LIBERATION. FR Économie 22/06/2009 à 12h28 (mise à jour à 12h44)
Et si le pire de la crise était imminent?L'analyste américain Harry Dent, qui avait annoncé dans un livre en 2004 une dépression économique profonde à l'horizon 2010, prédit que le monde va connaître dans les deux ans un crash encore plus grave que l'actuel.L'homme a suffisamment démontré son sérieux par le passé pour être sinon entendu, au moins écouté. Selon l'analyste Harry Dent, l'économie mondiale va connaître dans les deux prochaines années une crise plus grave encore que celle qu'elle traverse actuellement. En 2004, l'Américain avait prédit dans un livre (1) un pic de croissance entre 2005 et 2009, avant une crise profonde à l'horizon 2010.
D'après cet économiste, qui base notamment ses analyses sur l'évolution démographique et l’influence des courbes de natalité, le pire est devant nous contrairement à l'avis de plusieurs experts qui considèrent avec optimisme certains signes de reprise.
La génération du «baby boom» va désormais limiter ses dépenses, provoquant une spirale à la baisse des marchés immobilier et boursier, affirme Harry Dent, selon lequel les marchés boursiers vont continuer à monter au cours des prochains mois mais vont à nouveau s'écrouler vers la fin de l'année quand le système bancaire connaîtra une nouvelle débâcle qui culminera en 2011.
L'économiste insiste sur le fait que la génération des baby boomers dans le monde occidental consomme moins avec l'âge, «comme cela s'est déjà vérifié au Japon dans les années 1990». «(Leurs) enfants vont quitter le nid et l'économie va ralentir exactement comme cela s'est passé au Japon dans les années 1990.»
(1) «2005-2009, 5 années de croissance devant nous», Harry Dent, éditions First.
http://www.liberation.fr/economie/0101575555-et-si-le-pire-de-la-crise-etait-imminent
Quand les joueurs de jeux vidéo "instruisent" les intelligences artificielles
LEMONDE.FR 10.06.09 15h17 • Mis à jour le 10.06.09 15h24
Les joueurs de jeux vidéo ont l'habitude d'interagir avec des intelligences artificielles. Depuis peu, les chercheurs ont compris qu'ils pouvaient mettre ces pratiques ludiques à profit.
Les universitaires de Carnegie Mellon, aux Etats-Unis, utilisent l'attrait du jeu pour améliorer la pertinence des moteurs de recherche. "En dépit des avancées colossales des cinquante dernières années, les ordinateurs ne possèdent toujours pas les concepts de base, ou les capacités de perception considérées comme évidentes pour plupart des humains", souligne Luis Van Ahn, responsable du programme GWAP (Games with a purpose).
A l'inverse, avec le logiciel GIVE (Generating instructions in virtual environments), les êtres de synthèse apprennent à donner des directives aux humains, sous le regard approbateur des chercheurs de la Northwestern University, dans l'Illinois. Les chercheurs disposent ainsi de données utilisées pour améliorer les capacités d'interaction entre l'homme et la machine.
Pour instruire la machine, les universitaires proposent un mini-portail de cinq jeux. Exemple type de ces applications mobilisant l'intelligence collective, Extra Sensory Perception a pour but d'affiner les mots-clés utilisés pour désigner une image. Face à une même photographie, deux joueurs doivent trouver des "tags" communs. Google, qui a compris le potentiel d'une telle application, propose désormais une technologie équivalente.
LES MONDES VIRTUELS COMME LABORATOIRES
Si les deux précédentes initiatives tiennent de l'expérimentation en 3 dimensions, l'utilisation des mondes virtuels, tels que Second Life, constitue un test à plus grande échelle. Depuis le mois de mars, un avatar pas comme les autres évolue dans l'univers virtuel créé par Linden Labs. Surnommé "Eddie", c'est une intelligence artificielle autonome, qui dispose des capacités mentales d'un enfant de 4 ans. Cet être de synthèse s'ajoute aux nombreux robots, à l'intelligence minimaliste, qui entretiennent l'illusion d'une présence permanente.
"Arbitrer entre nature et industrie pour que la vie soit gagnante"
LE MONDE 06.06.09 15h33 • Mis à jour le 06.06.09 15h33 J'avoue un moment de faiblesse. Pourtant ces discussions du Grenelle de la mer me passionnent. Mais est-ce la fatigue ou ce ciel trop bleu qui m'encourage à la rêverie ? Pour quelques minutes, comme une mauvaise élève, je ferme les yeux et me projette trente mille ans en arrière.
Je regarde un homme sortir prudemment d'un fourré. Il a un bâton à la main et s'avance vers la plage. Je crois qu'il a peur de cet espace découvert de l'estran qui le rend vulnérable. Peur aussi de cette étendue infinie et grondante qui roule ses lames devant lui. Peut-être a-t-il le mauvais souvenir de s'être fait surprendre, de s'être fait à moitié étouffer par une vague traîtresse, alors qu'il s'avançait à la poursuite d'un crabe. Car sûrement, c'est la faim qui l'a amené là.
De son bâton, il sait gratter le sable pour déterrer les coquillages, fouiller la laisse de mer à la recherche de crustacés, sans doute assommer un poisson égaré dans une flaque, ou courir les falaises et dénicher des oeufs. La grève le nourrit en toutes saisons.
Assis sur le sable, il s'interroge sur le moyen de partir sur cette mer où sautent, par temps calme, d'innombrables poissons. L'océan le tente et l'inquiète, il y perçoit des promesses de satiété mais aussi les risques d'un univers fondamentalement différent de sa forêt côtière. Il est sur le bord d'un monde.
Peut-être est-il venu chercher quelques-uns de ces coquillages dont il aime se faire des colliers. Seule la côte peut lui offrir ces petites boules aux couleurs brunes ou pastel, ces coques aux larges stries, et parfois même l'encre d'une seiche échouée avec laquelle il se peindra le corps.
Et si, tout simplement, il n'était venu là que pour rêver, que pour rentrer en lui-même, parce qu'il sait depuis longtemps que la contemplation du déferlement des vagues et de l'infinie surface de l'océan l'emplit d'une force étrange. Il voit, ici mieux qu'ailleurs, la marque des dieux dans l'inexplicable balancement des marées, dans la générosité de la mer nourricière ou dans la soudaine colère d'une déferlante. Il perçoit que ce face-à-face de deux mondes est fécond et qu'il en nourrit son esprit autant que son corps.
Je jure que je n'ai pas fermé les yeux plus de quelques secondes. Mais mon Homo sapiens continue à m'accompagner, pendant que ses lointains descendants réfléchissent à protéger et valoriser le littoral. Car c'est cela, au fond, la grande nouveauté en filigrane de ce Grenelle de la mer.
Lui a rêvé de vaincre sa peur et de creuser un tronc, en forme de pirogue, pour partir à la chasse et à la découverte. Il a pu imaginer planter des nasses et des filets sur l'estran en utilisant astucieusement les marées, peut-être bâtir des huttes au débouché d'une rivière ou élever des autels pour célébrer une cosmogonie marine.
MILLIONS DE TONNES DE DÉCHETS
Jamais il n'aurait pu penser que l'homme s'impose à la nature, que siècle après siècle, l'on construise villes et ports, que l'on sillonne l'océan, que l'on tire 100 millions de tonnes de poissons de la mer chaque année et que l'on y déverse aussi des millions de tonnes de déchets, mais aussi que la mer inspire légendes et créations dans toutes les civilisations.
Non, jamais il n'aurait pu envisager que l'homme se mette un jour à gouverner ce qui paraissait relever des dieux. Bien sûr, nous ne sommes pas ces dieux, mais notre énergie, notre intelligence, nos rêves ou notre avidité, et notre nombre aussi, nous ont rendus capables de modifier en profondeur l'environnement, pour le meilleur et pour le pire.
L'équilibre que cet homme du paléolithique avait su tisser avec la mer et le rivage, saurons-nous le recréer, dans une forme renouvelée et arbitrer par nous-mêmes entre nature et industrie pour que la vie soit gagnante ?
Du fond de la salle du Muséum d'histoire naturelle, je songe à ces dizaines de milliers de générations qui ont eu la mer en partage et à la responsabilité qui nous incombe vis-à-vis d'elles.
De quoi me ragaillardir au travail !
Isabelle Autissier
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/06/arbitrer-entre-nature-et-industrie-pour-que-la-vie-soit-gagnante_1203287_3244.html
Nº2326 SEMAINE DU JEUDI 04 Juin 2009. Le Nouvel Observateur <>
L'école à l'agonie. Gigantisme et violence la condamnent, comme jadis les dinosaures, à une extinction progressive.Il y a dans «la Journée de la jupe» une scène qui me poursuit depuis que j'ai vu ce film remarquable : celle où Isabelle Adjani, prof de français en proie à ses élèves, braque le plus odieux d'entre eux avec un revolver échappé d'un cartable et parvient alors à lui faire «avouer» ce que jusqu'ici il se refusait obstinément à dire, et peut-être à savoir : que le vrai nom de Molière était Jean-Baptiste Poquelin.Cette scène est évidemment une parabole. Puisque la force et les rapports de force tendent à devenir dominants dans l'univers scolaire, il n'y a pas de raison que l'acte d'enseigner proprement dit échappe miraculeusement à la nouvelle loi du milieu. Dans ces conditions, «l'école ouverte», c'est la pédagogie à coups de marteau. Toutes les bonnes âmes se scandaliseront d'un constat implicitement «réactionnaire», mais je n'en ai cure : ce qui est réactionnaire, et même tendanciellement fasciste, c'est l'irruption de la violence dans le domaine du savoir.Platon : «Lorsque les pères s'habituent à laisser faire les enfants..., lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter; lorsque les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus rien au-dessus d'eux, c'est le début de la tyrannie.»Corollaire : cette école où l'on menace - que dis-je ? - où l'on frappe les institutrices avec des couteaux de cuisine est aussi celle où l'on arrête des enfants de 6 ans pour les interroger pendant deux heures et où l'on convoque au commissariat un gamin de 8 ans pour une bagarre dans la cour de récréation. C'est aussi celle où l'on parle de fouiller tous les cartables à l'entrée - pourquoi pas une fouille au corps ? - et de faire passer les élèves par des portiques de sécurité. L'irruption de la violence ordinaire dans la classe débouche sur les procédures ordinaires de la société civile : police, justice, prison. Autrement dit, l'école est désormais considérée comme un lieu dangereux, aussi dangereux que les avions, les aérogares et les parloirs de prison.
Regardons les choses en face. Le gigantisme de l'institution scolaire, la prolongation sans fin de la scolarité, loin d'être des signes de bonne santé, pourraient avoir la même conséquence que pour ces dinosaures de l'ère secondaire : une extinction progressive. Si l'école n'existait pas, on ne l'inventerait plus sous sa forme actuelle. L'obligation scolaire, qui fut conçue à la fin du XIXe siècle comme un moyen de protection des enfants contre le travail précoce, et comme la base de l'égalité entre jeunes Français, est en train de se retourner contre ses objectifs mêmes. Combinée à la violence en milieu scolaire, elle interdit toute possibilité de pacification par exclusion des éléments perturbateurs et ouvre la voie à une extension indéfinie de l'enseignement privé qui a, lui, les moyens de se défendre.L'institution scolaire tout entière est devenue l'un des éléments du schéma tripartite des sociétés industrielles et capitalistes : les jeunes à l'école, les adultes à l'usine ou au bureau, les vieillards à l'asile. Etonnez-vous après cela qu'elle soit ressentie par les jeunes comme l'une des formes de l'emprisonnement social. Voyez encore, dans «la Journée de la jupe», les armoires à glace auxquelles la prof est confrontée : ils ont de l'argent, des motos, des portables, des copines. Et l'on attend de ces jeunes adultes piaffant devant la vie le comportement docile des chères têtes blondes à blouse noire de la communale sous la IIIe République ? C'est se moquer.
Certes, toute société a besoin d'une institution qui apprenne aux enfants les langages de base qui y ont cours : c'est l'enseignement primaire. A l'autre bout, l'enseignement supérieur est une nécessité pour développer la recherche et la formation professionnelle de haut niveau. Entre les deux, la double mission dévolue à l'enseignement secondaire, la culture générale et la garderie des ados (on le voit bien les jours de grève), cette double mission est en train de se défaire sous nos yeux.