L'expérience de Juin 36 avait été pour nous une leçon un peu humiliante, mais salutaire.
Le brusque essor des masses nous avait pris au dépourvu. Nous avions été débordés. Malgré des improvisations merveilleuses, dont le mérite revenait à l'instinct de classe, à l'ingéniosité des travailleurs, il avait manqué, à l'heure décisive, l'essentiel : une coordination entre les divers éléments en lutte, une direction d'ensemble de la bataille. Et c'est pourquoi les organisations traditionnelles, s'étant enfin ressaisies, purent aussi facilement museler la classe.
Comment, à l'avenir, éviter de répéter les fautes commises ?
Comment, à l'avenir, éviter de répéter les fautes commises ?
Ce que nous avions appris, c'était que les structures essentiellement corporatives de l'organisation syndicale, indispensables en période normale pour la défense des intérêts professionnels immédiats des travailleurs, ne suffisaient plus au cours d'une lutte généralisée.
D'abord, parce qu'en de tels instants, le moteur du mouvement doit être à la base : or dans les syndicats la pression de la base risque d'être passablement amortie par la forte armature bureaucratique; ensuite, parce que les cloisonnements corporatifs deviennent, dans une situation révolutionnaire, autant d'entraves et que ce qui compte alors, c'est la combinaison de toutes les forces ouvrières, tendues, au-dessus de tout particularisme corporatif, vers un but unique.
C'est pourquoi il nous semblait, qu'au cours d'un deuxième round social, les comités intersyndicaux locaux pourraient jouer un rôle infiniment plus important que celui dans lequel les enfermait leurs diables de statuts. Parce que mieux adaptés aux exigences de la lutte, ils feraient éclater leur cadre constitutionnel et se hisseraient au premier plan.
De même que les entreprises enverraient des délégués à chaque comité local (comme nous l'avions pratiqué au Lilas), à leur tour les comités locaux éliraient des délégués à un Conseil central des délégués ouvriers de la région parisienne.
Toute la France finirait par être couverte par une fédération de Conseils ouvriers.
Daniel GUERIN. Une révolution ne s'improvise pas.
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