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De Haïti à la Thaïlande, les tensions liées à la hausse des prix des produits alimentaires préfigurent une crise d'ampleur planétaire.
Christian LOSSON. LIBERATION: lundi 14 avril 2008.
Week-end d’une planète en proie à l’insécurité alimentaire: manifestations au Bangladesh, où le sac de riz coûte la moitié du revenu quotidien; Premier ministre démis à Haïti, où un policier de l’ONU est mort; tensions au Burkina Faso à la veille d’une grève générale contre la hausse des prix… La crise va perdurer, martèle la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Les céréales, qui ont augmenté de 37 % en 2007, devraient encore flamber en 2008, entraînant «la multiplication des émeutes de la faim». 37 pays sont touchés. Voici les racines de la crise.
Christian LOSSON. LIBERATION: lundi 14 avril 2008.
Week-end d’une planète en proie à l’insécurité alimentaire: manifestations au Bangladesh, où le sac de riz coûte la moitié du revenu quotidien; Premier ministre démis à Haïti, où un policier de l’ONU est mort; tensions au Burkina Faso à la veille d’une grève générale contre la hausse des prix… La crise va perdurer, martèle la FAO, l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Les céréales, qui ont augmenté de 37 % en 2007, devraient encore flamber en 2008, entraînant «la multiplication des émeutes de la faim». 37 pays sont touchés. Voici les racines de la crise.
La mode des biocarburants.
Le baril de pétrole au sommet (112 dollars) précipite la ruée vers l’or vert. L’Union européenne veut incorporer 10% de biocarburants dans la consommation totale d’essence et de gazole d’ici à 2020. George Bush, lui, rêve de voir 15% des voitures rouler aux biocarburants d’ici à 2017. Même les pays en déficit alimentaire, comme l’Indonésie ou le Sénégal, s’y mettent, sacrifiant des terres arables. Un emballement qui «a accru la demande de produits alimentaires», dit Bob Zoellick, président la Banque mondiale. «Entre 20 et 50% de la production mondiale de maïs ou de colza ont ainsi été détournés de leur usage initial», note le FMI. Et le cours du maïs, utilisé pour l’éthanol, a doublé en deux ans. «Si l’on veut substituer 5 % de biocarburants à l’essence et au gazole, il faudra y consacrer 15 % de la superficie des terres cultivables européennes», calcule l’Agence internationale de l’énergie. L’ère du pétrole cher provoque un autre dommage collatéral: l’explosion du coût du fret.
L’orgie de spéculation.
Confession, vendredi, d’un économiste à Washington: «C’est de la folie! Le blé vaut de l’or!» C’est un autre effet pervers de la crise des subprimes. Essorés par le marché des crédits, les fonds d’investissement placent leurs billes sur les matières alimentaires. Soja, blé, maïs, voilà les nouvelles valeurs refuge ! Le riz bondit de 31% le 27 mars, après l’annonce par quatre pays de la suspension de leurs exportations au moment où les Philippines réclamaient 500 000 tonnes. «Les fonds s’engouffrent, achètent, et stockent», dit un intermédiaire. Le sénateur démocrate américain Byron Dorgan flingue «l’orgie de spéculation». Qui booste jusqu’à 10% du prix des denrées alimentaires. Walt Lukken, président de La Commodities Futures Trading Commission (CFTC), le gendarme des marchés des matières premières, s’en est même ému. A quand une (réelle) régulation ?
Les effets de la libéralisation
«On nous impose, nous, poids plume, de boxer contre les poids lourds sur le ring commercial», nous confiait, il y a six mois, Jacques-Edouard Alexis, Premier ministre haïtien démis samedi de ses fonctions. «Les politiques de libéralisation à marche forcée, prônées pendant des décennies par le FMI et la Banque mondiale, ont contribué à rendre les pays pauvres encore plus vulnérables», dénonce Sébastien Fourmy, d’Oxfam. Et les petits fermiers du Sud se sont vus laminer par les produits subventionnés exportés par les pays riches (poulet, céréales, etc.). «Victimes aussi de leur propres gouvernements qui n’ont pas dédié (ou pas pu) une part de leur budget à la paysannerie», ajoute un expert de la FAO. Malgré les promesses, l’aide au développement des pays riches accuse une baisse de 8,4 % en 2007 (-15 % pour la France). «L’aide dédiée à l’agriculture est 50 % moins importante qu’en 1984», note Claire Meladed, de l’ONG Action Aid. La Banque mondiale veut doubler l’aide à l’agriculture en Afrique. Suffisant ?
Les bouleversements du climat
Même l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’en alarme : les changements climatiques nuisent à la santé et à l’alimentation. «Sécheresse en Australie ou au Kazakhstan, inondations en Asie, ouragans en Amérique latine et un hiver record en Chine», égrène le Programme alimentaire mondial (PAM). Tendance lourde. D’autant que l’agriculture intensive joue contre l’environnement. Achim Steiner, patron du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), assure : «Dans les grands pays, on atteint des limites en termes de disponibilité de terres arables et d’eau, et de réduction de la fertilité des sols.» Mais il resterait une marge pour les petits paysans : «Si on fournit de bons engrais à 70 % de petites cultures, on peut doper la production de 20 %», note Gilles Hirzel, de la FAO. Sans céder au chantage des OGM…
L’évolution des modes de vie.
Nourrir 60 milliards d’animaux à viande chaque année revient à produire autant de céréales que pour 4 milliards d’habitants. Rajendra Pachauri, prix Nobel de la Paix 2007, nous confiait: «Mangeons moins de viande, c’est bon pour le climat.»L’arrivée de néoconsommateurs des grands pays émergents complique les choses : «Ces classes moyennes consomment de plus en plus de poulet et de porc, eux-mêmes transformateurs de céréales», dit Pascal Lamy, patron de l’OMC. «Si les Chinois mangeaient autant de viande que les Américains, ils absorberaient 50 % des céréales mondiales», ajoute l’écologiste Lester Brown.
Inutile, pourtant, de verser dans le néomalthusianisme. Les agronomes l’assurent : la planète peut doubler ses productions pour alimenter les 9 milliards de Terriens en 2050. «A condition d’investir, d’innover, de réguler, et réfléchir», souffle un diplomate africain. «Et c’est pas gagné»….
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