mardi 11 août 2009

LE PREVISIBLE DECLIN DU SALARIAT.

Le prévisible déclin du salariat par camille sée
LE MONDE 09.08.09

La crise qui traverse la planète (et évidemment notre pays) cette crise durable, structurelle, mondiale et systémique aura non seulement des conséquences importantes sur le niveau de vie des populations mais plus généralement elle va entraîner des remises en cause radicales au-delà du déclin de certains secteurs ou des risques de banqueroute de notre modèle social.
Le salariat était l'enfant de l'industrialisation et du XIX ème siècle, il a pris son essor au XXème siècle avec un double objet :
- il permettait aux entreprises (usines puis secteur tertiaire) de fidéliser une main d'oeuvre qualifiée (pour l'époque).
- il offrait à la majorité des travailleurs un cadre sûr, règlementé et promouvant (l'ascenseur social).
Mais rien ne dure et cette crise pourrait bien sonner le glas du statut massif et généralisé du travailleur salarié.
Pourquoi une telle évolution ?
- le travail change : d'un modèle prévisible, normé et quantifié on passe à un travail de moins en moins prescrit (on ne peut imaginer l'infinie variété des situations de travail), le travail devient de moins en moins quantifiable, planifiable (les consommateurs, mais aussi les entreprises commandent "last minute" et personne ou presque ne sait de quoi l'activité économique sera faite (ou défaite))
- les entreprises changent : le modèle de la très grande entreprise a vécu. Au-delà de 100 ou 200 personnes, faire travailler ensemble de tels groupes humains devient mission impossible. La structure finit par absorber toute l'énergie et le travail se dilue. L'avenir est désormais aux petites unités de 100 personnes maximum qui travailleront en réseau sur des missions ponctuelles
- les salariés changent. Le modèle dominant dans la grande entreprise reste l'armée avec sa hiérarchie, sa centralisation, ses normes, ses codes et ses pesanteurs. Les travailleurs ne supportent plus ce modèle qui les empêche de s'exprimer , de mettre en oeuvre leurs compétences, leurs envies, leurs capacités à comprendre le monde économique et à s'y développer.
Dans nombre d'organisations, que nous qualifierons de toxiques, les arrêts de travail se multiplient, le stress est partout mais aussi le ressentiment et la frustration. Le contrat de travail qui est basé sur le lien de subordination, ce contrat n'est plus qu'un morceau de papier dont les entreprises comme les salariés se détournent.
Le code du travail a été une longue et patiente construction de plus d'un siècle. Il est aujourd'hui semblable à ces musées où l'on collectionne et empile les règles sans se préoccuper de la pertinence de l'ensemble. Il est devenu lourd, confus, illisible au commun des mortels et entraîne les entreprises comme les salariés dans une insécurité croissante.
Le travail change donc, les entreprises sont en train de s'y adapter et elles pourraient bien au cours des 10 ans se séparer de la majeure partie de leurs salariés. L'avenir n'est plus aux grandes unités de bidasses mais aux petits commandos d'experts.
Une entreprise dans 10 ans sera une hyper spécialiste, rapide, réactive qui agrégera des compétences et des expertises le temps d'une mission. Les travailleurs du savoir (nous sommes tous amenés à en devenir) seront employés sur ces missions qu'ils réaliseront en un temps donné (le temps d'un travail, plus le temps de travail). A la fin de ce travail l'équipe se dispersera en quête de nouveaux challenges.
La durée et le temps sont devenus des inconnues fondamentales dans le travail. Vouloir quantifier la durée du travail dans la société du savoir est contre productif (les neurones ne se mettent pas en marche au coup de sifflet) et notre modèle de progrès social pourrait ne plus qu'accompagner les déclassements. Au temps de l'Internet le temps ne joue pas pour les prudents et les nostalgiques.
Les déclins comme les naissances deviennent ultra rapides, le cycle de vie des produits et des services s'accélère. Une carrière d'un travailleur dure 40 ans (plus à l'avenir). Les entreprises n'ont plus de visibilité sur le long terme, elles ne peuvent plus assurer l'emploi à vie car leur situation évolue de mois en mois (d'heure en heure dans certains métiers de services). Nous connaissons tous les récits de ces chutes d'anciens leaders comme GM, IBM, Bull, Thomson, Lehman brothers... Ces chutes en appelleront d'autres (la gravité de la situation économique est encore occultée par les Etats qui tentent de ralentir le déclin à coup d'endettement) et la sécurité professionnelle passe par la formation, la capacité à changer et à s'adapter.
Les entreprises auront souvent une faible espérance de vie; comme ces coléoptères qui vivent le temps d'une journée elles pourraient ne plus vivre que le temps d'un contrat.
Plus que jamais les organisations et les humains qui sauront, voudront et pourront s'adapter ont un avenir économique et social. Les tenants de l'immobilisme pourraient perdre tout employabilité.
Au final ce déclin du salariat pourrait ravir les marxistes qui l'appelaient jadis de leur voeux.
http://www.lemonde.fr/opinions/chronique/2009/08/09/le-previsible-declin-du-salariat_1227052_3232.html

1 commentaire:

Anonyme a dit…

tres interessant, merci