lundi 12 mai 2008

LE FACTEUR BESANCENOT.

En participant à «Vivement dimanche», le porte-parole de la LCR confirme son poids politique à la gauche de la gauche.
PASCAL VIROT . LIBERATION QUOTIDIEN : lundi 12 mai 2008.

C’était son grand oral.
Passé devant un auditoire estimé entre deux millions et deux millions et demi de téléspectateurs. Soit beaucoup plus que les 1,5 million d’électeurs qui s’étaient portés sur son nom le 6 mai 2002. Une aubaine qu’Olivier Besancenot n’a pas laissé filer. La LCR, dont il est l’un des porte-parole, incarne l’une des facettes du trotskisme français un courant de pensée avec un véritable poids électoral que d’aucuns jugent comme une exception française. Ouverte aux mouvements de société (la défense des «sans», papiers, logements, droits, etc., des immigrés…), elle se démarque de Lutte ouvrière, l’autre grande branche du trotskisme français, plus ouvriériste.

Plus de trois heures durant, hier, sur France 2, dans l’émission de divertissement Vivement dimanche, animée par Michel Drucker, le porte-parole de la LCR a pu développer la vision de son monde. Celui du travail avec «les masses, les exploités, les opprimés» dont il rêve qu’ils «fassent irruption sur la scène politique».
Le monde de la politique, justement, lui qui «milite pour la révolution». Mais pas une révolution violente : «Pour moi, affirme-t-il devant Michel Drucker, la révolution, ce n’est pas une flaque de sang à chaque coin de rue.» Il a pu aussi stigmatiser «la grande distribution qui se fait des couilles en or».
Son monde à lui, enfin, avec des images le montrant jouer au football ou boxant. Et une confession quand il «revendique pour [sa] génération, un gros doute». Mais pas une image de sa compagne, ni de leur fils. Ses goûts pour la chanson tournent autour de Bernard Lavilliers et Jean Ferrat, Zebda et Charles Aznavour.

Décontracté, souriant charismatique («s’il te plaît, continue à parler!» l’a exhorté la députée PRG Christiane Taubira), le jeune postier - il a eu 34 ans le 18 avril - a su habilement laisser parler deux femmes syndicalistes, l’une de l’ex-fabricant de stylos Reynolds à Valence, aujourd’hui disparu, l’autre d’une entreprise métallurgique de la région lilloise. Des témoignages bruts sur la condition de salariés précaires.

Personnalisation. Au final, l’ancien candidat aux présidentielles de 2002 et de 2007, aura peut-être réussi à éviter l’écueil de la pipolisation. Cette crainte avait été soulevée par le courant minoritaire de la Ligue communiste révolutionnaire et son porte-parole, Christian Picquet. Un Christian Picquet à qui la direction de la formation trotskiste vient de supprimer le poste de permanent qu’il occupait. Le leader de la minorité tirait la sonnette d’alarme il y a une semaine, quelques jours avant l’enregistrement de Vivement dimanche, sur les risques de personnalisation du débat politique : «Même si Besancenot invite une infirmière et un prolo, cela va concourir à la dépolitisation de la vie publique puisqu’ils ne seront là que pour contribuer à son édification.» Au contraire, le leader historique de la Ligue, Alain Krivine plaidait pour la participation d’Olivier Besancenot à l’émission dominicale : «Boycotter la télévision bourgeoise ? Si on fait ça, notre message ne passe nulle part.» D’emblée hier, le porte-parole de la LCR a précisé: «Je n’ai pas hésité une seconde à venir. C’est l’occasion de présenter un certain nombre d’engagements, de causes et de donner la parole à d’autres, de s’adresser à des millions de personnes, donc de s’adresser au peuple, quand on est une organisation populaire.» Même s’il a pris soin d’ajouter : «La représentation médiatique, je n’y ai toujours pas pris goût.»

Nouveau parti. Mais derrière la polémique («Un peu une tempête dans un verre d’eau», dixit Besancenot) se cache un débat plus politique : quel visage donner au «nouveau parti anticapitaliste» qui devrait voir le jour à la fin de l’année ou début 2009.
Globalement, pour la direction de la LCR, ce NPA doit se construire «à la base», avec des militants déçus, qu’ils viennent du PCF, des Verts ou du PS.
Le «parti d’Olivier», comme l’appellent certains détracteurs, aurait vocation à concurrencer le PS sur sa gauche. «Je ne serai pas le seul leader de ce parti», a répété l’ex-candidat tout au long du dernier congrès de la Ligue, en janvier. Une stratégie que ne partagent pas les minoritaires, comme Christian Picquet qui dénoncent un «parti d’extrême gauche relooké», plaidant au contraire pour une formation large, construit avec des composantes venues de l’aile gauche du PS, du PCF, des Verts et des antilibéraux.

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