Génétiquement libre ou délinquant par Guillaume Pigeard de Gurbert .
Gary Pugh, le directeur du service scientifique de Scotland Yard, veut établir un fichier ADN pour les enfants dès l'âge de 5 ans afin d'«identifier les gens avant qu'ils commettent un délit. Il nous faut trouver quels seront ceux qui commettront peut-être (possibly) les plus graves délits contre la société». Il s'agit, argumente-t-il, d'arrêter le crime avant qu'il ait lieu.
Au Royaume-Uni, ce sont déjà près d'1,5 million de jeunes entre 10 et 18 ans qui sont génétiquement fichés. La police a le droit depuis 2004 de prélever les empreintes génétiques d'un jeune qu'elle a arrêté, qu'il soit ensuite condamné ou innocenté (Source : The Observer, 16 mars 2008). On a vu comment la doctrine américaine de la «tolérance zéro» est passée de New-York au Royaume-Uni puis en Europe et en France singulièrement (Cf. L. Wacquant, Les prisons de la misère). Il faut donc voir dans cette biopolitique fascisante notre propre présent et non pas on ne sait quelle lubie britannique.
On se souvient du reste du récent rapport de l'Inserm commandé par Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, sur la détection des enfants prédélinquants de 36 mois. On n'a pas oublié non plus la croyance de ce dernier en l'origine génétique de la pédophilie ou du suicide des adolescents : «J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a 1 200 ou 1 300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable.» (Philo Mag, N° 8). Quand les hommes politiques se mettent à manier des entités scientifiques auxquelles ils ne connaissent manifestement rien, le pire est à redouter.
La biologie se trouve enrôlée par une politique réactionnaire qui opère une confiscation biopolicière des possibles d'un individu.
Exister n'est plus se faire, s'inventer et se créer, mais dérouler mécaniquement les attributs enveloppés dans son essence criminelle. Belle expression de l'antinomie de la raison libérale qui prône la liberté individuelle et qui pratique dans le même temps le déterminisme pseudo-biologique. On comprend que la liberté du libéralisme est un don inné que l’on a ou pas, et non un droit. C'est la nouvelle déclaration des «droits» de l'homme libéral : certains hommes naissent libres, d'autres non. Aux premiers le profit et la réussite, aux autres l'enfermement (carcéral, psychiatrique, médical ou biologique).
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