LIBERATION. 16/09/2009 à 00h00. Une armée sans fusils.
Par LAURENT JOFFRIN.
Les anciens cultes, souvent, reposaient sur le sacrifice. Les dieux avaient soif, il leur fallait leur content de souffrance. Ainsi en va-t-il d’un culte beaucoup plus contemporain : celui de la performance. Pratiqué dans les entreprises les plus compétitives comme dans les studios clinquants de la téléréalité, il produit lui aussi son contingent de sacrifiés. La société de concurrence, par nature, implique l’élimination, hors du Loft, pour le symbole, mais aussi hors de l’économie réelle, cet autre cercle enchanté des vainqueurs. Hier dans Libération, Joseph Stiglitz expliquait que les chiffres de croissance et de la production ne sauraient donner une image juste du bien-être d’une société. A revenu égal, selon qu’on est ou non intégré dans un réseau de relations, reconnu ou non par son entourage, protégé ou stigmatisé par les organisations, on est heureux ou malheureux. Ancienne administration garantissant l’emploi, disposant d’honnêtes avantages sociaux, France Télécom n’est pas, comme on dit couramment, «une mauvaise boîte», loin de là. C’est une culture globale qui est en cause, puisqu’on sait depuis Emile Durkheim que le suicide, tragédie intime, est aussi un phénomène social. Une culture créée par les forts, qui assimile l’économie à une forme de guerre, requérant la mobilisation générale, le patriotisme fervent et la sanction régulière des défaillances. Quand le management devient martial et l’entreprise une armée sans fusils, la métaphore se prolonge jusqu’au drame: chacun sait qu’à la guerre, il y a des morts.
http://www.liberation.fr/economie/0101591256-une-armee-sans-fusils
Par LAURENT JOFFRIN.
Les anciens cultes, souvent, reposaient sur le sacrifice. Les dieux avaient soif, il leur fallait leur content de souffrance. Ainsi en va-t-il d’un culte beaucoup plus contemporain : celui de la performance. Pratiqué dans les entreprises les plus compétitives comme dans les studios clinquants de la téléréalité, il produit lui aussi son contingent de sacrifiés. La société de concurrence, par nature, implique l’élimination, hors du Loft, pour le symbole, mais aussi hors de l’économie réelle, cet autre cercle enchanté des vainqueurs. Hier dans Libération, Joseph Stiglitz expliquait que les chiffres de croissance et de la production ne sauraient donner une image juste du bien-être d’une société. A revenu égal, selon qu’on est ou non intégré dans un réseau de relations, reconnu ou non par son entourage, protégé ou stigmatisé par les organisations, on est heureux ou malheureux. Ancienne administration garantissant l’emploi, disposant d’honnêtes avantages sociaux, France Télécom n’est pas, comme on dit couramment, «une mauvaise boîte», loin de là. C’est une culture globale qui est en cause, puisqu’on sait depuis Emile Durkheim que le suicide, tragédie intime, est aussi un phénomène social. Une culture créée par les forts, qui assimile l’économie à une forme de guerre, requérant la mobilisation générale, le patriotisme fervent et la sanction régulière des défaillances. Quand le management devient martial et l’entreprise une armée sans fusils, la métaphore se prolonge jusqu’au drame: chacun sait qu’à la guerre, il y a des morts.
http://www.liberation.fr/economie/0101591256-une-armee-sans-fusils
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