Failles islandaises.
La crise financière : 17 oct15h55 . LIBERATION :«La couronne islandaise ne vaut plus rien, mais on en vu d'autres.
Leila Minano et Ariane Puccini.
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«C’est un véritable big bang». Thornur Offsulsson, président de Nordic Exchange, la bourse islandaise, n’en revient toujours pas. En quelques jours, l'une des économies les plus florissantes du monde a été complètement «ravagée».
«Le système financier ne sera plus jamais le même», souffle-t-il. Deux semaines d’une descente aux enfers qui s’est soldée par la prise de contrôle par l’Etat des trois plus grandes banques du pays et une plongée vertigineuse de la bourse à moins 76%. Au point que le pays pourrait contracter un prêt auprès du FMI pour sortir de la crise.
«La décision devrait être prise la semaine prochaine», précise le Premier ministre, Geir Haarde. La Russie pourrait également voler au secours des Islandais avec un prêt de 4 milliards d’euros, actuellement en discussion à Moscou. En attendant, la crise crée un véritable choc dans les rangs des financiers, mais aussi pour les 300 000 habitants de cette île, considérée comme l’une des plus prospères du monde.
Au 5e étage d’un immeuble discret, dans les petits bureaux de la Nordic Exchange, règne un silence surprenant. Pas de traders déchaînés, de spéculateurs au bord des larmes. Derrière leurs ordinateurs, les 23 employés enregistrent sagement les informations. «Nous avons beaucoup plus de travail, mais nous travaillons dans le calme, comme d’habitude», dit l’un d’eux.
Dans les rues de Reykjavik, la capitale, rien ne semble avoir changé. Pas d’émeutes de la faim ou de bagarre pour des bouteilles d’huile dans les supermarchés, comme l’écrivait un journaliste grec la semaine dernière. Pourtant, la crise est partout. Dans toutes les têtes, toutes les conversations. La majorité des Islandais a conscience que le niveau de vie va changer.
Dans un bar cosy de la rue principale, Eva et Margret, 22 ans, témoignent des difficulté qui guettent désormais les Islandais. Ces deux étudiantes, serveuse et femme de ménage à temps partiel, ont été licenciées cette semaine. «A cause de la crise, beaucoup d’étudiants ont perdu leur job», raconte Margret. Eva ajoute que son père a perdu «beaucoup d’argent placé à la banque».
Il fait partie des 85 000 petits actionnaires qui avaient misé sur des valeurs bancaires et qui n’ont aujourd’hui plus rien. Margret a dû annuler son année d’étude à l’étranger. «La couronne islandaise ne vaut plus rien hors de nos frontières et les banques refusent d’octroyer des prêts», explique cette jolie blonde aux yeux bleus.
D’autres étudiants sont coincés. «Les Islandais qui étudient à l’étranger ne s’en sortent plus avec la dévaluation de la couronne, et leurs parents ne peuvent pas les aider : il est impossible d’acheter des euros et d’envoyer de l’argent hors des frontières (la sortie des devises est bloquée, ndlr)», explique Martin, étudiant en Islandais-norvégien à l’université de Reykjavik.
Dans la rue commerçante de la capitale, Thorunn, la quarantaine, rentre de sa journée de travail : «Tout le monde va être touché, notamment avec les prix de la nourriture qui ont déjà augmenté ses derniers mois, mais qui vont exploser avec la crise». Sa collègue, Katrin, acquiesce avant de se reprendre: «On reste optimiste, les Islandais ont déjà vécu pire et on s’en est toujours sorti. Maintenant c’est juste une question de temps».
Katrin n’est pas la seule à rester positive. Le président de la bourse islandaise est du même avis : «Les Islandais sont des vikings, des survivants, ils n’ont jamais été du genre à se lamenter, nous allons tout recommencer sur de nouvelles bases, c’est la seule chose raisonnable à faire. A mon avis, d’ici un ou deux ans, nous serons de nouveau sur pied.
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