avril 2009 à 19h30
au Palace, place Mansart à La Louvière


Avec Alba Izzo, Anne Mycinski, Angelo Pitzus et Pokua
Mise en scène : Etienne Guichard
Musique : Christian Leroy
Costumes et accessoires: Leïla Drabla
Ecriture : à partir d(une centaine de textes écrits dans une dizaine d’associations
Illustration : Arnold De Spiegeleer

Entrée : 1,25 euros
Infos et réservations :
Théâtre du Copion-Avenue Goblet, 112 – 7331 Baudour
Tél/Fax: 00(32)65.64.35.31
theatreducopion@skynet.be www.theatreducopion.be

Avec le soutien de CERA, du Ministère de la Communauté française Wallonie-Bruxelles-Service Théâtre et
de la Région Wallonne



Chers amis,

Nous avons le grand plaisir de vous inviter à la première de notre nouvelle création : « Sans ça », sur les inégalités sociales, le manque, le mal être, l’espoir …
« Sans ça » c’est avant tout un projet, une idée : donner la parole à ceux qui sont « sans », en faire un spectacle mais aussi un livre, diffuser cette parole largement et en débattre.
Nous avons été à la rencontre de tous ces « sans » : sans toit, sans toi, sans argent, sans patrie, sans papier, sans abri, sans domicile fixe, sans emploi, sans amour, sans foi, sans loi, sans pain, SANS…
Une centaine de textes a été récoltée lors d’ateliers d’écriture avec des sans abri, des femmes victimes de violence, des travailleurs sans emploi, des sans papiers, des personnes séjournant en hôpital psychiatrique, des personnes qui touchent le revenu d’intégration,...
Une partie de ces textes a été utilisée pour réaliser ce spectacle mis en scène par Etienne Guichard, du Théâtre du Sable.
Tous les textes sont publiés aux éditions « TREMA », du Théâtre du Copion.
ASBL Théâtre du CopionAvenue Goblet, 1127331 Baudour065/64.35.31
www.theatreducopion.be

mardi 10 mars 2009

16-25 ANS. GENERATION QUI A PERDU LA FOI DANS L'AVENIR.


Enquête
Les 16-25 ans, génération qui a perdu foi en l'avenir.
LE MONDE 09.03.09 13h53 • Mis à jour le 10.03.09 08h23

Chômage, pauvreté, perte de confiance en l'avenir : la situation des 16-25 ans interpelle. Le haut-commissaire à la jeunesse, Martin Hirsch, lance lundi 9 mars la concertation qui doit aboutir à une nouvelle politique de la jeunesse, favorisant l'autonomie : insertion professionnelle, logement, santé, participation à la vie sociale seront les thèmes abordés.
"Il est urgent d'agir", prévient l'un des participants, le sociologue de la jeunesse Olivier Galland, dont les travaux nourrissent largement le diagnostic gouvernemental. Directeur de recherches au CNRS et président du comité scientifique de l'Observatoire de la vie étudiante, ce dernier met en évidence, dans un livre à paraître en avril, Les jeunes Français ont-ils raison d'avoir peur ? (Armand Colin), la cause majeure du malaise : le modèle d'"élitisme républicain" sur lequel se fonde le système éducatif est "en crise" profonde.
"Toutes les enquêtes montrent que la jeunesse française va mal, dit-il. Les jeunes Français sont les plus pessimistes de tous les Européens. Ils n'ont confiance ni dans les autres, ni dans la société. Ils apparaissent repliés sur leur classe d'âge et fatalistes. Pour une société, surtout en période de crise, c'est un handicap énorme."
Certes, reconnaît le sociologue, l'école n'est pas seule en cause. Le marché de l'emploi fait peu de place aux jeunes, et leurs problèmes sont par ailleurs mal pris en compte dans les politiques publiques.
Mais surtout, regrette M. Galland, les causes du malaise liées à la manière dont la nation forme ses jeunes sont trop négligées. Le modèle méritocratique de l'école de la République était efficace quand nombre d'élèves n'avaient pas accès à l'enseignement secondaire. "Il ne fonctionne plus dans une école de masse qui doit gérer des talents et des aspirations scolaires de plus en plus diverses, constate-t-il. Ainsi, "l'obsession du classement scolaire, qui est à la base de l'élitisme républicain, la vision dichotomique de la réussite qui sépare les vainqueurs et les vaincus de la sélection scolaire, mais également la faillite de l'orientation, aboutissent à un système qui élimine plutôt que de promouvoir le plus grand nombre", explique le chercheur.
Les vaincus, parfois écartés sans ménagement, sont découragés et atteints dans leur estime de soi. Une étude du ministère de l'éducation nationale, reprise dans l'ouvrage, montre que le découragement s'amplifie au fur et à mesure que les élèves avancent dans leur scolarité. Fondée sur le suivi d'une cohorte de 8 000 jeunes pendant leurs années de collège, elle révèle une chute de la motivation scolaire, une montée du stress et un accroissement des attitudes de fatalisme. "Beaucoup, rappelle M. Galland, adoptent des attitudes de repli ou d'abandon ("je cesse d'écouter", "je ne fais pas l'exercice")". Les formes radicales d'abandon sont préoccupantes : les "décrocheurs", sortant du secondaire sans diplôme, sont estimés à 120 000 tous les ans.
C'est un des points que Martin Hirsch entend traiter. Des propositions sont attendues pour prendre en charge les jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire, aujourd'hui trop peu suivis et souvent "perdus" par les institutions.
Olivier Galland souligne le manque de courage de responsables politiques "qui ont peur de la jeunesse". En témoignent les multiples reculades du pouvoir, de 1986, lors du mouvement contre la réforme Devaquet instaurant la sélection à l'entrée de l'université, à 2006, lors de la contestation du contrat première embauche. Cette peur provoque selon lui un "jeu pervers" : "Les responsables politiques font leurs réformes à la sauvette, sans tout dire de leurs intentions ni convaincre de la nécessité d'agir, ce qui provoque défiance et échec. La dernière réforme du lycée en est un bon exemple", assure le chercheur.
Les enseignants - et "le conservatisme des syndicats" - ont leur part de responsabilité, mais le sociologue se défend de les stigmatiser. Car "c'est un modèle que tout le monde partage dans la société". Les jeunes eux-mêmes défendent paradoxalement cette "égalité formelle", bien qu'ils en soient les premières victimes.
Le chercheur estime qu'il faut établir un nouveau pacte républicain entre l'école et la nation. Le haut-commissariat n'a pas la main sur les contenus et l'organisation de l'enseignement. "C'est un risque d'échec, reconnaît M. Galland. Si M. Hirsch conçoit sa mission comme l'instauration d'une politique transversale de la jeunesse, c'est intéressant, à condition qu'il ait les moyens de la mettre en oeuvre."
L'un des sujets les plus sensibles est la réorganisation annoncée du système d'information et d'orientation des élèves, réforme que plusieurs gouvernements ont tentée en vain. "C'est un enjeu absolument central, poursuit le chercheur. Dans un système éducatif aussi complexe que le nôtre, l'information est une ressource fondamentale. Les inégalités entre les jeunes sont ici énormes, et elles s'accroissent."
Benoît Floc'h.

lundi 9 mars 2009

PHILOSOPHIE DE LA VIEILLESSE.

Philosophie de la vieillesse
Réflexions sur le temps qui passe

Le temps aux plus belles choses
Se plait à faire un affront
Il saura faner vos roses
Comme il a ridé mon front
.
disait le vieux Corneille à quelque jeune fille…
Et certes, l’idée la plus spontanée que tout un chacun se fait du temps, est celle d’une puissance universelle, qui sur toutes choses agit : cela s’appelle, en « patois » philosophique, l’efficacité du temps, terme qui indique que le passage du temps sur un être n’est jamais sans effets. Et certes, le temps altère (rend autre), aliène, corrompt, déforme, abîme, use, transforme tout ce sur quoi il passe : toute puissance du temps ! Toute puissance qui se marque certes plus vite sur ce visage-ci que sur ce visage-là, mais se marque cependant sur eux-deux ; toute puissance qui se marque certes plus vite sur la rose que sur l’étoile, mais se marque cependant sur elles-deux. Toute puissance dont témoigne également, et au combien, son irréductible irréversibilité. Même un dieu ne peut pas faire que ce qui a eu lieu n’ait pas eu lieu, disaient les Grecs.
Relativité du temps
Il faut pourtant rappeler avec Bergson que ce temps tout puissant, parfaitement régulier, uniforme, irréversible, homogène, n’est pas le temps tel que les hommes le vivent, et dont ils ont expérience. La distinction bergsonienne du temps mathématique (ou temps des horloges) et du temps psychologique (ou durée) est inoubliable, et explique assez bien pourquoi certaines de nos heures passent vite, et d’autres pas ; pourquoi le temps passe plus vite pour le soignant pressé que pour la personne âgée qui l’attend.
Car si le temps des horloges est homogène, régulier, absolu et uniforme, la durée est en revanche hétérogène, irrégulière, relative
[1] et polymorphe.

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne

disait Apollinaire, et ce n’est pas pour rien que l’imaginaire populaire a élu ces vers comme les siens : le passage de l’eau sous le pont est une bonne métaphore du temps. Il faut cependant très vite ajouter que si le temps coule comme la Seine, c’est justement en ceci qu’il ne passe pas comme un fluide régulier : Michel Serres l’a dit dans une belle méditation sur le temps[2], où remarquant que « toute l’eau qui passe au pont Mirabeau n’aboutira point forcément à la Manche, parce que maints petits filets retournent vers Charenton ou vers l’amont », il déduit que le temps ne coule pas mais percole. Le percolateur, comme tout filtre, impose au liquide son hétérogénéité, l’hétérogénéité de ses pores, ce qui signifie que le liquide passe et ne passe pas, coule ici et ne coule pas là : et il en va de même pour le temps.
Le temps passe vite, et la trotteuse semble galoper pour qui se sait en retard ; le temps ne passe plus, et la trotteuse semble aller au pas pour qui attend le train qui ne vient pas… Et de même qui écoute le mouvement lent du Quintette à deux violoncelles de Schubert a l’impression que le temps ne passe plus ; et qui écoute telle ouverture de Rossini, qu’il galope.
Et certes le temps ne passe pas de la même manière pour qui travaille et pour qui ne travaille plus, pour qui attend et pour qui n’attend pas. Or il est certain que l’attente est l’une des données essentielles de la vie de nos personnes âgées. Pas de toutes, certes ! Et il faut dire avec force que nombre de personnes âgées vivent longtemps une vie pleine d’ardeur, de passion ; que vieillir, ce n’est pas que perdre, c’est aussi gagner, par exemple une sagesse, une disponibilité à l’essentiel, une sérénité, un art de vivre que le temps du travail comme temps de l’affairement permettait si peu de pratiquer… Mais ce que vieillir fait gagner est-il assez considéré par notre société ? Les valeurs d’aujourd’hui sont connues : beauté, rapidité, efficacité, utilité, santé
[3]… On sait même des vieillards qui en fin de vie semblent nous crier : « Sacrifiez-moi sur l’autel des valeurs contemporaines ! Je ne sers plus à rien, coûte cher à la sécurité sociale, ne supporte plus ce corps que le temps m’a donné… » Mais combien souvent, sous la demande de mort, se cache en fait une demande d’amour… Et puis il faut rappeler avec force que la perte de certaines facultés[4] n’est pas une perte de dignité, pas plus que la perte de certaines maîtrises[5] n’est une perte d’humanité.
Notre société ne l’a-t-elle cependant pas un peu oublié ? Parce qu’elle a cette fâcheuse tendance à faire de l’activité productive le critère presque unique de la réussite d’une vie, elle est spontanément plus attentive aux pertes qu’aux gains que le vieillissement entraîne.
Le loisir et l’attente
Aussi considère-t-elle ce temps de loisir qu’ouvre la « retraite » comme un succédané : celui qui s’adonne au loisir est pour nous celui qui ne travaille pas ! Et Dieu qu’à cet égard nous sommes loin des Anciens… Pour les Grecs et pour les Romains, travailler était toujours le signe d’une sorte de déchéance, et pérégrins, métèques et esclaves étaient exclus de la citoyenneté du fait même qu’ils travaillaient. Non pas du tout que les citoyens du Monde Antique se fussent enfermés dans la stérile oisiveté de l’ennui ! Ils n’étaient certes pas inactifs ; mais leurs activités étaient considérées comme de nature plus haute que le travail productif, au nombre desquelles on trouvait : le soin de la cité, de la famille, des dieux, la pratique des arts, des sciences et de la philosophie, et encore celle de l’amour. Un mot résumait cela dans chacune des deux langues : skhole en grec, et otium en latin. Termes que l’usage a longtemps traduits par loisir, mais dans lesquels les spécialistes d’aujourd’hui voient plutôt la disponibilité à l’essentiel. Et certes, les loisirs qu’on pratique dans les parcs du même nom relèvent plus de l’art de se détourner
[6] de l’essentiel plutôt que de s’y consacrer, et n’ont que peu de choses à voir avec l’otium antique. Ce dernier était d’ailleurs valeur positive, et de ceux qui n’avaient pas la chance de s’y adonner, les Latins disaient qu’ils étaient des hommes du nec-otium : le négoce (le travail, en général), c’est l’activité de ceux qui ne sont pas disponibles à l’essentiel, de ceux qui ne pratiquent pas le loisir… Pour nous en revanche, le travail est valeur positive, et ceux qui pratiquent un loisir sont ceux qui ne travaillent pas.
Il devient donc urgent de voir dans le temps de la retraite, autre chose qu’un temps vain vainement occupé, mais au contraire le temps où, libéré de l’affairement, l’homme consacre son industrie à ce qui vaut vraiment.
Mais on ne change pas un regard par décret… Et le primat de l’activité productive est tel, qu’il façonne les consciences les plus libres, de sorte que trop nombreux sont encore les personnes âgées qui considèrent la « perte » du travail comme une perte de valeur, la retraite comme un exil, le fait « d’avoir du temps » comme un luxe dont on se passerait bien.
Pouvoir aimer le temps où on a du temps semble alors le fait des plus privilégiés de nos aînés, de ceux que leur richesse personnelle, affective, morale et spirituelle prémunit souverainement des affres de l’attente comme de celles de l’ennui.
Mais trop nombreuses sont les personnes âgées dont le temps est temps de l’attente plutôt que du loisir : attendre le passage du facteur, attendre la visite de la petite fille, ou celle du Docteur, attendre dans la salle d’attente du médecin, attendre le retour de la douleur lancinante, attendre la mort. Le temps des personnes âgées apparaît alors comme une temps suspendu, qui a bien des égards est en décalage avec le temps bousculé de la modernité. Or il est certes possible de jouir de cet temps suspendu, quand on en jouit avec quelqu’un : ce temps suspendu n’est-il pas la condition de ce que Proust appelait le temps retrouvé ? Mais trop souvent seules, les personnes âgées ressentent généralement leur suspension comme une attente, et leur attente comme une souffrance, précisément parce qu’il y a dans l’attente une dimension de passivité, d’ignorance
[7] et d’impuissance[8].
Ce qui caractérise l’attente, c’est ordinairement cette tension vers l’avenir attendu, qui s’accompagne souvent, soit d’une indifférence, soit d’un mépris agacé pour le présent. Comme le dit Nicolas Grimaldi, « l’attente est manière de s’expatrier du présent en le disqualifiant : parce que le propre de l’attente est d’être uniquement attentive à ce qu’elle cherche et jamais à ce qu’elle trouve, parce que le présent est par définition vide de ce qu’on attend, l’attente le considère généralement comme aussi peu que rien. »
[9] Aussi celui qui attend se montre-t-il généralement terriblement injuste à l’endroit du présent ! Parce qu’il sait que ce qu’il cherche ne s’y trouve pas, le présent le plus riche lui apparaît comme la pauvreté même, et le temps qui le sépare de l’arrivée de ce qu’il attend n’a pour lui que la morne et agaçante consistance d’un délai.[10]
« Quoi de neuf aujourd’hui grand-mère ? –Rien… »
Il nous semble donc que ce qui rend le temps de la vieillesse si souvent douloureux, c’est la solitude dans laquelle il est vécu. Que donc d’abord notre société s’oblige à ne pas abandonner ses vieillards ! Que d’abord elle mette en place des moyens à la hauteur de ce vertigineux allongement de la vie que sa technique a permis
[11], et disparaîtraient du même coup nombre des problèmes que pose cette discordance des temps, qui oppose temps des jeunes et temps des vieux. Mais répétons-le, on ne change ni un regard, ni une mentalité par décret. Que faire, dès lors, en attendant ? Que faire, pour vivre pleinement l’automne de nos vies ? Qu’on n’attende pas de la philosophie un remède souverain ! Mais un rappel de ce qu’elle disait de la belle vertu de patience n’est-il pas élégante manière de terminer notre propos sur le temps de la personne âgée ?
Eloge de la patience
La patience n’est pas maîtrise, mais accueil du temps. Elle ne consiste pas à répondre à la puissance du temps par la puissance de la volonté, mais par une volonté de non-puissance. Elle est manière paradoxale d’attendre, manière de prendre plaisir à l’attente. N’est-ce pas en apprenant la patience que le jeune homme devient un bon amant ? Etre patient, c’est savoir attendre, c’est se laisser envahir par le temps de l’autre, c’est donner du temps au temps de l’autre. Et voilà pourquoi elle fut si souvent dite vertu féminine ! Pénélope à sa manière, la femme enceinte à la sienne savent que patience et longueur du temps font plus que force et que rage… Accueil aimant du présent, vertu qui donne au temps sa chance : voilà ce qu’est la patience. Et si l’attente impatiente nous met à distance de nous-même et fait de tout délai une souffrance, la patience attentive nous réconcilie avec nous-même et fait du délai une source de plaisir, et d’approfondissement. Et même le temps passé dans l’attente de la mort peut-être dès lors un temps pleinement vécu !
Mais parce que nous ne saurions exiger de nos personnes âgées qu’elle soient patientes, j’aimerais terminer en invitant notre société affairée à montrer un peu plus d’attention, un peu plus de respect, bref, un peu plus de patience à l’égard du temps de ses aînés.
Oui, nos personnes âgées ont droit à notre patience…
Eric Fiat
(écrire à cet auteur)CommentaireRetour au menu Textes & Articles
[1] Relative à chacun d’entre nous comme à nos états d’âmes.
[2]Cf. Michel Serres, Eclaircissements, Paris, François Bourin, 1992, p. 90.
[3] Laquelle dans notre monde moderne semble avoir pris la place du salut, en raison d’une confusion entre le sain et le saint ; cette confusion, si courante dans le monde antique, est justement ce à quoi le Christ voulut s’opposer, murmurant au malade, au pauvre, au disgracié, qu’il y a des valeurs plus hautes que la santé, la richesse, la beauté.
[4] Car chez l’homme, les facultés importent moins que l’usage qu’on en fait : nous connaissons tous de ces hommes au sommet de leurs moyens, jouissant de toutes leurs facultés, et qui pourtant ne sont certes pas de bons hommes ! Suffisants, arrogants, méprisants…
[5] Particulièrement celle des sphincters…
[6] On reconnaîtra ici le sens pascalien du mot divertissement.
[7] Je ne sais pas combien de temps j’attendrai.
[8] Je n’ai pas la pouvoir de faire que ce que j’attends vienne enfin.
[9] Nicolas Grimaldi, Traité des solitudes, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2003, p. 76.
[10] Nicolas Grimaldi le rappelle avec éloquence, remarquant qu’une maison peut être remplie de livres rares, de tableaux merveilleux, de bouteilles à l’étiquette prometteuse, de meubles de prix, eh bien lorsque ayant tout fouillé les policiers n’ont pas trouvé le document où la pièce espérée, ils déclarent sans sourciller au commissaire qui les attend : « il n’y a rien ».
[11] Mais sans bien savoir qu’en faire…

UNE HEMORRAGIE BOURSIERE SANS FIN.

Une hémorragie boursière sans fin
LE MONDE 07.03.09 17h01 • Mis à jour le 07.03.09 17h01

Les actionnaires d'Eurotunnel sont heureux. Vingt ans après l'inauguration du tunnel sous la Manche, ce qui était un gouffre financier est devenu une petite société rentable. Même dans la crise. Pour la première fois de l'histoire d'Eurotunnel, les centaines de milliers de petits porteurs se sont vu offrir, mercredi 4 mars, un dividende de 4 centimes d'euros.
Les actionnaires d'Eurotunnel font figure de cas isolé. Car à part eux, aucun épargnant dans le monde n'a de raison de se réjouir. Depuis l'été 2008, les marchés plongent. Et en mars, la tendance ne s'inverse toujours pas. Entre le lundi 2 et le vendredi 6 mars, l'indice Dow Jones de la Bourse de New York a ainsi cédé encore 6,17 %. Maintenant sous les 7 000 points, il a retrouvé ses niveaux de 1997.
En Asie, après une baisse de 5,22 %, le Nikkei de la Bourse de Tokyo s'est approché, lui, de ses plus bas niveaux depuis vingt-six ans, tandis qu'en Europe, Paris, Londres et Francfort ont enregistré des baisses de 6,22 %, 7,82 % et 4,61 %.
Pas de quoi se réjouir donc. Mais les Bourses ne font que refléter une situation économique désastreuse. En zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) estime que le recul du produit intérieur brut (PIB) atteindra 2,7 %. Les économistes de Merrill Lynch prédisent même un recul de 3,1 %.
Aux Etats-Unis, la situation est encore pire. Là-bas, on parle de moins en moins de récession et de plus en plus de dépression. De fait, selon Goldman Sachs, la contraction du PIB sera de 7 % au premier trimestre et le chômage continue de progresser. Il frappe désormais 8,1 % de la population, du jamais-vu depuis décembre 1983.
Le noeud des problèmes vient de la finance et reste dans ce secteur où, en dépit de plans de soutiens massifs, les choses ne font qu'empirer. L'assureur américain AIG a ainsi annoncé des pertes inouïes de 100 milliards de dollars en 2008 (78,9 milliards d'euros), obligeant un nouveau renflouement du Trésor de 30 milliards de dollars.
Mais s'il est le plus spectaculaire, le cas d'AIG n'est pas une exception. L'assureur britannique Aviva a aussi annoncé des résultats désastreux (885 millions de livres, soit 992 millions d'euros) faisant plonger tout le secteur, y compris Axa.
Du côté des banques, ça ne va guère mieux. Pour le marché, la situation est si compromise que les nationalisations semblent inévitables. Cela devient même une évidence pour l'ex-numéro un mondial, Citigroup. Traduction : la banque sera sans doute sauvée, mais ses actions seront rachetées par l'Etat pour un montant dérisoire. En Bourse, la sanction a été radicale et l'action Citigroup s'échange au prix d'un pain au chocolat, autour de 1 dollar. Une humiliation pour le géant bancaire dont la capitalisation était, avant la crise, parmi les plus importantes au monde.
"Les choses empirent parce qu'il y a un manque de financement pour les banques dans le monde et certains marchés, particulièrement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni", a expliqué Michael Geoghegan, le patron de HSBC, en annonçant, lundi, une chute des bénéfices de la banque de 70 % en 2008, ainsi qu'une augmentation de capital géante de 14 milliards d'euros. " Nous n'avons pas touché le fond", a-t-il ajouté.
Le problème est que tant que le secteur financier ne sera pas assaini, l'économie ne pourra pas redémarrer. Si le crédit reste grippé, les entreprises peinent, les investissements freinent et la consommation ralentit. Le secteur automobile est parmi les plus affectés. Et, là encore, c'est un géant américain, General Motors, qui inquiète le plus. Le groupe serait prêt à se placer sous la loi de protection des faillites, évoquant "un doute substantiel sur sa capacité à survivre", dans son rapport annuel remis jeudi aux autorités boursières.
Au-delà de la finance ou de l'automobile, ce sont tous les secteurs de l'économie qui sont affectés. Va-t-on s'en sortir ? Sans doute. Mais quand ? Le marché attend un signal clair pour rebondir. Pour Gilles Moëc, économiste chez Merrill Lynch, ce déclic pourrait surgir d'ici quelques mois, le temps que les actions des banques centrales et des plans de relance des gouvernements commencent à faire sentir leurs effets. "Il faut prendre la mesure des délais", explique-t-il. Reste que l'absence de mesures supplémentaires en Chine désespère les marchés.
Pour l'économiste Steen Jakobsen, en revanche, il ne faut rien attendre de ces plans. "L'Etat résout un problème de dette en rajoutant de la dette. Il faut revoir les manuels d'économie !", estime-t-il. Selon lui, le seul salut peut venir du G20 du 2 avril, avec des mesures fortes et coordonnées des différents Etats. Si l'exercice est réussi, l'indice américain S & P 500 pourrait reprendre 25 %, sinon " ce sera la panique", prédit-il.
Claire Gatinois

http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/03/07/une-hemorragie-boursiere-sans-fin_1164899_1101386.html#xtor=AL-32280184

dimanche 8 mars 2009

L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE AU BANC D'ESSAI DU JEU DE GO.

L'intelligence artificielle au banc d'essai du jeu de go.
LE MONDE 06.03.09 15h29 • Mis à jour le 06.03.09 15h29
"Le monde, dit un proverbe chinois, est un jeu de go dont les règles ont été inutilement compliquées." Né dans l'empire du Milieu il y a quelque 4 000 ans, ce jeu est faussement simple : pierre après pierre, posées sur les intersections d'un plateau quadrillé de 19 lignes par 19 colonnes, il consiste à créer des archipels, à les connecter et à les protéger des visées coloniales de l'adversaire.
Le jeu d'échecs, avec ses pièces aux mouvements multiples et variés, peut sembler plus complexe. Il n'en est rien - du moins du point de vue des machines : depuis que Garry Kasparov a dû s'incliner sur l'échiquier devant le programme Deeper Blue, en 1998, le go est, dans l'univers des jeux, l'ultime refuge de l'intelligence humaine, face à la puissance du silicium. Car dans le go, il n'y a pas d'ouvertures codifiées, la valeur d'une pièce donnée n'est pas fixée à l'avance. Et le nombre de combinaisons possibles (10171) dépasse de beaucoup le nombre d'atomes dans l'Univers - et donc les capacités de calcul des ordinateurs.
Mais ces dernières années, ceux-ci ont tout de même progressé à pas de géant. Alors qu'il leur fallait une trentaine de coups de handicap pour rivaliser avec des humains médiocres il y a encore dix ans, il leur suffit désormais de sept pierres d'avance pour battre des grands maîtres : "Lors de l'Open de Taïwan, à la mi-février, notre programme MoGo l'a emporté dans ces conditions face au joueur professionnel taïwanais Zhou Junxun, classé au neuvième dan, le grade le plus élevé de la discipline", se félicite Olivier Teytaud, de l'Institut national de recherche en informatique et automatisme à Saclay (Essonne).
"Cette progression a surpris tout le monde", indique Tristan Cazenave (université Paris-Dauphine), un des pionniers de la programmation du jeu de go en France. La révolution est née de l'importation de techniques de physique statistique dans ce domaine de programmation. Ce système s'appelle le Monte Carlo adaptatif. Il consiste, à partir d'une position donnée, à faire jouer à l'ordinateur le maximum de parties aléatoires, et, dans l'arbre des possibles ainsi engendré, à choisir la solution qui est en moyenne le plus souvent gagnante.
Ce principe, proposé par le physicien en 1993, s'est révélé très fécond, après de multiples raffinements, toujours en cours. Une rivalité sportive oppose notamment MoGo à Crazy Stone, un programme développé par Rémi Coulom, maître de conférence à l'université Lille-III. "Nous publions nos méthodes après les compétitions, où on les met à l'épreuve, raconte-t-il. Mais dans l'ensemble, nos programmes ont tendance à converger."
Ils conservent des points aveugles, par rapport à des positions où l'ordinateur peut croire que ses pierres sont vivantes, alors qu'elles sont mortes (Semeai). Si bien qu'un humain averti peut facilement profiter de ce talon d'Achille. Résoudre le Semeai sera la prochaine étape. Mais aussi appliquer cette forme d'intelligence artificielle à la résolution de processus industriels - assemblage des milliers de pièces d'avion, gestion d'un réseau électrique ou de flottes de bus... Les perspectives sont prometteuses : "Jusqu'ici, les algorithmes Monte Carlo ont toujours conduit à de bonnes surprises", note Tristan Cazenave.
Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 07.03.09.

jeudi 5 mars 2009

MARX, PENSEUR DE LA GUADELOUPE.


Karl Marx, penseur de la Guadeloupe.
Par Guillaume Pigeard de Gurbert, professeur de philosophie à Fort-de-France •

Le capitalisme est né aux Antilles et aux Amériques au XVIe siècle.

En 1846 (soit deux ans avant l’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises), Marx pose l’équation entre l’esclavage, la colonisation et le capitalisme : «Sans esclavage, vous n’avez pas de coton ; sans coton vous n’avez pas d’industrie moderne.
C’est l’esclavage qui a donné de la valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce du monde, c’est le commerce du monde qui est la condition nécessaire de la grande industrie machinelle. Aussi, avant la traite des nègres, les colonies ne donnaient à l’ancien monde que très peu de produits et ne changeaient visiblement pas la face du monde. Ainsi l’esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance.»

Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que nous soyons, ici, aujourd’hui, aux avant-postes du surdéveloppement du capitalisme. Il se pourrait bien que la révolte sociale qui secoue les Antilles françaises, ces pays pauvres qui survivent à l’ultrapériphérie de la riche Europe, manifeste les premiers tremblements d’un séisme mondial.
Par une politique coloniale puis postcoloniale, le capitalisme s’est répandu plus rapidement et plus efficacement ici qu’en métropole, subordonnant ces territoires à leur centre producteur des marchandises et les réduisant à l’état de simples marchés pour écouler ces dernières. Véritables colonies modernes d’hyperconsommation, omnidépendantes de leur centre de tutelle, ces pays se retrouvent logiquement avec un taux de chômage colossal et, pire encore, livrés à des sous-existences privées de sens.

La destruction concertée du tissu productif local a placé les existences sous un régime de possibles aliénés.
Ajoutez à ce désastre le principe d’irresponsabilité politique, vous avez ces pays exsangues, encayés dans «des jours étrangers» (Cesaire), administrés à l’aveugle et de loin, qui font entendre leur révolte. De la colonisation à la globalisation, ces régions ultrapériphériques ont toujours été assujetties à une économie parallèle qui leur interdit «de croître selon le suc de cette terre» (Césaire, encore). C’est cette «pwofitasyon», cette injustice, qui désigne d’abord en créole un abus de pouvoir, qui n’est plus supportable. C’est contre elle que les peuples de Guadeloupe et de Martinique font lien et front.
C’est indissociablement la violence économique qui est combattue, qui est une force cyclopéenne qui n’a que l’œil du profit privé et à laquelle manque l’œil de l’humain. Cette monstrueuse cécité est une infirmité de naissance du capitalisme, comme le rappelle encore Marx : «La découverte des contrées aurifères et argentifères de l’Amérique, la réduction des indigènes en esclavage, leur enfouissement dans les mines ou leur extermination, les commencements de conquête et de pillage aux Indes orientales, la transformation de l’Afrique en une sorte de garenne commerciale pour la chasse aux peaux noires, voilà les procédés idylliques qui signalent l’ère capitaliste à son aurore.» L’actuel tiers-monde n’est lui-même pas une entorse extérieure au système capitaliste mais son pur produit, né de «la colonisation de contrées étrangères qui se transforment en greniers de matières premières pour la mère-patrie.»
C’est donc ici que l’aube post-capitaliste se lève, dans la haute nécessité de repenser les conditions d’existence sociales et politiques. Le travail productif comme paradigme de toute activité socialisante s’applique à une part de plus en plus petite d’individus et rejette une masse grandissante de potentialités d’actions non plus seulement dans le non-être intérimaire du chômage mais dans le néant a priori du rebut. Les Indiens caraïbes d’avant la colonisation ne connaissaient que les activités mobiles, créatrices, en un mot ouvertes.

Au point que «les Américains n’auraient importé tant de Noirs que parce qu’ils ne pouvaient pas utiliser les Indiens, qui se laissaient plutôt mourir.» (Deleuze-Guattari). Les colons ne cessent pas pour autant de se plaindre des Noirs : «Ils ne savent pas ce qu’est le travail» (idem). Il faut dire que les Noirs se suicidaient en mangeant de la terre, de la chaux et de la cendre, espérant ainsi retourner chez eux post mortem et échapper ainsi à l’enfer de l’esclavage. Le père Labat, ce Bouvard-et-Pécuchet esclavagiste aux Antilles, appelle cela pudiquement la «mélancolie noire». Aussi bien faut-il inverser le diagnostic actuel qui sanctifie la valeur-travail, et, à partir des sociétés caraïbes, actives sans être laborieuses, concevoir positivement nos nouvelles sociétés.
L’avenir sera-t-il caraïbe ?

Délire ? Jacques Delors (cité par André Gorz) écrivait en 1988 dans La France par l’Europe : «Un homme salarié de vingt ans avait, en 1946, la perspective de passer au travail en moyenne un tiers de sa vie éveillée ; en 1975, un quart ; et aujourd’hui, moins d’un cinquième. Ces fractures récentes mais profondes devraient se prolonger et induire d’autres logiques de production et d’échange.»

Vingt ans après et avec la révolution informatique, c’est encore plus vrai. La crise économique mondiale en cours n’est pas une menace pour le système capitaliste lui-même mais un processus de rationalisation globale en même temps qu’une opportunité d’en accélérer le mouvement. Les faillites en cascade permettent une plus grande concentration des capitaux en même temps qu’un meilleur rendement du capital par une diminution considérable et rapide de la masse salariale. Le point de vue violemment unilatéral du capital sur le système évacue le problème d’une nouvelle socialisation indépendante de la valeur-travail et abandonne les peuples à la misère et à cette colère qui a déjà grondé dans les banlieues de l’hexagone qui sont comme ses colonies de l’intérieur.
En ce début de XXIe siècle, il est grand temps de signer ici, ansanm ansanm ("ensemble, ensemble!"), l’acte de décès de ce système mondial de pwofitasyion né ici.
http://philosophie.blogs.liberation.fr/noudelmann/2009/02/les-carabes-ou.html

mardi 3 mars 2009

S'EXPRIMER LIBREMENT ?


Chronique d'abonnés. Le Monde.
S'exprimer librement ? Comprenez-moi, j'hésite...par Etis 1. 01.03.09.

Quand j'écris, en fait, je n'écris plus, j'hésite...Ainsi, je voulais faire de la liberté d'expression le sujet de cette chronique. Beau sujet, certes, mais risqué. Alors j’hésite…
Pour intéresser le lecteur, il m’aurait fallu prendre des exemples précis dans notre actualité, mais ce sont autant de sujets de polémique. Alors j’hésite… Je peux quand même citer Siné. Ouf ! Il vient juste d'être relaxé et je suis content pour lui. Mais, voyez-vous, s'il faut passer pour s’exprimer librement par où Siné est passé, la case relaxe après la case poursuite, alors, j'hésite…
Si à chaque fois que j’écris ma vérité, je dois me poser la question de savoir si ma phrase est assez bien tournée pour qu’un lecteur, à l'esprit qui ne le serait pas, ne puisse lui faire dire autre chose que ce qu'elle dit et parfois même exactement son contraire, alors, j’hésite… Bien sûr, cette interrogation sur ma manière d’écrire serait utile si elle répondait à une exigence de rigueur littéraire ou philosophique, mais, hélas, elle n’est plus chez moi qu’angoisse procédurière. Comme j’ai l’impression que chaque lecteur va me faire lire par son avocat dans l’espoir du procès qu’il pourra m’intenter, je suis tenté d'écrire avec le code pénal sur les genoux. C’est lourd et compliqué! Je ne peux me résigner à écrire sous contrôle judiciaire. Alors j’hésite…
Autrefois l’écrivain ne craignait qu’un lecteur, le Prince, bon ou méchant. Maintenant, dans notre chère démocratie, c'est l'opinion publique qu’il doit craindre, cette foule de lecteurs anonymes et lecteurs par ouï-dire. Internet et le développement médiatique ont multiplié et élargi considérablement les possibilités d'être mal lu, mal compris. On choisit de moins en moins son lecteur. La toute-puissance de ce lecteur anonyme est devenue exorbitante, sa malfaisance aussi. Je dois faire avec sa bêtise, son inculture, son intolérance, sa mauvaise foi, sa susceptibilité, son émotivité, sa jalousie, son opportunisme financier ou politique (l’opportuniste exploite d’ailleurs à merveille l’intolérant et le bête). Mission impossible !
Si ma vérité déplait, un mot, une virgule, un trait d’humour, une pointe d’ironie, trois points de suspension suffiront pour que se montent des accusations, reprises partout, qui vont plomber mon texte, ma carrière, peut-être ma vie. Je sais même par avance qu’on me cherchera «raciste» si j’ose critiquer telle politique ou «pédophile» si je me permets d'apprécier la manière de tel écrivain. Et comme je sais aussi qu’avec un seul de ces deux termes, aujourd'hui, on peut discréditer, à peu de frais, et presque à coup sûr, n'importe qui, alors, comprenez-moi, j’hésite…
Tenez, aujourd’hui, écrivant tout ceci, je sens que je suis déjà forcément le coupable et que toi, pauvre lecteur, tu es forcément ma victime. Aussi, c’est décidé, prudent, la prochaine fois, je n’hésite pas, je change de camp, je n’écris plus, je lis.