LE MONDE 06.04.09 13h33 • Mis à jour le 06.04.09 13h33
Responsables politiques, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Fonds monétaire international (FMI), banquiers centraux... prédisent la fin de la récession pour 2010. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, indique même, dans Le Figaro du 6 avril, le lieu de la reprise : "La crise est partie des Etats-Unis (...). Le redémarrage se constatera aux Etats-Unis.
"Le pari de tous est le suivant : l'apurement de la situation bancaire aux Etats-Unis et les vastes programmes de relance redonneront une base à la confiance : le crédit bancaire repartira et avec lui, les échanges et la consommation.
La consommation de qui ? Des ménages américains bien sûr. Eux qui, depuis quinze ans, dépensent 9 500 milliards de dollars (7 000 milliards d'euros) par an pour tirer l'économie mondiale se voient invités à persévérer.Vont-ils obtempérer ?
Rien n'est moins sûr.
Echaudés par la chute des valeurs boursières aux Etats-Unis et dans le monde, les Américains se découvrent pauvres.
Sur quelles bases les ménages américains pourraient-ils avoir envie de recommencer à s'endetter ? Thomas Breda, économiste à l'École normale supérieure, expliquait dans Le Monde du 1er avril que la dette des ménages n'avait rien de frivole. Elle était la conséquence du creusement des inégalités. "Les classes les plus pauvres ont cherché à combler par l'emprunt cet écart grandissant entre leur niveau de vie et celui de classes plus aisées.
Ainsi, alors que les inégalités de revenu ont crû fortement depuis vingt-cinq ans aux Etats-Unis, les inégalités de consommation sont restées presque constantes.
"Aujourd'hui, le consommateur américain s'est remis à épargner. Le taux d'épargne, qui était de 0 % en 2007 est remonté à 5 % en janvier 2009. Sur un mois, ce sont 700 milliards de dollars qui manquent pour faire tourner les usines en Chine, en Inde et en Europe.Barack Obama, président des Etats Unis, a annoncé, le 1er avril, à la veille du G20, que l'on pouvait compter sur lui pour rompre avec "la dépense frénétique des Américains". L'Amérique cesserait-elle de s'endetter pour les autres ?
Agnès Benassy-Quéré, directrice au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii), reconnaît que "tout le monde s'accorde à prédire la reprise en 2010, mais nul n'explique jamais comment". Elle-même n'exclut pas toutefois "que tout reparte comme avant. Une épargne importante existe au niveau mondial qui peut trouver utile de continuer à s'investir aux Etats-Unis". Le rôle pivot du dollar dans les échanges internationaux pourrait donc encore une fois inciter le pays à reporter à plus tard le rééquilibrage de ses comptes.
Mais si les Américains cessent d'importer des biens de consommation, aucun autre relais de croissance n'existe. La Chine et l'Inde, avec leurs 2,3 milliards d'habitants, ne représentent qu'un sixième de la consommation américaine (1 600 milliards de dollars).
Pour Daniel Cohen, professeur à l'Ecole normale supérieure, un autre modèle de croissance est possible. "Un tour de vis fiscal est nécessaire aux Etats-Unis pour réduire l'endettement de la sphère publique, mais aussi pour corriger les inégalités."Si les ménages américains ont la responsabilité de la croissance mondiale, il faut alors que l'Etat ponctionne les riches pour distribuer aux pauvres. Aides sociales, crédits aidés..., qui continuent de faire florès en Europe, pourraient recréer du lien social en Amérique et y relancer la machine économique.
Thomas Piketty, professeur à l'Ecole d'économie de Paris, rappelle qu'après la crise de 1929, "le taux de l'impôt fédéral sur le revenu applicable aux revenus les plus élevés était passé de 25 % à 63 % en 1932, avant d'atteindre 79 % en 1936". Aux Etats-Unis, pendant un "demi-siècle, le taux supérieur de l'impôt sur le revenu n'est jamais descendu en dessous de 70 %", explique M. Piketty.
Yves Mamou
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