mercredi 12 novembre 2008

L'INVENTEUR DES SUBPRIMES TERRASSE PAR SA CREATURE.

Subprimes. Revue Chimères.

L'inventeur des subprimes terrassé par sa créature
LE MONDE 12.11.08 14h50


La crise du crédit ne donne pas envie de rire. Pourtant, certains de ses effets amènent parfois à se demander si elle ne participe pas d'une plaisanterie un peu perverse.
Prenons l'exemple de la banque Franklin, basée à Houston (Texas). Le 7 novembre, on apprenait que la Federal Deposit Insurance Corporation la mettait en saisie. Elle détenait 3,7 milliards de dollars (2,9 milliards d'euros) de dépôts et 46 agences, lesquels ont été transférés à, cela ne s'invente pas, la Prosperity Bank.

La Franklin a été fondée il y a moins de dix ans par Lewis Ranieri, son président. Un nom qui parle à ceux qui s'intéressent à l'histoire des institutions, ou qui ont dans leur bibliothèque un exemplaire de Liar's Poker (Poker menteur). C'est M. Ranieri qui a eu l'idée de faire de prêts hypothécaires immobiliers des actifs financiers qui s'achètent et se vendent comme les autres. A la fin des années 1970, il dirigeait, chez Salomon Brothers, le service de courtage qui a imaginé les principes fondateurs de la titrisation, lesquels ont engendré le marché des dérivés de crédit, qui a donné naissance aux obligations adossées à des dettes, les fameux produits financiers qui ont déclenché l'apocalypse que nous vivons aujourd'hui. Il est donc un brin ironique que la banque fondée par M. Ranieri ait été une des victimes de la crise immobilière.
Autre cas inimaginable. Goldman Sachs, le temple de la banque d'affaires, s'est séparé de 10 % de ses 33 000 salariés au cours de la semaine. Là encore, rien de surprenant à première vue. Sauf qu'on compte au nombre des victimes un certain William Tanona, qui était un analyste spécialisé... dans la banque d'investissement, justement. Conclusion : Goldman ne juge plus nécessaire de se doter d'une expertise sur son propre secteur d'excellence. L'ironie associe souvent farce et tragédie : la crise a joué à MM. Ranieri et Tanona un tour pendable. On ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer.

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