Enquête
Quand la télé joue avec la crise
LE MONDE 15.04.09 15h37 • Mis à jour le 15.04.09 19h18
Savoir ce que les employés pensent de leur patron, obliger les salariés d'une entreprise en difficulté à choisir leurs collègues qui seront licenciés... La crise s'invite à la télévision, et les producteurs profitent de l'occasion pour repousser les limites de la télé-réalité.
Les Etats-Unis vont commencer les premiers avec "Someone's Gotta Go !" ("Quelqu'un doit s'en aller !"), qui devrait être diffusé dès l'été ou, au plus tard, à la rentrée de septembre. Développée par Endemol, numéro un mondial de la télé-réalité, "Someone's Gotta Go !" reprend le principe de l'élimination, "apparu" en France en 2001 avec "Loft Story" puis avec la "Star Academy", deux productions Endemol. Mais il ne s'agit pas ici de locataires désoeuvrés enfermés dans un appartement, ou d'apprentis chanteurs confinés dans un château. Le "jeu" a pour décor une entreprise au bord du dépôt de bilan. Chaque semaine, les salariés devront choisir celui (ou ceux) d'entre eux qu'ils veulent voir partir. Pour cette première saison, "Someone's Gotta Go !" se déroulera dans des petites entreprises de 15 à 20 salariées contraintes de licencier pour avoir une chance de se redresser.
Afin de mettre un peu de sel sur les plaies et alourdir encore plus le climat, les salariés pourront consulter les dossiers de tous leurs collègues et connaître le montant de leur salaire. Pour décider des têtes à couper, les employés seront épaulés par un professional business coach-employment consultant, une sorte de spécialiste des ressources humaines mis à disposition par le producteur.
A la différence du "Loft" ou de la "Star Academy", les téléspectateurs ne pourront pas voter par téléphone, via les numéros surtaxés, pour éliminer/licencier les "candidats". "Someone's Gotta Go !" est un "docu-réalité", un programme intégralement enregistré avant sa diffusion. Une sorte de "Koh Lanta" qui aurait fixé son camp de base dans une entreprise au bord du dépôt de bilan.
Sans surprise, c'est la Fox, chaîne américaine contrôlée par le milliardaire ultraconservateur Rupert Murdoch, qui a acheté les droits de diffusion de l'émission. Selon la presse spécialisée américaine, le programme est déjà "en production".
"Someone's Gotta Go !" ne devrait pas être adaptée sur une chaîne française, TF1 ou M6. "Ce genre de format ne verra pas le jour en France", nous assure Virginie Calmels, PDG d'Endemol France, filiale française d'Endemol. A l'en croire, les Etats-Unis sont "un marché totalement différent" du paysage audiovisuel français. Surtout, là-bas, la législation est beaucoup plus permissive. En France, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) mettrait son veto.
Pour autant, la France ne devrait pas échapper à cette nouvelle sorte d'émissions. Endemol France a acheté les droits de diffusion de "Undercover Boss" ("Un patron incognito" ou "Le Patron espion"). Ce concept britannique a déjà été diffusé sur Channel 4.
Cette fois, il ne s'agit pas de licencier mais d'infiltrer. Un patron ou un cadre dirigeant d'une grande entreprise est recruté, sous une fausse identité, tout en bas de l'échelle de sa société ou de l'une de ses filiales, et va devoir passer dix jours sans être démasqué. En Grande-Bretagne, Channel 4 avait notamment filmé le quotidien d'un patron installé incognito à la caisse de son entreprise du secteur de la grande distribution.
Le but de l'émission serait de permettre au patron de repérer ce qui ne va pas dans sa société et d'y mettre bon ordre. Selon nos informations, les moments forts de ce docu-réalité ont lieu principalement autour de la machine à café. Quand les salariés se livrent et daubent sur leurs collègues mais aussi sur leurs chefs. Au terme de ces dix jours passés au bas de l'échelle sociale, le patron dévoile sa véritable identité et délivre les bons et les mauvais points à ses salariés.
Dans l'émission britannique, le patron récompensait ceux qu'il avait jugés les plus méritants avec des augmentations, des promotions, des primes ou encore des jours de vacances supplémentaires. Des autres, l'émission ne dit rien... Dans le dossier de presse de l'émission, Channel 4 avait prévenu : "Les talents méconnus seront distingués ou promus, tandis que les tire-au-flanc n'auront plus d'endroits où se cacher."
Endemol France, le producteur, ne veut retenir que les aspects positifs d'un tel programme. "En ces temps de crise où de nombreuses sociétés sont amenées à se séparer d'une partie de leurs salariés, ce format veut au contraire valoriser et promouvoir les travailleurs de l'ombre", a indiqué Virginie Calmels. A l'en croire, la version française d'"Undercover Boss" n'en serait qu'à ses premiers pas. "Nous venons tout juste d'en acheter les droits. Nous avons seulement raconté le pitch (l'argument) aux chaînes", ajoute Mme Calmels. Pourtant, Endemol France aurait, dit-on, déjà obtenu l'accord d'un patron d'une importante société française. "Nous sommes en discussion avec plusieurs patrons potentiels", indique seulement Mme Calmels. La production recherche plutôt un dirigeant d'une "multinationale".
Endemol prospecte surtout des entreprises disposant de filiales où les dirigeants de la maison mère ne sont pas forcément connus des salariés. Toutefois, pour éviter d'être reconnu trop vite, le patron sera "déguisé, un peu grimé, un peu changé", dévoile Mme Calmels.
Liée par contrat avec Endemol France depuis 2001, TF1 serait sur les rangs pour diffuser l'émission, mais M6 pourrait à son tour entrer en lice pour acquérir les droits. Ce programme ne serait "pas trash du tout", selon Thomas Valentin, directeur des programmes de M6.
In fine, "Undercover Boss" pourrait être diffusé dès la rentrée et en première partie de soirée. Aux Etats-Unis, CBS a fait le même choix. "Undercover Boss" devrait démarrer dès la rentrée sur la chaîne américaine.
Guy Dutheil
Quand la télé joue avec la crise
LE MONDE 15.04.09 15h37 • Mis à jour le 15.04.09 19h18
Savoir ce que les employés pensent de leur patron, obliger les salariés d'une entreprise en difficulté à choisir leurs collègues qui seront licenciés... La crise s'invite à la télévision, et les producteurs profitent de l'occasion pour repousser les limites de la télé-réalité.
Les Etats-Unis vont commencer les premiers avec "Someone's Gotta Go !" ("Quelqu'un doit s'en aller !"), qui devrait être diffusé dès l'été ou, au plus tard, à la rentrée de septembre. Développée par Endemol, numéro un mondial de la télé-réalité, "Someone's Gotta Go !" reprend le principe de l'élimination, "apparu" en France en 2001 avec "Loft Story" puis avec la "Star Academy", deux productions Endemol. Mais il ne s'agit pas ici de locataires désoeuvrés enfermés dans un appartement, ou d'apprentis chanteurs confinés dans un château. Le "jeu" a pour décor une entreprise au bord du dépôt de bilan. Chaque semaine, les salariés devront choisir celui (ou ceux) d'entre eux qu'ils veulent voir partir. Pour cette première saison, "Someone's Gotta Go !" se déroulera dans des petites entreprises de 15 à 20 salariées contraintes de licencier pour avoir une chance de se redresser.
Afin de mettre un peu de sel sur les plaies et alourdir encore plus le climat, les salariés pourront consulter les dossiers de tous leurs collègues et connaître le montant de leur salaire. Pour décider des têtes à couper, les employés seront épaulés par un professional business coach-employment consultant, une sorte de spécialiste des ressources humaines mis à disposition par le producteur.
A la différence du "Loft" ou de la "Star Academy", les téléspectateurs ne pourront pas voter par téléphone, via les numéros surtaxés, pour éliminer/licencier les "candidats". "Someone's Gotta Go !" est un "docu-réalité", un programme intégralement enregistré avant sa diffusion. Une sorte de "Koh Lanta" qui aurait fixé son camp de base dans une entreprise au bord du dépôt de bilan.
Sans surprise, c'est la Fox, chaîne américaine contrôlée par le milliardaire ultraconservateur Rupert Murdoch, qui a acheté les droits de diffusion de l'émission. Selon la presse spécialisée américaine, le programme est déjà "en production".
"Someone's Gotta Go !" ne devrait pas être adaptée sur une chaîne française, TF1 ou M6. "Ce genre de format ne verra pas le jour en France", nous assure Virginie Calmels, PDG d'Endemol France, filiale française d'Endemol. A l'en croire, les Etats-Unis sont "un marché totalement différent" du paysage audiovisuel français. Surtout, là-bas, la législation est beaucoup plus permissive. En France, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) mettrait son veto.
Pour autant, la France ne devrait pas échapper à cette nouvelle sorte d'émissions. Endemol France a acheté les droits de diffusion de "Undercover Boss" ("Un patron incognito" ou "Le Patron espion"). Ce concept britannique a déjà été diffusé sur Channel 4.
Cette fois, il ne s'agit pas de licencier mais d'infiltrer. Un patron ou un cadre dirigeant d'une grande entreprise est recruté, sous une fausse identité, tout en bas de l'échelle de sa société ou de l'une de ses filiales, et va devoir passer dix jours sans être démasqué. En Grande-Bretagne, Channel 4 avait notamment filmé le quotidien d'un patron installé incognito à la caisse de son entreprise du secteur de la grande distribution.
Le but de l'émission serait de permettre au patron de repérer ce qui ne va pas dans sa société et d'y mettre bon ordre. Selon nos informations, les moments forts de ce docu-réalité ont lieu principalement autour de la machine à café. Quand les salariés se livrent et daubent sur leurs collègues mais aussi sur leurs chefs. Au terme de ces dix jours passés au bas de l'échelle sociale, le patron dévoile sa véritable identité et délivre les bons et les mauvais points à ses salariés.
Dans l'émission britannique, le patron récompensait ceux qu'il avait jugés les plus méritants avec des augmentations, des promotions, des primes ou encore des jours de vacances supplémentaires. Des autres, l'émission ne dit rien... Dans le dossier de presse de l'émission, Channel 4 avait prévenu : "Les talents méconnus seront distingués ou promus, tandis que les tire-au-flanc n'auront plus d'endroits où se cacher."
Endemol France, le producteur, ne veut retenir que les aspects positifs d'un tel programme. "En ces temps de crise où de nombreuses sociétés sont amenées à se séparer d'une partie de leurs salariés, ce format veut au contraire valoriser et promouvoir les travailleurs de l'ombre", a indiqué Virginie Calmels. A l'en croire, la version française d'"Undercover Boss" n'en serait qu'à ses premiers pas. "Nous venons tout juste d'en acheter les droits. Nous avons seulement raconté le pitch (l'argument) aux chaînes", ajoute Mme Calmels. Pourtant, Endemol France aurait, dit-on, déjà obtenu l'accord d'un patron d'une importante société française. "Nous sommes en discussion avec plusieurs patrons potentiels", indique seulement Mme Calmels. La production recherche plutôt un dirigeant d'une "multinationale".
Endemol prospecte surtout des entreprises disposant de filiales où les dirigeants de la maison mère ne sont pas forcément connus des salariés. Toutefois, pour éviter d'être reconnu trop vite, le patron sera "déguisé, un peu grimé, un peu changé", dévoile Mme Calmels.
Liée par contrat avec Endemol France depuis 2001, TF1 serait sur les rangs pour diffuser l'émission, mais M6 pourrait à son tour entrer en lice pour acquérir les droits. Ce programme ne serait "pas trash du tout", selon Thomas Valentin, directeur des programmes de M6.
In fine, "Undercover Boss" pourrait être diffusé dès la rentrée et en première partie de soirée. Aux Etats-Unis, CBS a fait le même choix. "Undercover Boss" devrait démarrer dès la rentrée sur la chaîne américaine.
Guy Dutheil
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