vendredi 29 février 2008

LE SOIR. 1 MARS 1945. (Extraits).

Libération de Lokeren. 1944.
Petite Gazette.
Voici venu, au lendemain du mois le plus court de l'année, celui qui porte le nom du dieu de la guerre. Mars mobilise sa cavalerie, mais ce ne sont que veaux de mars. Aussi dieu de la guerre prête-t-il à rire et on peut se moquer de lui sans ambages car il est, au fond, un mois très bon garçon. Il commence humblement sa culture printanière. Ce maître des batailles et des offensives est un jardinier de quatre sous qui ne réussit pas encore à rendre habitable le domaine dont il a la garde. Mars promet par son nom avantageux bien plus qu'il ne peut donner en vérité.

Un poète de jadis écrivait à propos de lui dans un dictionnaire comique : "Des fleurs en mars ne tiens compte, non plus de femme sans honte." Donc, nous allons commencer un mois qui n'a point de gloire, malgré les airs qu'on lui prête. Vous direz qu'il n'est pas responsable du nom qu'on lui a donné et qu'il eût souhaité être baptisé tout autrement. Il n'est pas le seul à être victime des erreurs d'autrui.
Casimir.


M. Rongvaux A Salzinnes.
M. Rongvaux, ministre des Communications, a visité l'atelier de réparation des locomotives à Salzinnes . Il a félicité le personnel pour son effort et fait appel à son dévouement dans l'intérêt de la patrie.


La droite wallonne.
La droite wallonne de la Chambre a élu comme président M. Morget, et comme secrétaire M. Duvieusart. Elle a ensuite échangé des vues au sujet des questions touchant les intérêts matériels et moraux de la Wallonie : Liège port de mer et le bouchon de Lanave, l'électrification des chemins de fer et notamment la réalisation de la Petite Etoile, qui serait en défaveur des Wallons; la gazéification des mines qui serait de nature à maintenir, en Wallonie, l'industrie du charbon et les activités qui en dérivent.A remarquer que les parlementaires bruxellois peuvent faire partie de la droite wallonne ou de la droite flamande, et même des deux à la fois.


Du courant tous les jours ?
Nous avons dit que le Premier ministre espérait arriver bientôt à la suppression progressive des restrictions que l'insuffisance des arrivages de charbon avait imposées aux centrales électriques et aux usines à gaz. (...) C'est ainsi que certaines communes bénéficient déjà d'un peu de gaz. Comme la production et le transport continuent à s'améliorer, les services d'électricité de l'agglomération bruxelloise ont proposé au ministre des Affaires Economiques de revenir à la situation normale en ce qui concerne la fourniture de courant.
L'indemnité parlementaire.La Commission pour la comptabilité de la Chambre a proposé de porter l'indemnité des députés de 42000 à 60000 fr. Le budget sera mis en discussion à la Chambre, qui se réunira en huis-clos.


La fin de la guerre...
... est proche, mais ce qui l'est davantage, c'est la possibilité d'acquérir le studio ultra-moderne dont vous rêvez (cosy lit + table + 2 fauteuils) au strict prix de gros. Large crédit. 97, rue de Brabant, ouvert de 9 à 18 h.


Rectificatif important :
Un traître fusillé. Contrairement à ce qui avait été annoncé, Georges Decoene, d'Estaimpuis, de la brigade des S.S. Wallonie, a été fusillé mardi matin, non à la prison de Saint-Gilles, mais dans la caserne d'artillerie de Tournai.


Et pour indiquer les heures de coucher et lever du soleil :
Occultez de 18h.53 à 6 h.56.

mercredi 27 février 2008

WESEL (ALLEMAGNE) MARS 1945.

Les Anglais à Wesel.
Wesel, au cours de la Première guerre mondiale, est un point de rassemblement des troupes allemandes pour le front de l'Ouest.
À la suite du Traité de Versailles qui stipule la démilitarisation de la Rhénanie, la ville perd sa fonction militaire. Ce n'est qu'après le référendum de réunification de la Sarre alors sous sous mandat de la Société des Nations avec l'Allemagne et l'arrivée au pouvoir des Nazis que de nouveaux contingents investissent l'ancienne citadelle.

Wesel en 1945: la ville est presque entièrement rasée par les bombardements à la nappe des Alliés. Du fait de sa situation stratégique, la ville devient dès la fin de la bataille d'Angleterre la cible privilégiée de l'aviation anglaise, puis alliée. Finalement, les 16, 17 et 19 février 1945, Wesel est pratiquement rayée de la carte par les bombardements aériens et les tirs d'artillerie alliés. Les ponts franchissant le Rhin et la Lippe avaient été minés par la Wehrmacht, notamment le viaduc de chemin de fer de 1950 m de portée, détruit le 10 mars, et qui fut le dernier franchissement du Rhin défendu par les Allemands. Le 23 mars, la ville fut de nouveau bombardée en préparation de l'Opération Plunder, 3 000 réfugiés étant pris sous le feu. 97 % des édifices étaient détruits lorsque les Alliés, vainqueurs, traversèrent les ruines.

Le déblaiement systématique des ruines et les premières reconstructions ne furent entrepris qu'au cours de l'été 1946, sous l'impulsion d'une association appelée Wesel hilft sich selbst (« Wesel s'en sort seule »). On reconstruisit même certains édifices publics, en particulier la cathédrale Saint-Willibrord grâce à une association appelée Willibrordi-Dombauverein.
Source :

mardi 26 février 2008

1 MARS 1945.

Arnold De Spiegeleer. Chandelière (détail).

Pologne.
En Poméranie, le 1er front biélorusse, qui attaque vers le nord, parvient à percer les défenses au nord d’Arnswalde et se dirige vers Kolberg.

Allemagne.
La 9ème armée américaine s’empare de Munchen-Gladbach et Neuss; elle avance rapidement vers le Rhin. Les attaques de la 1ère armée américaine sur Cologne se poursuivent, de même que les efforts de la 3ème armée américaine près de la rivière Kyll au sud de Trier.

Iles Volcano.
Les marines américains réussissent à s'emparer, au prix de violents combats, de la crête du Dindon, une des hauteurs qui dominent le second aéroport. Une partie du troisième aéroport est conquise par les Américains, mais leur progression est là aussi stoppée par une forte réaction nippone.

Philippines.
A Manille, les derniers résistants japonais se sont retranchés dans les bâtiments du ministère des Finances. Le 1er corps américain renouvelle ses efforts en direction du nord, vers Baguio. Les 32e et 25e divisions se heurtent à une forte résistance japonaise, mais commencent cependant à se diriger vers la vallée du Cagayan et le col de Balete, au nord-est de l'île.

Archipel Ryukyu.
Le Task Group de porte-avions légers faisant partie de la Task Force 58, aux ordres du vice-amiral Mitscher, bombarde les installations nippones du secteur d'Okinawa, ainsi que les navires japonais, coulant deux petits navires de guerre.

dimanche 24 février 2008

CAR NOUS N'ATTENDRONS PAS QU'IL NEIGE DES ORANGES...


K' ti soeyes Flamind, k' ti soeyes Walon, cama
T' es èn ovrî d' minme condicion, cama
C' est a droete k' i fåt rawaitî
C' est l' droete k' est l' innmi des ovrîs.
(Qu’tu soies Flamand, qu’tu soies Wallon, Cama
T’es un ouvrier de même condition, Cama
C’est à droite qu’il faut regarder
C’est la droite qui est l’ennemie des ouvriers
Philippe Anciaux.

Je crois simplement que la scission de la Belgique sur base linguistique nous conduira au déclin économique.
Mais ne compte pas sur moi pour cavaler dans les rues avec mon roi, ma brabançonne; mon drapeau...
Ni pour me précipiter dans les bras de Sarkozy.
Ironie de l'histoire : la revendication du fédéralisme est née en Wallonie dans les années 60 (1900), après la déception qui a suivi le fiasco de la grande grève (60-61) qui n'a absolument pas marché en Flandre (sauf dans quelques bastions ouvriers : Anvers).
A ce moment, certains ont cru, dans le sud du pays, que la situation était mûre pour faire des avancées socialistes significatives...
Furent créés des partis et des tendances politiques de gauche (*) : PWT (parti wallon des travailleurs) et surtout (par l'importance de l'adhésion) : MPW (mouvement populaire wallon) à la suite du leader syndical André Renard.
Si j'avais été actif à cette époque (je n'avais que 15 ans et ne m'occupais pas de tout ça), il y a gros à parier que j'aurais pris des positions fédéralistes sur cette base...A ce moment, c'était la Flandre qui était royaliste...

(*) Je ne veux pas parler en historien mais en militant qui prend parti et définit une action (même si j'ai "battu en retraite"). Je range dans la gauche des individus, des groupements, des partis qui ne se battent pas seulement pour la démocratie politique mais aussi économique : qui revendiquent que le "que produire ?" soit précisé par un débat démocratique (dont les modalités sont à définir).

Sinon, la "gauche" se contentera d'exiger un partage plus "équitable des richesses" et se mettra à la remorque d'une société productiviste à tout prix qui nous mène tous à la catastrophe...

jeudi 21 février 2008

EN AVANT. Y A PAS D'AVANCE...

Arnold De Spiegeleer. Cycle du poisson (détail).

A gauche, depuis longtemps, plus personne ne conçoit le socialisme comme un mode de fonctionnement de la société.

Qui oserait aujourd'hui suggérer qu'il serait bon que le "Que produire dans notre société ?" fasse l'objet d'une forme à déterminer de débat démocratique plutôt que d'être seulement soumis aux aléas d'un marché ?

Il s'exposerait au fou rire généralisé ... ou à la répression immédiate...

Pour tous, le marché est devenu le seul modèle incontestable.
Le degré de radicalité n’est plus qu’une question de proposition de pourcentage du revenu à arracher à la société capitaliste pour l’affecter à la résolution des problèmes sociaux.
Dans une telle perspective, il n’est – y compris à l’extrême gauche – qu’une seule voie envisageable : productiviste… Toujours plus de croissance (donc, dit-on, mais ce n’est pas sûr à cause des évolutions technologiques : plus d’emplois) afin de créer les marges de redistribution de revenus les plus larges possibles…

Dans les pays occidentaux, où une apparence de sécurité est encore de mise (en attendant la quart-mondisation de notre société), on a défini quelque part dans les structures une marge assez précise du revenu de la production qu’on accepte d’affecter au social…
Tout le monde s’y conforme – y compris à gauche – car chacun sait, qu’à présent, la technicité du système permettrait l’évasion immédiate des capitaux et le sabotage économique si cette marge était mise en question par des actions revendicatives plus radicales…
Ce qui permet, en plus, à une droite intelligente ayant intériorisé cette marge (avec ses avantages) de l’utiliser effectivement dans des buts sociaux et d’apparaître, de ce fait, comme aussi favorable que la gauche à la résolution des problèmes (logement, chômage,…).
Cfr : le personnage Borloo.
Il est facile de comprendre que, dans une telle perspective, la gestion de la société devient affaire exclusive de ... compétence.

Toutes les tendances (dont les divisions n’ont plus aucun fondement) seront donc amenées à collaborer pour le "bien commun".

Dans cette perspective, quel est désormais le sens d'élections ?

samedi 16 février 2008

TRAVAILLER PLUS POUR GAGNER PLUS...

Arnold De Spiegeleer. 2008.
GéBé. L'an 01. 1972. Une page de catalogue.
( cliquer sur l'image)

vendredi 15 février 2008

dimanche 10 février 2008

DES "HUMANITES" AU BAC MAC DO.


1.
WIKIPEDIA. Histoire des Humanités.
Au XXe siècle le terme Humanités désigne de manière générale l'enseignement secondaire suivi par les jeunes de 12 à 18 ans.
Cet enseignement s'est considérablement étendu et spécialisé depuis les siècles précédents et les jeunes qui apprennent le grec et le latin deviennent rares. En fonction de leur âge et des différents pays, les élèves peuvent ainsi opter à différents stades du cursus scolaire pour des humanités classiques ou spécialisées dans des spécialités aussi diverses que les
mathématiques, les sciences exactes, les sciences humaines, les langues modernes, les techniques, les arts ou les sports (ou la combinaison de plusieurs disciplines). La réussite des 6 ou 7 années d'humanités donne généralement accès à l'enseignement supérieur, universitaire ou non.
Bon nombre d'établissements publics ou privés (libres confessionnels ou non-confessionnels) dispensent l'enseignement secondaire. Les établissements d'enseignement général purement intellectuels sont généralement distincts des établissements à vocation technique marquant généralement une scission entre une tradition bourgeoise et une tradition ouvrière. De nombreux pouvoirs organisateurs organisent un
enseignement conforme à leurs besoins, objectifs et traditions, dont les communautés religieuses ou l'armée.
En
France, l'enseignement des quatre premières années (Sixième, Cinquième, Quatrième, Troisième) est prodigué dans un Collège, celui des trois dernières années dans un Lycée (Seconde, Première, terminale).
Les élèves qui manquent les cours sèchent.
En
Belgique jusqu'à l'instauration de la mixité en 1974, les filles fréquentaient les Lycées et les garçons les Athénées. Dans les années 1990, la plupart des établissements ont été renommés Athénées. Un Athénée Royal est un établissement relevant directement de l'état central.
Les jeunes belges brossent parfois les cours.
Quant aux jeunes suisses, ils ont éventuellement l'occasion de courber le
Gymnase.

2.
Site français : Qu'apprend-on au Collège ?
« Faire ses humanités » signifiait, depuis le xvie siècle, étudier le latin et le grec. Ce fut longtemps le fondement de toute éducation classique. À travers les grands auteurs de l’Antiquité, on apprenait non seulement leur langue et sa grammaire, mais aussi l’histoire antique où l’on trouvait l’occasion de méditations personnelles, de leçons de morale, de philosophie, de politique : les humanités étaient censées offrir aux adolescents des modèles à imiter dans leur vie d’adulte.
L’expression peut paraître un peu désuète aujourd’hui. Avec l’apparition de nouvelles disciplines, et notamment des sciences humaines, les exigences culturelles ont en partie changé et, pour une part, se sont multipliées : on demande au collégien de connaître les grands repères de l’histoire des hommes et des territoires, d’avoir lu quelques grandes œuvres de la littérature française et mondiale, de découvrir des cultures et des civilisations étrangères, d’acquérir de grandes références culturelles et historiques dans le domaine des arts et dans celui des sciences et des techniques.
Ces repères patrimoniaux possèdent, comme jadis, une valeur intrinsèque. Mais ils nourrissent aussi la compréhension du temps présent et contribuent à la formation de l’autonomie : l’ignorance du passé n’est guère propice à l’exercice d’une liberté bien comprise. Ils doivent permettre aux élèves de mettre en relation des savoirs, des événements, des phénomènes différents, et d’accéder ainsi aux débats d’idées, aux valeurs et aux questionnements à vocation universelle dont ils sont porteurs.
Les disciplines concernées sont le français, l’histoire et la géographie, les langues vivantes, les enseignements artistiques et les langues anciennes. Il serait là encore dommage que le découpage disciplinaire, légitime dans ses objectifs, masque en partie le sens et la finalité globale de ces apprentissages. D’autant que certaines parties des programmes disciplinaires gagnent à être éclairées de plusieurs points de vue convergents. Ces éclairages permettent aux élèves de comprendre, par exemple, que les régimes politiques ne se succèdent pas de manière aléatoire, que les échanges sociaux et économiques répondent à certaines règles, que nos valeurs et nos préoccupations culturelles ne viennent pas du néant, que les religions ont inspiré et continuent d’influencer la politique, la guerre, les mœurs et notre univers symbolique quotidien.

Il serait bien sûr déraisonnable de prétendre faire acquérir toutes ces références : il ne peut être question d’aborder avec des élèves de cet âge toutes les formes d’organisation politique et tous les courants de pensée de l’humanité. Des choix s’imposent donc pour ne traiter que quelques références significatives qui constitueront des thèmes privilégiés pour les itinéraires de découverte.

3.
Les Humanités professionnelles en Hainaut.
Ta passion, ton métier, ton job.
Enseignants - Introduction.
Depuis trop longtemps, l'enseignement technique et professionnel est victime d'un préjugé défavorable dans l'ensemble de la population.
Souvent considéré comme un enseignement du "second choix" ou du "pis-aller", nous voulons le replacer au centre d'un propos positif. Les filières techniques et professionnelles sont porteuses d'avenir, notamment parce qu'elles peuvent déboucher sur de l'emploi. Elles sont les éléments essentiels du passé industriel et économique de notre Province, elles seront les moteurs de la relance dans l'avenir.
La Province de Hainaut a décidé de créer un site spécialement mis en œuvre afin de surfer dans ce monde passionnant, nous vous en souhaitons une bonne découverte.

4.
Dossier ; Bac Mac Do. Site TF1.
« T'as eu ton bac dans un Happy Meal? »
Après le permis "dans une pochette surprise", on pourra un jour vous reprocher d'avoir trouvé votre baccalauréat dans le menu enfants de chez Mac Donald's. Chez nos voisins britanniques, il s'agit pourtant d'une initiative très sérieuse.
Le Royaume-Uni va en effet autoriser trois sociétés dont la chaîne de restauration rapide McDonald's à décerner ses propres diplômes, équivalents du baccalauréat britannique et reconnus par l'Etat.
McDonald's pourra délivrer un baccalauréat en "gestion du travail en équipes", qui certifiera que son détenteur a appris toutes les tâches reliées à la gestion d'un restaurant McDonalds, du marketing aux ressources humaines en passant par les services à la clientèle, a précisé l'agence gouvernementale chargée des cursus scolaires (Qualifications and Curriculum Authority, QCA).
Bac cheminot ou steward. Deux autres sociétés privées pourront également décerner le "A-level", abréviation de Advanced Level (Niveau Avancé), un examen passé au cours des deux dernières années de l'éducation secondaire et souvent exigé pour l'entrée à l'université. Network Rail, société qui assure la gestion et l'entretien du réseau ferroviaire, pourra décerner son A-level, ainsi que des diplômes pouvant aller jusqu'au doctorat en ingénierie.
La compagnie aérienne à bas prix Flybe délivrera des diplômes de stewards ou hôtesses ainsi que d'ingénieurs de vol. Il s'agit des premières sociétés privées autorisées à délivrer des diplômes sanctionnant des qualifications nationales britanniques. "Cette importante mesure vise à mettre fin aux vieilles divisions entre les qualifications nationales et la formation en entreprises, ce qui va être à l'avantage des employés, des employeurs et du pays dans son ensemble", a déclaré le ministre des Universités et de la formation, John Denham.

mardi 5 février 2008

DERNIERE INTERVIEW D'ANDRE GORZ au NOUVEL OBSERVATEUR.

Dans la mémoire de l'Obs, la dernière interview d'André Gorz : Où va l'écologie ? Par Nouvel Obs. C'était en décembre 2006.
Le fondateur de l'écologie politique et ancien journaliste au «Nouvel Observateur» revenait sur trente ans de réflexion et de combat.
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Le Nouvel Observateur. - «Ecologiste avant la lettre», comment définissez-vous l'écologie?
André Gorz. - De toutes les définitions possibles, j'aimerais privilégier d'abord la moins scientifique, celle qui est à l'origine du mouvement écologiste, à savoir le souci du milieu de vie en tant que déterminant de la qualité de la vie et de la qualité d'une civilisation. Les premières grandes manifestations de ce souci se sont développées en Amérique du Nord, puis au Japon, puis en Allemagne, d'où elles ont gagné le reste de l'Europe. Elles ont pris la forme de mouvements de protestation, souvent violemment réprimés, contre la confiscation de l'espace public par des méga-industries, des aéroports, des autoroutes qui venaient bouleverser, bétonner, techniciser le peu de milieu «naturel» qui restait et répandre des polluants et des nuisances.
La résistance des habitants à cet envahissement de leur milieu de vie n'était pas une simple «défense de la nature». C'était une lutte contre la domination, contre la destruction d'un bien commun par des puissances privées, soutenues par l'Etat, qui déniaient aux populations le droit de choisir leur façon de vivre ensemble, de produire et de consommer.

N. O. - En 1972, lors du grand débat organisé par «le Nouvel Observateur» sur le thème «Ecologie et révolution», vous écriviez: «L'écologie est une discipline foncièrement anticapitaliste et subversive.» Le pensez-vous toujours?
A. Gorz. - L'écologie politique ne peut rien être d'autre. Elle est née en 1972 précisément, à la suite d'un rapport de scientifiques britanniques, «Blueprint for Survival», et d'un rapport commandité par le Club de Rome. Il avait en français pour titre «Halte à la croissance». Il soulignait l'urgente nécessité d'une rupture avec l'industrialisme et cette religion de la croissance qui est inhérente au capitalisme. Dans l'excellent petit livre, purement factuel et richement documenté, «le Développement durable. Maintenant ou jamais», que Dominique Bourg et Gilles-Laurent Rayssac viennent de publier chez Gallimard, vous pouvez lire des phrases comme celle-ci: «L'ampleur du changement environnemental tout autant que l'épuisement des ressources fossiles imposent une transformation rapide et radicale de nos modes de production et de consommation, mais aussi de notre organisation sociale.»
Ils «imposent» une réduction drastique de la production et de la consommation matérielles. Or, comme le notent les auteurs un peu plus haut, «la création de valeur, condition du dynamisme de nos sociétés, est nécessairement liée à la croissance des flux de matières et d'énergies».
Vous ne pouvez pas avoir un capitalisme sans croissance ni, a fortiori, un capitalisme de décroissance. Le profit, la «valeur» sont impossibles sans la circulation de marchandises substantielles, détachables de leurs producteurs. La décroissance, dans «nos» économies, a un nom: la dépression. Vous ne pouvez pas vouloir la réduction des flux de marchandises matérielles sans vouloir une économie radicalement différente de celle-ci, une économie dans laquelle le but premier n'est pas de «faire de l'argent» et dans laquelle la richesse ne s'exprime ni ne se mesure en termes monétaires.
Ceux qui, comme Serge Latouche, appellent la «décroissance» ne veulent ni l'austérité ni l'appauvrissement. Ils veulent avant tout rompre avec l'économicisme, attirer l'attention sur le fait qu'à la base de toute société, de toute économie il y a une non-économie, faite de richesses intrinsèques qui ne sont échangeables contre rien d'autre, de dons sans contrepartie, de gratuité, de mises en commun. L'informatisation, l'automatisation, l'élimination du travail matériel par l'immatériel annoncent un avenir qui pourrait être celui de la non-économie. C'est dans cette optique qu'il faut saisir l'importance des conflits dont les échanges gratuits sur le Net sont l'objet.

N. O. - Est-ce que l'écologie est à vos yeux porteuse d'une éthique?
A. Gorz. - C'est ce que soutient Hans Jonas quand - je simplifie grossièrement - il écrit que nous n'avons pas le droit de compromettre la vie des générations futures dans l'intérêt à court terme de la nôtre. Je n'aime pas l'approche kantienne de Jonas. Il en appelle au sens de la responsabilité de chacun, individuellement. Mais je ne vois pas comment des choix individuels changeront «rapidement et radicalement» notre modèle de consommation et de production. D'autant que ce modèle a été conçu et imposé précisément pour étendre la domination du capital aux besoins, aux désirs, aux pensées, aux goûts de chacun et nous faire acheter, consommer, convoiter ce qu'il est dans l'intérêt du capitalisme de produire.
Il y a longtemps que la production de l'utile et du nécessaire a cessé d'être le ressort de la croissance. Les besoins sont limités, les désirs et les fantasmes ne le sont pas. Dans les années 1920 d'abord, les années 1950 ensuite, le besoin qu'avait l'industrie de produire plus l'a emporté sur le besoin des gens de consommer plus et motivé le développement d'une pédagogie - le marketing, la publicité - qui «crée de nouveaux besoins dans l'esprit des gens et fait augmenter leur consommation au niveau que notre productivité et nos ressources justifient». Ce texte est de 1957.
Les consommateurs et la production doivent être mis au service du capital et non l'inverse. Le lien entre la création de valeur et la création de richesse est rompu: n'est reconnu comme richesse que ce qui peut s'exprimer et se mesurer en argent. Les biens communs ne sont évidemment pas dans ce cas. Les services collectifs sont à abolir dans la mesure où ils freinent ou empêchent la croissance de la consommation individuelle. Celle-ci s'adresse, par le marketing, au désir secret de chacun d'échapper au lot commun, de se distinguer des autres et non d'avoir et de satisfaire des besoins communs à tout le monde. Edward Bernays, le neveu de Freud, qui a inventé le marketing moderne dans les années 1920, avait bien compris que le consommateur individualisé est le contraire du citoyen qui se sent responsable du bien commun, et que les couches dominantes pourraient être tranquilles aussi longtemps que les gens se laisseraient persuader que les biens de consommation individuels offrent des solutions à tous les problèmes.
Vous voyez donc qu'une éthique de la responsabilité suppose beaucoup de choses: elle suppose une critique radicale des formes insidieuses de domination qui s'exercent sur nous et nous empêchent de nous constituer en sujet collectif d'un refus commun, d'une action commune. Il faut évidemment que la critique radicale ne s'accompagne - comme chez Naomi Klein dans son «No logo» - d'actions militantes mobilisatrices: boycott des marques, campagnes de Casseurs de Pub, arrachages de semis d'OGM, etc.

N. O. - Au début des années 1970, vous meniez campagne dans les colonnes du «Nouvel Observateur» contre l'industrie nucléaire. Un vaste mouvement vous accompagnait. Face aux périls du réchauffement climatique, vous semble-t-il que le nucléaire est aujourd'hui un moindre mal ?
A. Gorz. - Le nucléaire a englouti en France des sommes si démesurées, souvent en pure perte - pensez à Superphénix -, que nous avons négligé les économies d'énergie et les énergies renouvelables. Les réserves d'éléments fissiles sont limitées et restreignent l'avenir du nucléaire. Le problème des déchets n'est pas résolu. Mais surtout le nucléaire est une énergie très concentrée qui demande des installations géantes, des usines de séparation isotopique et de retraitement à la fois très dangereuses et vulnérables. Le nucléaire exige donc un Etat fort et stable, une police fiable et nombreuse, la surveillance permanente de la population et le secret.
Vous avez là tous les germes d'une dérive totalitaire. Les énergies renouvelables, au contraire, se prêtent à une production locale, ne se laissent pas monopoliser ni utiliser pour asservir leurs usagers. Il est vrai qu'elles ne suffiront pas pour faire fonctionner de grands complexes industriels. Mais on aura déjà compris que ceux-ci sont incompatibles avec les «transformations rapides et radicales» dont dépend la survie de l'humanité. Si vous lisez «l'Urgence de la métamorphose», à paraître le 15 janvier, de Laurence Baranski et Jacques Robin, vous verrez que la révolution informationnelle annonce la disparition de l'industrialisme: nous sortons de l'ère de l'énergie pour entrer dans celle de «l'information» et de «l'immatériel».

HALTERE NATIVE A L'OBESITE.