mercredi 18 juin 2008

LE DROIT AU PLAISIR.

C'est vrai que je n'ai jamais vu un organe de presse belge traiter de ce problème-là. Et pourtant ...
Le Courrier (quotidien suisse). 31 mai 2008.

Les associations qui leur viennent en aide et le milieu de la prostitution l'ont bien compris: les personnes en situation de handicap, hommes et femmes, ont des besoins sexuels semblables à tout être humain. Dans le but de leur venir en aide, une formation d'assistant-e sexuel-le va voir le jour en juin en Suisse romande, créée par l'association «Sexualité et Handicaps Pluriels». Malgré cela, la société dans son ensemble est encore loin d'accepter un état de fait simple: le handicap n'annihile pas le désir! Le monde politique aura à se pencher sur la question prochainement, lorsqu'il s'agira de trouver un statut à ces futurs assistant-e-s. Pour l'instant, la loi les considère comme des personnes prostituées. Il est toutefois trop simple de voir dans ce nouveau métier de la prostitution déguisée en «bonne action». Leur rôle sera d'apprendre à leurs patients à connaître leur propre corps et de leur prodiguer une présence sensuelle. Contrairement à la prostitution, l'assistance sexuelle est sensibilisée, de par sa formation, à l'approche du handicap. Mais, davantage que politique et juridique, il s'agit d'un vrai sujet de société, autour duquel les mentalités en général doivent changer. D'un côté, c'est à la population de prendre conscience des besoins sexuels de ces personnes. Les reconnaître comme dotées d'un sexe serait un premier pas. L'exemple des toilettes publiques où trois genres sont définis par des logos (homme, femme, chaise roulante), montre que l'on voit encore aujourd'hui en eux des êtres asexués. Autre exemple, choquant: Pro Infirmis a perdu 400000fr de dons en lançant une formation similaire outre-Sarine. En se donnant bonne conscience en versant de l'argent à des oeuvres de bienfaisance, certains refusent de considérer les besoins de la population invalide. L'assistance sexuelle devra faire face à une autre difficulté, et de taille: l'entourage des personnes atteintes de handicap. Personnel soignant et tuteurs devront oser recourir à leurs services. Et les parents eux-mêmes devront avoir le courage d'aborder cette thématique. En effet, il est difficile d'imaginer chez son enfant, même majeur, ce besoin vital de profiter d'une sexualité épanouie. Lorsqu'ils auront terminé leur formation en juin 2009, les assistant-e-s sexuel-le-s auront la lourde tâche de se trouver une place dans une société où les tabous ont la peau dure.
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HANDICAP: LE DIFFICILE ACCÈS AU PLAISIR DES CORPS. MATHIEU SIGNORELL.
TABOU - Le plaisir sexuel peut être inexistant pour certaines personnes en situation de handicap. Associations et prostituées proposent leurs services pour pallier ce manque. Une formation d'assistant sexuel commence d'ailleurs bientôt en Suisse romande.
Enquête.
Le «désert sensuel» des personnes handicapées, Catherine Agthe Diserens le combat depuis vingt ans. Sexopédagogue et formatrice d'adultes, elle préside l'association genevoise «Sexualité et Handicaps Pluriels» (SEHP) qui a mis sur pied une formation romande d'assistant sexuel pour personnes en situation de handicap. Une première volée commencera les cours en juin. Au total, onze personnes (cinq femmes et six hommes) de tous âges y participeront. Le SEHP cherche d'ailleurs encore trois femmes pour débuter la formation.
«Les assistants sexuels auront tous un travail à côté de cette activité, car nous voulons que cela reste accessoire», explique Catherine Agthe. Concrètement, une fois formés, ces assistants sexuels seront à même de prodiguer des caresses, du corps à corps intime et une présence sensuelle auprès de personnes atteintes d'un handicap physique, sensoriel, mental ou psychique, aussi bien des hommes que des femmes. La palette des services ne comprend pas d'emblée des actes tels que la fellation, le cunnilingus ou la pénétration. Un tarif fixe sera demandé pour chaque «consultation» d'une heure: 150 francs. Dix-huit journées de formation sont prévues sur une année à Nyon et à la clinique de Genolier, pour un coût de 4500 francs à la charge de chaque participant. Le SEHP cherche d'ailleurs à baisser ce prix.
«Sentir la peau d'un homme nu».
Le but ultime est de suppléer à un manque «dans une éthique de cet accompagnement adapté érotique», précise Catherine Agthe. D'où une différence fondamentale selon elle avec la prostitution: «Une prostituée fait d'abord un acte rapide et minuté.»
Le handicap revêt des formes extrêmement variées. Du léger retard mental à la tétraplégie lourde clouant une personne sur un lit, les besoins sont très différents et le SEHP estime qu'une formation est nécessaire pour y répondre.
Catherine Agthe prend l'exemple d'une femme de 34 ans, atteinte de maladie dégénérative grave, qu'elle suit actuellement. «Elle m'a dit vouloir sentir une fois dans sa vie la peau d'un homme nu contre la sienne. Qui sera d'accord de se coucher contre son corps dysmorphique?» Les prostitués avec lesquels le SEHP est en contact n'ont pas pu fournir cette aide. La situation est identique pour un jeune homme dont le handicap est mental. Ne parvenant pas à se masturber, il frappe son sexe jusqu'à se blesser. «Il a besoin d'une personne formée qui puisse prendre sa main pour lui apprendre ce geste. Nous sommes complémentaires avec la prostitution.» Cette complémentarité, les milieux de la prostitution la notent également (lire ci-contre), comme le souligne l'association genevoise Aspasie, qui vient en aide aux travailleurs du sexe: «Nous soutenons cette formation», indique Joanna Pioro Ferrando. Pour elle, cela ne créera aucune concurrence. Etre à l'écoute.
Enseignant dans une école supérieure genevoise, Ludovic* est l'un des onze futurs assistants sexuels. En plus d'une formation de réflexologie, il dit avoir un don pour le massage et l'apposition des mains. «Etant enfant, j'ai été en contact avec des personnes handicapées ou décalées par rapport aux normes de la société. Ces différences ne m'ont jamais fait peur», explique-t-il. «La libération de l'énergie durant un acte sexuel est une porte qui ouvre sur une autre dimension, poursuit-il. J'ai accompagné un certain nombre de femmes dans la révélation de leur sensualité ou dans les retrouvailles avec une sexualité créative.»
La compagne de Ludovic, elle, voit d'un bon oeil cette formation. «Elle apprécie cette disponibilité que j'ai.» Selon le jeune homme, les désirs sexuels des personnes handicapées ne sont pas suffisamment reconnus par la société en général.
François Planche partage cet avis. Tétraplégique après un accident de moto, il est notamment membre du comité cantonal de Pro Infirmis et du comité d'éthique des fondations Aigues-Vertes, Foyer Handicap et Clair-Bois. «Tout le monde a les mêmes droits à la santé, à l'intégration et au bien-être global, note-t-il. La sexualité fait aussi partie de ces notions selon l'OMS.»
Problème de langage. Selon lui, il s'agit d'un devoir éthique que de donner aux personnes handicapées la possibilité d'accéder à une sexualité épanouie. «Certains n'ont jamais connu de contact physique avec une personne, outre la toilette. Le désir est là, mais l'accès à la satisfaction est parfois très fortement ou complètement entravé par le handicap. La frustration est grande.» Une satisfaction sexuelle entravée, le directeur général de la fondation genevoise Clair-Bois le remarque également, s'occupant de divers foyers et ateliers pour personnes en situation de handicap lourd. «Parmi les gens dont nous nous occupons, il y a souvent un problème de langage», souligne Christian Frey. «Seules certaines personnes ont pu s'exprimer clairement à ce sujet et ont manifesté des besoins très précis.» Mais s'adresser à une prostituée reviendrait à «une solution de facilité» car «elle ne connaîtrait pas les désirs réels de la personne.»
Outre une sensibilisation auprès des enfants polyhandicapés, la fondation traite aussi de ce sujet avec les adultes. Il y a quelques années par exemple, un jeune homme de 25 ans avait clairement émis des désirs sexuels. En accord avec ses parents, la fondation avait décidé de faire venir pour lui une travailleuse du sexe. «Quand les parents ont donné leur accord, il n'a plus manifesté de désir, se souvient Christian Frey. C'est comme si l'autorisation avait suffi.»
A l'inverse de cet exemple, l'un des obstacles majeurs à la satisfaction sexuelle complète des personnes handicapées est représenté par la famille. «Neuf fois sur dix, les parents ont tendance à voir leur enfant polyhandicapé comme un petit enfant dépendant», complète Christian Frey. Une difficulté que rencontre aussi l'unité de développement mental des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Le service tente alors de «dédramatiser» la situation avec les familles, selon les mots de sa responsable, Giulana Galli-Carminati. Pour elle d'ailleurs, la sexualité des personnes en situation de handicap mental n'est pas différente des gens dits «normaux». «Toutefois, ces personnes sont moins ouvertes au contact avec l'autre, souligne-t-elle.
Cela entraîne une sexualité plus personnelle, exercée solitairement, même si certains ont une vraie vie de couple.»
Toutes les informations au sujet de la formation d'assistant sexuel sur www.sehp-suisse.ch

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