samedi 24 mai 2008

TOUT EST POSSIBLE !


DAVID REVAULT D’ALLONNES. LIBERATION QUOTIDIEN : lundi 26 mai 2008.
Le rapport au libéralisme, ou le nouvel enjeu de la compétition socialiste.
Depuis l’affirmation par Bertrand Delanoë, dans son livre "De l’audace", paru jeudi, d’un credo à la fois «libéral et socialiste», le débat, au PS, a pris un tour nouveau.
Alors que toutes les attentions se focalisaient sur la confrontation annoncée entre Ségolène Royal et Bertrand Delanoë - comment l’emporter pour les uns, comment l’éviter pour les autres -, c’est un concept idéologique qui a fait irruption dans le champ des manœuvres socialistes.
«L’objet du prochain congrès n’est pas la querelle d’étiquettes», a bien tenté Jean-Christophe Cambadélis, proche de DSK et partisan d’une troisième voie.
Reste que la question du libéralisme, incontestablement, s’est installée au centre du jeu.

Entré en campagne samedi à la Mutualité à l’occasion d’une réunion de ses partisans, sans pour autant se déclarer explicitement candidat à la succession de François Hollande, Bertrand Delanoë n’a certes pas manqué de faire allégeance à sa famille politique : «J’assume tout de notre histoire, de Mitterrand à Jospin en passant par Rocard, Delors et Mendès.»
Avant de justifier ses audaces sémantiques en brandissant un libéralisme avant tout politique et sociétal, entre abolition de la peine de mort et homoparentalité, entre parité et «droit de vote des étrangers aux élections locales».
Sur le fond, pourtant, il ne regrette rien : «Je vais continuer à dire ce que je pense», assure-t-il. Avant de préconiser de «faire le pari de l’économie de l’intelligence». Et de revendiquer un «socialisme des années 2010».
«Il faut bouger».
Le mot, donc, est lâché. Et assumé. Même si l’opération, dans l’entourage du maire de Paris, n’est pas allée sans inquiéter. «On prend tous les risques», glisse un de ses proches. La députée de Paris Annick Lepetit souligne néanmoins le bénéfice politique d’un positionnement censé concilier orthodoxie partisane et modernisme : «Il assume l’histoire du parti mais aussi le fait qu’il faut bouger. Il dit qu’il est socialiste, mais ne s’interdit pas de parler compétitivité, start up et PME. Là-dessus, on peut trouver une majorité au PS.»
C’est que la dispute, idéologique, se révèle éminemment tactique.
Cette sortie place - momentanément - Bertrand Delanoë au cœur du débat. Une technique utilisée avec succès, pendant la primaire, par Ségolène Royal. Elle lui permet aussi de contester à cette dernière le monopole d’une rénovation majoritairement parée des atours du réformisme. Et, du coup, d’accentuer la pression sur un courant strauss-kahnien désorienté par l’exil de son leader.
Plusieurs partisans de DSK ont pris la parole, samedi à la Mutualité : Michel Destot, maire de Grenoble, Daniel Delaveau, maire de Rennes, Alain Richard, ex-ministre de la Défense, Alain Bergougnioux, secrétaire aux études, ou Dominique Lefèvre, patron de la fédération du Val-d’Oise. «Sur cette volonté d’offrir une orientation réformiste et adaptée au monde, il y a des convergences, assure Michel Destot. Les deux tiers de notre courant seront sur la motion Delanoë.»
«Pas rassurant». Et les autres ? Plutôt en accord, sur le fond, avec la thématique sociale-démocrate, le camp Royal, de bonne guerre, n’a pas manqué de jouer sur la forme.
«Il s’est un peu pris les pieds dans le tapis, jubile un proche de Royal. Parler de libéralisme, pour des militants qui combattent la droite, ce n’est pas rassurant.»
Une faute présumée, donc, qu’a tenté d’exploiter, hier sur Canal +, une Ségolène Royal fort gauchisée, citant Jaurès à trois reprises : «Je ne pourrais jamais dire : je suis libérale. Je ne crois pas qu’il faille réhabiliter ce mot et ce concept. C’est le mot de nos adversaires politiques», à ses yeux «synonyme de capitalisme débridé, d’écrasement des bas salaires, de violence».
Le jeu socialiste serait-il renversé ?
Voilà Ségolène Royal, sur ce point au moins, sur la même longueur d’ondes que l’aile gauche du PS.
«Le passé du Labour anglais ou du SPD allemand ne peut être l’avenir du PS français alors que l’offre politique de la social-démocratie européenne a été mise en échec partout», affirme Benoît Hamon, leader du NPS.
«Plutôt que de reprendre à la droite la bannière du libéralisme, tous ces camarades seraient bien inspirés d’éviter la captation de la gauche par Besancenot», ajoute Guillaume Bachelay, proche de Laurent Fabius, qui raille :
« Entrer dans un congrès socialiste en revendiquant le patronage du libéralisme, c’est un peu comme un gastronome qui entrerait chez Bocuse en criant qu’il adore le Mc Do…»

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